Les actions les plus porteuses naissent souvent de coups de tête. C'est le cas des Princes. La ligue de balle-molle féminine improvisée est devenue un symbole montréalais du girl power.

Elle s'est dotée d'une mission caritative dès la deuxième année, a fait l'objet d'une websérie, puis est aujourd'hui le sujet d'une émission à TV5, Les Princes à Calcutta, diffusée à compter de mardi soir. Tout ça en quatre ans.

En 2015, au plus creux d'une rupture amoureuse, Léa Vinson a eu une idée un peu folle, « presque une joke », avoue-t-elle en entrevue. Pourquoi ne fonderait-elle pas une ligue sportive féminine avec une bande de copines ? Les gars s'organisent bien des tournois de baseball, de hockey, de soccer, après tout.

« J'avais l'impression de passer mes temps libres à attendre des retours de textos de flammes potentielles, à parler de gars avec mes amies, à faire la fête, bref, à ne pas faire grand-chose de constructif, raconte la jeune femme qui travaille dans le milieu des communications. J'ai monté un petit groupe Facebook improvisé et 25 filles ont accepté de participer. »

Pourquoi Les Princes ? « Ça n'a pas un sens bien profond, admet Léa. Entre amies, on s'appelait souvent "mon prince" pour rigoler. »

Le nom a collé. Il est facile à retenir, offre de belles possibilités de branding et rappelle à tous et à toutes qu'on n'a pas affaire à des « princesses ».

De blague à succès monstre

Si, au début, le sport était un prétexte pour se retrouver entre femmes, Léa et les autres ont néanmoins embauché un entraîneur pour les guider. Puis les uniformes faits maison ont été remplacés par des maillots de qualité professionnelle. Les tournois caritatifs ont commencé dès la deuxième saison. La popularité quasi instantanée des Princes a rapidement mené à une websérie. Les inscriptions ont alors explosé, avec 500 candidatures en 2017.

« La troisième saison, c'était un peu badtripant, avoue Léa Vinson. On est montées à six équipes. Il a fallu que je me mette beaucoup de l'avant pour répondre aux besoins médiatiques. Ce n'était pas nécessairement ça que je voulais faire dans la vie. Je n'ai jamais voulu que Les Princes devienne mon travail », poursuit celle qui a commencé un nouveau boulot chez Ubisoft il y a deux semaines, aux communications et aux partenariats sociétaux.

Au stress de la surcharge s'ajoutait celui de la gestion de l'image du collectif.

« On protège jalousement notre marque. Notre but, c'est d'être vraiment inclusives et de représenter la diversité féminine. On veut aussi rester indépendantes, ne pas s'associer à n'importe quelle cause ou à des marques ni jouer la carte des belles filles. »

L'union fait la force

Aujourd'hui, la ligue est une communauté quasi autosuffisante, apprend-on du petit groupe de femmes que nous avons rassemblées dans un café, la semaine dernière. Colocs, appartements, contacts, contrats, jobs et, bien sûr, amies nombreuses font partie des trésors qu'on peut dénicher en faisant partie des Princes - trop tard pour les intéressées, les inscriptions sont fermées pour 2019 !

« Les Princes, c'est une ressource infinie. On est 90 filles avec toutes sortes de backgrounds, de talents, de contacts. On a toutes nos lacunes, mais on se complète et on est tellement fortes qu'il n'y a aucune drogue pour égaler l'énergie qu'on dégage en groupe », déclare Isabelle Larivière, qui amorce sa troisième saison dans la ligue.

La grande mission

Cette énergie, les joueuses l'ont amenée avec elles à Calcutta. La mission humanitaire qui est documentée dans l'émission de TV5 est née de la rencontre entre Léa Vinson et Rachel Lapierre, fondatrice du Book humanitaire, un site qui met les aidants en contact avec ceux qui ont besoin d'aide. Léa a voulu partir en Inde avec l'infirmière qui consacre désormais sa vie aux gens dans le besoin. Là-bas, l'amoureux de Léa, Ian-Mathieu Ouellet, a tout filmé.

L'expérience a été tellement formidable que, six mois plus tard, 16 membres des Princes et une équipe de tournage prenaient l'avion pour Calcutta. Elles s'étaient donné cinq missions à réaliser sur place, dont la plus « légère » était d'apprendre le baseball à un groupe de fillettes et d'adolescentes.

« Ce qui était le plus beau, c'était de voir la fierté dans les yeux des filles quand elles regardaient les gars qui s'amassaient autour pour assister à leurs pratiques, raconte Maryéva Métellus, membre fondatrice des Princes. C'était leur moment à elles, pour une fois. Les garçons pouvaient jouer après. Et ils ont semblé aimer regarder leurs soeurs, leurs voisines, leurs petites amies avoir beaucoup de plaisir et rire ensemble. »

À la veille de la diffusion des Princes à Calcutta, Léa souhaite que l'émission donne envie aux gens de s'engager socialement. « Il y a tellement de gens dans le besoin, partout sur la planète, que ça me semble inconcevable de ne pas aider quand on en a les moyens. Je veux démocratiser le travail caritatif, montrer que tout le monde peut le faire », conclut la jeune fondatrice, qui ne fait que prendre son élan pour s'élancer dans un monde meilleur.

Quatre « Princes » témoignent

Andréane Beauchesne, 2e saison

« Je n'avais jamais pratiqué de sport d'équipe. Je pensais que je n'étais sûrement pas assez bonne ni assez cool pour faire partie des Princes. Mais j'ai eu 30 ans puis j'ai décidé qu'il était temps que j'assume mes envies », nous révèle la passionnée de mathématiques qui a préféré continuer de travailler en salle au restaurant Joe Beef plutôt que d'enseigner.

Jani Pronovost, 4e saison

« Je me suis jointe aux Princes parce que j'aime le sport. Plus jeune, je me retrouvais toujours à jouer avec mes frères, mon père, mes oncles et aucune autre fille ! Les gars ont leurs soirées sportives entre boys, j'avais envie d'avoir mes activités sportives entre filles », déclare la comédienne qu'on peut voir dans Like-moi !, entre autres.

Isabelle Larivière, 3e saison

« Quand je suis arrivée dans le groupe, c'était stressant. J'ai grandi avec six frères et j'ai passé ma jeunesse à essayer de les dépasser dans le sport. Je n'ai jamais vraiment eu de gang de filles, alors arriver dans un premier party de début de saison avec 80 femmes un peu déjantées, ça m'a vraiment fait peur. Mais aujourd'hui, je me réveille la nuit pour remercier la vie de m'avoir amené Les Princes », dévoile la directrice de production et humoriste.

Maryéva Metellus, 5e saison

« Les Princes m'ont permis de continuer à m'affirmer et à me définir en tant que femme et ont généré en moi une grande fierté, du fait d'être entourée d'autant de belles femmes fortes », affirme la comédienne, amie de Léa Vinson depuis le secondaire et Prince de la première heure.