Pourrait-on réellement voir une nouvelle épidémie d'influenza? Lorsque l'on parle d'influenza, les experts s'acharnent à répéter que la question n'est pas si, mais quand aura lieu une nouvelle épidémie.

Et près de 90 ans après la pire épidémie - la grippe espagnole de 1918-19 - et 40 ans après la plus récente, il est tentant de se demander pourquoi il n'y a pas eu de nouvelle pandémie depuis celle de Hong Kong en 1968.

Même avec les connaissances actuelles sur la grippe, il n'y a pas de réponse satisfaisante à la question. Les pandémies de grippe arrivent lorsqu'elles arrivent. Et il n'y a aucune façon de prévoir le déclenchement de la prochaine. Ni son degré d'impact sur la santé mondiale, à savoir s'il sera faible, modéré ou sévère.

«Quarante ans, 50 ans, 30 ans - je crois que la maladie établit son propre échéancier», dit le docteur Keiji Fukuda, le coordonnateur du Programme mondial de lutte contre la grippe de l'Organisation mondiale de la santé.

Quelque chose qui est arrivé une fois peut se reproduire. Selon le docteur Fukuda, la planète devrait tirer cette leçon de la grippe espagnole.

«Si l'on compare avec 1918, les conditions nécessaires à l'éclosion d'épidémies de maladies respiratoires se sont empirées par rapport à cette époque», dit-il. La planète en a eu un rappel désagréable avec l'épidémie de SRAS.

«Nous avons des populations urbaines énormes. Il n'y a jamais eu autant de monde sur cette planète. Et d'une certaine manière, le terreau est plus fertile pour un virus pandémique.»

Les germes ne voyagent plus à la même vitesse. Dorénavant, avec les jets, ils peuvent traverser de très longues distances en quelques heures. Auparavant, cela prenait des semaines, voire même des mois.

«Et la réalité propre au style de vie urbain amplifie cette vulnérabilité», ajoute l'experte de la grippe, la docteure Danuta Skowronski. Dans les grandes villes, nos voisins ont autant de chance de devenir nos amis que de rester de parfaits étrangers.

«Aujourd'hui, grâce au voyage en avion, nous sommes interconnectés internationalement (...) Et malgré cela, nous connaissons à peine nos voisins, surtout dans les régions urbaines», explique la docteure Skowronski, qui travaille au British Columbia Centre for Disease Control à Vancouver.

«Et cela pourrait être une leçon importante tirée de la pandémie de 1918. Nous pourrions ne pas avoir accès à de l'approvisionnement extérieur si une nouvelle pandémie mondiale était déclenchée. Nous serions obligés de compter sur les communautés plus rapprochées, et cela, beaucoup plus que nous le faisons actuellement.»

Comment les gens ont-ils tenu le coup lors de l'épidémie de grippe espagnole en 1918? Afin d'aider les autorités de la santé publique à planifier une nouvelle épidémie, la docteure Skowronski et ses collègues ont décidé d'apprendre du passé. Depuis 18 mois, ils récoltent et conservent des témoignages de personnes qui se souviennent de l'éclosion de la grippe espagnole.

Plus de 200 personnes ont répondu à l'appel du Centre for Disease Control de la Colombie-Britannique. Les Centers for Disease Control des États-Unis ont entrepris un effort similaire et récemment publié The Spanish Flu Storybook.

«Nous voulions savoir comment ces gens se sont débrouillés et comment ils ont réagi individuellement. Parce que les pandémies, même celle de 1918, ne sont pas toutes liées à la mort. En réalité, la vaste majorité des gens qui ont été affectés en 1918 ont survécu.»

Des témoignages de l'époque révèlent que des gens ont succombé à la grippe espagnole à cause de la négligence de certaines personnes, qui, en bonne santé, avaient cependant peur d'aider les malades.

Mais les histoires entendues par la docteure Skowronski et son équipe sont souvent celles de courage et de bon voisinage, comme des malades soignés par un parent ou une infirmière vivant tout près. Ou encore, de voisins qui s'occupent du troupeau de bêtes d'une famille touchée par la maladie.

«Alors que ces souvenirs semblent évoquer une époque révolue, les histoires qui seront entendues au lendemain de la prochaine pandémie seront sûrement similaires», a dit la docteure Skowronski.

«Même en notre ère moderne, nous n'aurons pas accès aux vaccins (dans les premiers jours)», ajoute-t-elle.

«Nous aurons une pénurie d'antiviraux et d'antibiotiques. Nous devrons déployer les mêmes efforts de santé publique et communautaires qu'aux premiers stades de la pandémie. Ces témoignages sont très pertinents, même aujourd'hui.»