À partir de maintenant, des milliers - voire des millions! - d'investisseurs viendront bâtir hôtels et maisons à Montréal. Ils s'arracheront les terrains à prix d'or, puisqu'il en coûtera plus cher de construire à Montréal qu'à Londres, Paris, Pékin, Tokyo ou Barcelone. Mais le maire Gérald Tremblay ne s'inquiète pas de cette inflation galopante. «Ce n'est qu'un jeu, après tout», dit-il, philosophe.

Montréal est donc devenu la ville la plus chère du jeu Monopoly. Un titre arraché grâce à une mobilisation impressionnante qui a permis à la ville de remporter le vote populaire mondial tenu par la compagnie Hasbro pour attribuer les cases de sa nouvelle édition Monopoly Monde. Montréal est arrivé bon premier et occupera la traditionnelle case Promenade. Riga, capitale de la Lettonie, arrive au second rang et prend la place de l'avenue du Parc.

«J'ai craint qu'on finisse deuxièmes, a lancé à la blague le maire Tremblay en conférence de presse. Je ne voulais pas revivre le remplacement de l'avenue du Parc!» Il y a deux ans, l'administration Tremblay avait dû renoncer à sa décision de donner le nom de l'ancien premier ministre Robert Bourassa à l'avenue du Parc.

Riga, la voisine «monopolienne» de Montréal, fait également un autre clin d'oeil à la métropole québécoise, puisque l'ancienne présidente de la Lettonie, Vaira Vike-Freiberga, a déjà enseigné à l'Université de Montréal.

Cinq millions d'internautes ont voté dans le cadre du concours qui s'est tenu au début de l'année. Soixante-dix villes ont d'abord été retenues en présélection, et deux cases (les moins chères, de couleur brune) ont été ouvertes à toutes les propositions, même les plus farfelues (voir capsule).

Pas de chance pour Winnipeg, Calgary et Québec, qui étaient en lice pour arracher les deux dernières cases. Les cases brunes ont été attribuées à Taipei (Taiwan) et Gdynia (Pologne). Mais Vancouver et Toronto y sont aussi. Signe des temps, les joueurs pourront mettre la main sur des sources d'énergie renouvelables (éolienne ou solaire), une compagnie aérienne ou même spatiale.

Autour du tableau géant du jeu inventé en 1935 par Charles Darrow et installé dans le Vieux-Port pour l'occasion, les passants commentaient la nouvelle. "Montréal mérite sa place, a affirmé Eric Valentine. J'ai voyagé dans 47 pays. Cette ville en vaut le coup, malgré l'hiver!" Plusieurs des Montréalais rencontrés avaient voté au moins une fois durant le concours (les internautes pouvaient voter une fois par jour).

Le président de Tourisme Montréal, Charles Lapointe, a admis avoir voté «plusieurs fois». Il se réjouit que les joueurs de Monopoly du monde entier aient désormais le nom Montréal sous les yeux, ce qui pourrait les inciter à venir y faire un tour. «Si on avait voulu se payer une telle publicité, on n'aurait pas eu les moyens!» a lancé Isabelle Hudon, présidente de la chambre de commerce de Montréal. Il aurait fallu pour ça vider la caisse commune, emprunter à la banque, ou passer par Go et réclamer plusieurs millions de dollars...

Hérouxville évincée

Le vote pour la composition des nouvelles cases de Monopoly a suscité un engouement certain... auprès des farceurs. Au Québec, l'émission satirique Infoman a milité pour mettre Hérouxville sur la carte. En France, des internautes se sont mobilisés pour y faire inscrire le village de... Montcuq (région du Lot). L'an dernier, lors de la création d'une version du Monopoly France, Montcuq avait raflé la palme du vote populaire. Mais Hasbro avait décidé de retirer le nom de la liste «pour ne pas choquer un public familial».