Petit à petit, Pia Metni imprime sa marque minimaliste dans le paysage artistique canadien. La jeune Québécoise d’origine libanaise, qui expose jusqu’au 14 avril ses œuvres au salon Artist Project, à Toronto, a fait de sa perpétuelle quête d’équilibre un leitmotiv auquel elle donne libre cours dans son atelier du Plateau Mont-Royal. Un exercice rigoureux à haute portée symbolique.
Lors de notre rencontre, le parc La Fontaine, en face de chez Pia Metni, est recouvert d’une neige toute fraîche, immaculée. Seules les lignes des arbres et de l’étang troublent cette vaste étendue blanche. C’est ce décor apaisant que l’artiste peut observer l’hiver des fenêtres de son appartement au dernier étage d’une vieille maison.
Le seuil franchi, c’est aussi le blanc qui donne le ton de l’état d’esprit des lieux où l’artiste vit et crée, grâce à un atelier au décor épuré en mezzanine. Tout ici invite à se poser dans le moment présent et à se laisser gagner par les vertus du silence. Comme un principe de conduite élémentaire, ténu mais puissant. « Le silence fait partie de mon travail exploratoire. Il y a, dans celui-ci, un poids qui permet de l’ancrer et de me poser des questions existentielles. J’ai besoin d’un environnement neutre, comme un grand canevas blanc, pour percevoir ce que j’ai à dire », confie-t-elle.
En toile de fond
Artiste autodidacte, Pia Metni est restée dans l’ombre jusqu’au plus récent SOUK, le rendez-vous annuel des amateurs de design montréalais, en décembre dernier. Des particuliers, des artisans, mais aussi des architectes sont venus à sa rencontre et ont amorcé avec elle un dialogue sur les notions d’équilibre et de composition. « Je vogue encore sur ces échanges », glisse-t-elle le regard brillant.
La recherche d’harmonie, dans son cas, se fait principalement entre les deux versants de sa personnalité, à savoir sa féminité et sa masculinité, très prononcée, en rupture avec ses années passées dans le mannequinat et au théâtre, en partie à New York et à Los Angeles. « Je me suis longtemps laissé modeler pour répondre à ce que les gens attendaient de moi, mais aussi pour combler le manque de mon père mort au Liban lorsque j’étais enfant », raconte la jeune femme arrivée à Montréal à 5 ans grâce à sa mère québécoise qui souhaitait y esquisser les contours de sa vie future avec ses deux filles.
De toutes ses lignes de faille, Pia a choisi de faire des lignes de force.
Alors qu’elle peine à supporter le rythme d’un travail dans le domaine de la chirurgie orthopédique, à 31 ans, elle s’évade huit mois vers de nouveaux horizons lors d’un voyage qui la mènera dans l’Himalaya. L’idée de faire autre chose de son temps germe peu à peu. Une maternité et une parenthèse pandémique lui permettent de reconsidérer ses priorités. « Je me suis demandé ce que je voulais transmettre à ma fille. Je me levais la nuit pleine de rage. Je poussais la table de la salle à manger. Je savais que, peu importe ce que je faisais, il fallait que je crée », se souvient-elle.
Dans la lignée
Elle évoluera naturellement vers un art minimaliste formé de dessins, de peintures et de travail du papier. Cette approche à la rigueur parfois presque mathématique lui permet d’aller droit à l’essence des choses, peu importe l’écho que reçoit son travail.
Si je me sens minuscule, comme une poussière dans l’univers, je ressens néanmoins l’importance de faire entendre ma voix pour les femmes. C’est souvent dans l’ombre que tout se concrétise. On mesure aujourd’hui ce que les pionnières ont légué aux femmes modernes.
Pia Metni
Comme dans l’immensité cosmique, les choses tendent à se répéter dans son œuvre. Il en va ainsi des traits en relief qui se succèdent sur des feuilles à la trame dense grâce à la technique de l’embossage à l’aide d’un pochoir en carton semblable à une grille. Un ballet de gestes précis au cours duquel elle veille toujours à oublier une case comme pour souligner la singularité de l’espèce humaine.
C’est souvent une émotion forte ou une chose immatérielle, comme le vent ou la lumière, qui guide la main de Pia. Au fil du temps, elle a vu poindre en elle une « rébellion de la ligne », une formule choc pour une obsession créatrice dont les prémices, à l’image de la peinture noire à l’exécution plus brute au moyen d’une grosse spatule qu’elle déroule devant nos yeux, sont percutantes.
« La ligne va évoluer de façon organique au cours des prochaines années. J’ai envie de me donner le droit d’explorer davantage mon côté masculin avec un mouvement plus audacieux », relève-t-elle en ordonnant ses mots avec la même maîtrise que ses traits sur la toile.
Consultez le site de Pia Metni