Dans le sillage de ses Mérites d'architecture, la Ville de Québec rend les honneurs à un architecte qui, dans sa carrière, a donné à la capitale nationale, et ailleurs, des immeubles beaux, intelligents, avant-gardistes et viables. L'an passé, Jean-Marie Roy. Cette année, Évans St-Gelais.

En 1975, alors que M. St-Gelais était encore au midi de sa vie, la Société généalogique canadienne-française qualifiait ses travaux de fonctionnels et hardis, hors des sentiers battus, aux formes à l'avant-garde où la beauté comprend l'utilité.

Aujourd'hui, l'architecte Rémy Morency, de Québec, l'un de ses héritiers intellectuels, reconnaît en l'oeuvre de St-Gelais audace et puissance.

Les grandes théories, les approches savantes ou les grandes démonstrations l'incommodaient. «Dans des labyrinthes de raisonnements, les solutions naissaient simplement de son crayon à mine, de façon déroutante», raconte M. Morency.

Cet homme de 82 ans, qui gravit encore les escaliers deux marches à la fois, est né à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, d'une famille de 12 enfants. Ses parents n'auraient pu lui payer ses études. Trop de bouches à nourrir. Il devait s'arranger seul.

Il entre donc à l'École des beaux-arts de Montréal, très loin des siens, pour y étudier l'architecture. En 1957, il ouvre son premier bureau à Jonquière. En 1958, l'architecte Fernand Tremblay, natif d'Alma, se joint à lui. C'est le début d'une longue et féconde association. Les deux allaient enseigner, au matin de son existence, à l'École d'architecture de Québec. Fernand Tremblay la dirigera en 1968-1969.

En 1960, Évans St-Gelais conçoit et construit la maison où sa femme, Paule, lui et leurs premiers enfants allaient habiter jusqu'à ce qu'ils viennent, quelques années plus tard, s'établir à Sainte-Foy. Cette maison, d'un seul niveau, que Le Soleil a découverte in situ début octobre, est encore bouleversante de créativité, de modernité, de fonctionnalité et de beauté. Elle est située rue du Pont, à Jonquière.

Réalisations

Dans la capitale nationale, le train de réalisations de l'architecte est impressionnant. Au nombre de celles-ci, le pavillon Bonenfant de l'Université Laval (1966), l'église Sainte-Cécile de Charlesbourg (1967), les édifices H et J du Conseil exécutif sur la colline parlementaire, à Québec (1967). >

- Puis la résidence des Oblats à Cap-Rouge (1965), le Centre socioculturel de Vanier (1980), le Centre de recherche et de pédiatrie du Centre hospitalier de l'Université Laval (1984-1988), l'Institut national d'optique (1985), le Manoir Ronald McDonald (1987).

Sans compter les écoles primaires de Loretteville (1966), Les Bocages de Saint-Augustin (1986), L'Arbrisseau (1980) et des Grandes-Marées (1992) de Cap-Rouge.

À Jonquière, l'église Saint-Raphaël lui vaut, en 1961, la médaille du gouverneur général Vincent Massey. Un an plus tôt, il réalise, avec un maigre budget (75 000 $), celle de la paroisse Saint-Gérard-Majella de Larouche. Une perle architecturale, néanmoins.

Enfin, l'église Saint-Marcel de Chibougamau que Rémy Morency résume de la sorte : forme spectaculaire et structure en croisillon où «il n'y a plus ni mur ni toiture, mais la fusion des deux dans un voile de béton».

Collège de Jonquière

Mais le Collège de Jonquière est l'oeuvre qui a le plus nourri d'idéal et de passion du tandem St-Gelais-Tremblay. La salle des pas perdus, la chapelle et l'auditorium, tous circulaires, sont adjacents sans être contigus.

«Ils donnent l'impression de trois édifices bâtis sur une grande place et les espaces interstitiels permettent l'entrée de la lumière naturelle», résume Rémy Morency, lequel est considéré, dans le milieu universitaire et dans les coulisses de la profession, comme un architecte modèle. Tout comme Évans St-Gelais.

Au 819, avenue Moreau, à l'adresse même où M. Saint-Gelais avait établi son bureau, Rémy Morency, de concert avec d'autres associés (Bélanger Beauchemin), assure, en quelque sorte, la suite des choses.

Enfin, on peut découvrir l'homme, sa carrière et ses oeuvres à l'atrium de l'édifice La Fabrique, au 295, boulevard Charest Est, à Québec, tous les jours, de 8h30 à 18h, jusqu'au mercredi 22 décembre.