Alors que les ruines des anciens moulins du parc-nature de l’Île-de-la-Visitation se dégradent depuis leur fermeture au public en 2008, la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC) souhaite restaurer le site en vue de son 300anniversaire. « C’est une honte d’avoir abandonné ça. C’est un bijou patrimonial », se désole Benoit Valois, qui habite l’une des 11 maisons de l’île de la Visitation.

Fissures dans le béton et végétation envahissante, c’est difficile de croire que le site des ruines des moulins a été restauré en 1998 dans le cadre de travaux orchestrés par l’architecte de renom Jean-Louis Beaulieu (estimés à 2,5 millions, selon des articles de nos archives). Vingt-cinq ans plus tard, les gens peuvent toujours arpenter les passerelles et profiter de la terrasse, mais les vestiges du complexe industriel de la digue sont laissés à l’abandon.

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La section laissée à l’abandon du site des Moulins, restauré il y a 25 ans par les architectes de la firme Daoust Lestage.

« Le site se détériore, se désole Jacques Lebleu, président de la SHAC. On voudrait le restaurer pour célébrer en 2026 l’ouverture du premier moulin il y a 300 ans. »

Un comité ad hoc a été formé et une première rencontre a eu lieu en juillet. Des élus y ont assisté, dont Caroline Bourgeois, mairesse de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et vice-présidente du comité exécutif et responsable des grands parcs.

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Jacques Lebleu, président de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC), et l’historien Stéphane Tessier dans la maison du Pressoir

En attendant, la SHAC ne peut faire autrement que de mettre en valeur la richesse historique des lieux. Grâce à une subvention de Musées numériques du Canada, elle vient par ailleurs de mettre en ligne un site web intitulé Les moulins du Sault-au-Récollet : trois cents ans d’histoire.

Consultez le site Les moulins du Sault-au-Récollet : trois cents ans d’histoire

Un peu d’histoire, justement

En 1726, les Sulpiciens ont érigé un premier moulin sur le site du Sault-au-Récollet sur une digue permettant de relier la rive à l’île. À l’époque, le courant de la rivière des Prairies n’était pas ralenti par la centrale hydroélectrique.

Simon Sicard fut le meunier du site pendant 42 ans. En 1837, Pascal Persilliez dit Lachapelle (à qui on doit les ponts Lachapelle et Viau) l’a acquis. La Révolution industrielle a ensuite changé la vocation des lieux. Des entreprises y ont fabriqué du carton fibre.

En 1982, la Ville a acquis le site des moulins pour en faire un parc. Depuis son inauguration, randonneurs et cyclistes profitent de sentiers qui permettent d’observer des centaines d’espèces d’oiseaux.

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Nature et urbanité cohabitent dans les 34 hectares du parc.

Jusqu’en 2016, la maison du Meunier (où a vécu Simon Sicard) était un centre d’interprétation historique, mais depuis la faillite du musée Cité Historia, qui avait comme mandat de mettre en valeur le site historique du Sault-au-Récollet, seul un casse-croûte est ouvert au public (géré par l’organisme La Corbeille).

Même le petit tramway qu’on pouvait emprunter pour une visite guidée a été remisé. Heureusement, la maison du Pressoir – construite par un autre meunier, Didier Joubert, en 1805 – est toujours ouverte au public. La SHAC y est mandataire de l’animation (avec des moyens modestes), mais elle voudrait aussi avoir accès à la maison du Meunier, qui occupe un emplacement enviable à l’entrée du parc. « On veut être reconnu comme un partenaire », fait valoir Jacques Lebleu.

« Le site des moulins n’est pas assez connu », renchérit l’historien Stéphane Tessier, qui fait le triste constat que le patrimoine architectural du nord de l’île est sous-estimé et réduit à du « tourisme local ». « L’histoire de Montréal ne s’arrête pas à la rue Jean-Talon. »

Peu de gens savent par exemple que l’église de la Visitation est la plus ancienne toujours existante à Montréal. « Le parc-nature de l’Île-de-la-Visitation est le plus fréquenté à Montréal, souligne l’historien. Et Ahuntsic-Cartierville est l’arrondissement avec le plus de berges naturelles. »