Beaucoup de toits plats servent de couvre-chef sans vraiment chapeauter visuellement des édifices résidentiels. Quels sont leurs attraits et les moyens architecturaux pour apporter du cachet à cette surface plane qui peut donner une impression de bâti non fini ? Chose certaine : ils sont moins plates qu’on pourrait le croire…

« Le sujet des toits me préoccupe depuis environ 2015, quand j’ai obtenu une importante subvention de recherche du gouvernement français pour diriger un collectif international entre Paris, Montréal et Chicago. Le collectif Roofscape s’est penché sur la question de l’avenir des toits », explique la chercheuse Alena Prochazka, chargée de formation pratique à l’École d’architecture de l’Université de Montréal.

La principale préoccupation du programme portait sur la façon de construire en considérant la question écoénergétique. Plusieurs critères entraient en ligne de compte, dont la densification en agrandissant en hauteur et la possibilité d’offrir des extensions aux résidants entre l’intérieur et l’extérieur en faisant des terrasses sur toit.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Alena Prochazka est chargée de formation pratique à l’École d’architecture de l’Université de Montréal.

Actuellement à Montréal, Alena Prochazka a l’impression d’être dans une autre ville. « Pendant un demi-siècle, tout développement était stagnant. Depuis quelques années, ça pousse un peu n’importe comment, car il n’y a pas de projet encadré autant qu’en Europe. »

Il ne reste qu’une poignée de maisons patrimoniales à toit pentu de style français et anglais à Montréal, qui est devenu une ville de toits plats au début du XXe siècle. Dans les années 1970, on a commencé à sauvegarder l’ancien ; puis, dans les années 1980, on a mis en place des règles d’urbanisme d’intégration entre l’existant et le neuf s’appuyant beaucoup sur le style néo-victorien des plex montréalais, notamment avec les couronnements en façade qui donnent l’impression que le toit a une forme spécifique.

Trois raisons majeures à l’origine du toit plat à Montréal

1) sa charpente économique

2) il est moins cher de l’imperméabiliser, car sa surface est moindre que celle d’un toit pentu

3) il permet de mieux gérer le traitement de la pluie et de la neige

Un territoire « oublié »

Le toit plat ne l’est en fait pas vraiment, puisqu’il comprend de légères déclinaisons vers un drain central qui dirige le trop-plein d’eau vers les égouts. Sa conception permet de réduire les îlots de chaleur, lorsqu’il est blanc et qu’il accueille un couvert végétal. Par ailleurs, il peut recevoir un système éolien, des panneaux solaires et un espace habité. Selon les conclusions de la recherche menée par Roofscape, l’ensemble des toits d’une ville peut convertir les éléments naturels (pluie, vent, végétaux…) qu’il collecte en ressources utiles pour ainsi offrir d’importants services écosystémiques.

Les toits plats en milieu urbain peuvent couvrir jusqu’à 40 % de l’empreinte d’une ville au sol. Le potentiel de ce territoire oublié du toit est donc très important et pourrait nous aider à résoudre des questions environnementales qui sont de plus en plus urgentes.

Alena Prochazka, chargée de formation pratique à l’École d’architecture de l’Université de Montréal

Selon la chercheuse, la question des toits peut vraiment contribuer à bâtir les villes autrement.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Cet édifice au toit plat, situé sur l’avenue Bernard Ouest, à Montréal, est agrémenté d’éléments architecturaux lui donnant du relief.

Soigner l’esthétisme

À Montréal, les maisons victoriennes qui ont un couronnement peuvent inspirer l’esthétisme des constructions neuves. Les nouveaux projets érigés sur l’île disposent souvent d’un traitement architectural spécifique sur ce plan-là, ce qui est bénéfique pour une intégration intelligente à l’existant. « Chaque époque fait son empreinte architecturale et construit différemment, mais l’ensemble peut être harmonieux. Le souci d’intégration sans mimétisme est essentiel pour s’insérer dans un contexte, qu’il soit naturel ou urbain », précise Mme Prochazka.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Un exemple d’ornements et de détails pour casser l’effet cubique du toit plat.

À ce critère d’intégration fondamental s’ajoute celui des proportions et du souci du détail pour casser l’effet cubique stérile de certains habitats à toiture plate. « Des débords de toit parfois en pente, des frises, des colonnes, des enchevêtrements de pièces de bois, ou des ornements autour des fenêtres peuvent être élaborés afin d’apporter une certaine richesse aux toits plats grâce aux détails », souligne André Casault, architecte et professeur à la faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design à l’École d’architecture de l’Université Laval.

PHOTO PAUL DUSSAULT FOURNIE PAR STUDIO AGENCE SPATIALE

Cette maison de ville pensée dans une perspective de densification s’intègre harmonieusement dans le quartier de Limoilou. Une réalisation du studio Agence Spatiale.

Pour des lieux comme Québec, les toits pentus ont une importante dimension patrimoniale parce qu’ils contribuent à la signature identitaire de la ville. « Autrefois, on faisait des toits en pente, car ils étaient plus faciles à étanchéiser que les toits plats, mais aujourd’hui, il existe des membranes efficaces quel que soit le type de toiture, précise André Casault. À Québec, on a plus de neige qu’à Montréal et des problèmes de glace. Il faut juste être un peu plus vigilant lorsqu’on a un toit plat au niveau du déneigement, surtout en cas de grosse bordée suivie d’un redoux. »

  • De larges terrasses apportent une dimension à la fois esthétique et utilitaire à cette maison à toit plat en conception par le studio Agence Spatiale.

    IMAGE 3D FOURNIE PAR STUDIO AGENCE SPATIALE

    De larges terrasses apportent une dimension à la fois esthétique et utilitaire à cette maison à toit plat en conception par le studio Agence Spatiale.

  • Ce projet du studio Agence Spatiale associe un toit à deux pentes rappelant les fermes du secteur de sa région, Charlevoix, et une toiture plate végétalisée.

    IMAGE 3D FOURNIE PAR STUDIO AGENCE SPATIALE

    Ce projet du studio Agence Spatiale associe un toit à deux pentes rappelant les fermes du secteur de sa région, Charlevoix, et une toiture plate végétalisée.

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L’architecte Étienne Bernier, du studio Agence Spatiale, dit réaliser autant de toits en pente que de toits plats. Il remarque que, bien souvent, pour les résidences en nature, les toits en pente ont plus d’avantages, car ils gèrent mieux la neige et évitent que l’eau ruisselle sur les façades. « Dans les contextes urbains, tels que les quartiers centraux, les toits plats nous permettent d’aller chercher une hauteur plus importante et d’avoir un étage habitable supplémentaire. Cela dit, il y a actuellement une forte tendance pour le retour au toit en pente. » Certains de ses récents projets associent d’ailleurs avec brio des toitures plates et pentues. Une belle matière à réflexion.

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