Enchantée par un terrain à flanc de falaise dans la région de Charlevoix, une famille a relevé le défi d’y construire une maison sans abattre un seul arbre. L’Atelier Carle a imaginé pour elle un habitat guidé par un parcours sur six plateaux. Une approche à la lisière de l’architecture et de la performance artistique.

Du haut de ce cap rocheux face à Baie-Saint-Paul, le fleuve étincelant à l’horizon aimante le regard. Ce point de vue a tout de suite conquis le cœur de Julie, qui contemple chaque jour avec bonheur le ballet des marées. « À marée basse, nous pouvons parfois marcher jusqu’à Baie-Saint-Paul », raconte-t-elle.

La pente vertigineuse, le sol de granit et l’activité sismique sous haute surveillance dans la région de Charlevoix n’ont pas eu raison de son enthousiasme. Idem pour l’interdiction municipale de couper des arbres de la forêt où viendrait s’enraciner sa maison. Pour ce projet hors norme, elle se tourne vers l’Atelier Carle, qui compte à son portfolio plusieurs résidences dans les environs.

PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

Insoupçonnable de la rue, la maison se découvre à partir d’une petite entrée à gauche. L’autre aile abrite un garage et un studio pour les invités.

L’architecte Alain Carle relègue à l’arrière-plan des considérations formelles pour s’attacher à la nature très particulière du terrain. Il imagine une architecture suivant un parcours prédéfini sur le terrain. « C’était une logique presque corporelle, un rapport physique au territoire », observe le fondateur de l’Atelier Carle.

La vie dans cet espace à pic est envisagée en diagonale au moyen de six plateaux reliés par des escaliers aboutissant à des terrasses.

Tout le projet a été dessiné de façon à insérer un parcours dans la falaise en longeant le bâtiment. On voulait avoir le plus possible l’impression qu’on avait un sol plat en bordure de la maison.

L’architecte Alain Carle

  • Un escalier mène de l’entrée en mezzanine au séjour et au salon quelques marches plus bas.

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    Un escalier mène de l’entrée en mezzanine au séjour et au salon quelques marches plus bas.

  • La maison compte quatre foyers. La famille aime se réunir devant celui du salon.

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    La maison compte quatre foyers. La famille aime se réunir devant celui du salon.

  • Le foyer installé sur la terrasse côté salon est utilisé même les journées fraîches, car la falaise protège celle-ci du vent.

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    Le foyer installé sur la terrasse côté salon est utilisé même les journées fraîches, car la falaise protège celle-ci du vent.

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Hauts plateaux

Pour donner forme au projet Capo, en écho au cap où il s’inscrit, l’Atelier Carle n’hésite pas à bousculer les codes domestiques traditionnels. Un dédale d’escaliers et de passages secrets rythme la vie intérieure. La configuration et l’orientation des pièces offrent des points de vue sur la nature aux alentours, du fleuve majestueux au sous-bois discret.

  • Le séjour bénéficie d’un plafond triple hauteur. L’escalier conduit à l’entrée de la maison.

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    Le séjour bénéficie d’un plafond triple hauteur. L’escalier conduit à l’entrée de la maison.

  • Des fenêtres en angle offrent un autre point de vue sur la forêt qui borde la maison.

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    Des fenêtres en angle offrent un autre point de vue sur la forêt qui borde la maison.

  • Le sol de la chambre parentale a été surélevé pour éviter que le garde-corps du balcon n’encombre la vue vers le fleuve.

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    Le sol de la chambre parentale a été surélevé pour éviter que le garde-corps du balcon n’encombre la vue vers le fleuve.

  • Les portes en bois de la salle de bains du couple n’ont aucune poignée pour ne pas accrocher le regard

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    Les portes en bois de la salle de bains du couple n’ont aucune poignée pour ne pas accrocher le regard

  • La salle de bains parentale, donnant directement sur la falaise, rend tout store superflu.

    PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

    La salle de bains parentale, donnant directement sur la falaise, rend tout store superflu.

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C’est par un espace étroit en mezzanine ouvert sur un vaste séjour qu’on accède à la maison. La famille y expérimente un nouveau mode de vie depuis quatre ans. Elle se sert ainsi tous les jours d’un four à bois installé dans le coin cuisine pour cuire des pains, des pizzas ou des viandes achetées à des producteurs locaux. « Je ne voulais pas d’une cuisine traditionnelle. C’est festif quand on reçoit le soir. Tout le monde se rassemble autour du four », dit Julie, qui accueille à l’occasion l’équipe de hockey de sa fille Anne-Sophie, dont la chambre, trois étages plus bas, a été aménagée comme un dortoir.

Des portes vitrées dans le salon permettent de rejoindre une terrasse à l’abri du vent côté forêt où un foyer réchauffe l’air au besoin. « Il était important de créer des lieux extérieurs appropriables », pointe Alain Carle. Grâce à une transition douce entre les différents niveaux de la maison, seul le balcon de la chambre du couple a été équipé d’un garde-corps. Le sol en béton lissé de la pièce a été légèrement surélevé pour que le regard puisse se perdre librement sur l’horizon. En contrebas, jardins, jacuzzi et terrasses se succèdent.

La surface de la fosse septique, près du fleuve, accueille même un terrain de pétanque. « C’est un lieu dont on aime profiter avec les amis et les voisins. Le terrain est parfaitement orienté. À 16 h, pour l’apéro, le soleil est là », confie Julie.

PHOTO JAMES BRITTAIN, FOURNIE PAR L’ATELIER CARLE

Plusieurs fenêtres de la maison cadrent des vues à la façon de tableaux.

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Au vu des nombreux défis qui accompagnaient ce projet, la propriétaire a fait le choix de gérer elle-même le chantier de construction. Elle a même mis la main à l’ouvrage, et coulé le béton, posé le système de chauffage ou encore les panneaux de bois des murs et escaliers.

La maison, bâtie à même la roche au moyen de coffrages isolants et d’un ancrage chimique, épouse la topographie du cap pour assurer une meilleure résistance en cas de tremblement de terre. Si le chantier a été parfois périlleux en raison de la configuration du terrain et du respect voué aux arbres présents sur celui-ci, Julie ne regrette nullement sa décision. « Je voulais bâtir notre maison. Ce travail a contribué au plaisir d’y vivre », souligne-t-elle.

Consultez le site de l’Atelier Carle