L'entrepreneur Marc Turgeon et l'architecte Olivier Bourgeois s'étaient déjà rencontrés dans une «ancienne vie», mais ils n'avaient jamais travaillé ensemble. Jusqu'au jour où le premier est allé cogner à la porte du second: il voulait réaliser son rêve d'avoir une maison contemporaine. Qui plus est, il allait la construire lui-même. Entre ciel et fleuve, dans Charlevoix.

Marc Turgeon «a été un des premiers à nous faire confiance, à nous laisser nous aventurer dans un projet comme celui-là», raconte Olivier Bourgeois, qui a depuis mené bien d'autres projets résidentiels et commerciaux avec son collègue Régis Lechasseur.

Une fois l'alliance scellée, c'est dans le paysage exceptionnel des montagnes de Charlevoix qu'allait naître ce projet commun. Plutôt escarpé, le terrain choisi offrait une vue à couper le souffle. Il ne restait qu'à imaginer la maison.

«C'est l'un des clients avec lesquels on a pu pousser notre approche à l'extrême. Souvent, on explore, dans nos projets, mais M. Turgeon nous poussait toujours un peu plus loin et prenait les options les plus folles. Il voulait un projet audacieux», explique l'architecte de la firme Bourgeois/Lechasseur.

L'audace en montagne

À quelques kilomètres après l'entrée du Massif de Charlevoix, au bout du lotissement Le Fief, se dresse la grande maison blanche. La créativité des architectes et l'audace du client se déploient d'abord à l'extérieur.

Vue sous un certain angle, une partie de la maison flotte littéralement. Elle semble avoir été doucement déposée dans la neige.

«On voulait que le projet ait une forme dynamique. On essaie d'amener des angles à des endroits stratégiques pour que ça donne un effet de surprise et de vertige à celui qui est à l'intérieur. On sent qu'on flotte dans le vide, ça fait penser à une cabine de bateau, avec une vue sur le fleuve», dit Olivier Bourgeois.

Il ne faut pas se fier aux apparences de légèreté. Même si près du tiers de la maison repose sur des pilotis et qu'une même proportion est en porte-à-faux, l'ensemble est bien ancré au sol. Dans cette région où la terre a une fâcheuse tendance à bouger, la maison est conçue pour résister aux séismes.

«On voulait être certains que ce soit extrêmement solide. On doit avoir utilisé 350, 400 m3 de béton. C'est presque un barrage!», dit le constructeur.

Étonnant intérieur

À l'intérieur, les surprises se succèdent. À l'exception des meubles et des toiles qui apportent des accents de couleur, la maison est tout en gris, blanc et brun. Le propriétaire voulait une structure apparente et recherchait un look industriel. «On est restés très, très sobres», confirme Marc Turgeon.

Sobre, mais lumineuse. Encore là, mieux vaut ne pas trop se fier à la première impression. Au rez-de-chaussée, on se trouve au pied d'un escalier entouré de murs en cèdre de l'Ouest. La lumière entre ici par des fenêtres basses.

«À l'intérieur, mon coup de coeur, c'est l'escalier, dit l'architecte Olivier Bourgeois. On voulait qu'il soit refermé, entouré de bois, plus sombre, pour maximiser l'effet de surprise quand on arrive à l'étage supérieur. Il y a un processus d'ascension qui devient intrigant.»

L'intrigue se dévoile rapidement lorsqu'on monte. Par temps clair, c'est le fleuve qui est la toile de fond de la plus grande pièce et de la chambre principale, avec en prime des vues sur l'île aux Coudres et le Massif de Charlevoix.

«Parfois, par jour de brume, il nous est arrivé de voir un nuage qui passe dans le salon et qui ressort de l'autre côté», dit le propriétaire, que sa femme et ses deux enfants rejoignent les fins de semaine.

Rien n'a été laissé au hasard dans l'aménagement, pour donner toute la place au paysage, voire aux nuages! Armoires dépourvues de poignées, lattes de bois bien alignées... Tant les architectes que l'entrepreneur avaient le souci du détail.

«C'est une combinaison gagnante, reconnaît Olivier Bourgeois. En tant qu'entrepreneur, le client avait vraiment un souci du résultat. Il y a plein de détails qui ont été réalisés avec soin. Chaque jonction, chaque surface était léchée pour que ce soit impeccable.»

«Pendant la construction, il m'est arrivé la nuit d'avoir des idées intelligentes, dit en riant le propriétaire. J'appelais l'architecte, on se parlait, et on partageait nos idées.»

La collaboration entre les deux est allée jusqu'au choix des tableaux qui sont accrochés dans la maison. Seule la hotte installée dans la cuisine a donné lieu à des désaccords... Un an plus tard, tant l'architecte que le propriétaire en parlent en riant.

L'escalier décortiqué

Dès qu'on entre dans la résidence des Grands-Jardins, l'escalier et les murs de cèdre rouge pourraient laisser présager un intérieur sombre. Il n'en est rien. En haut des marches, la pièce principale attend, tout en lumière.

• Le propriétaire voulait des fenêtres qui n'auraient comme fonction que de montrer la nature. Elle laissent non seulement voir les sapins, mais s'avèrent finalement une bonne source de circulation d'air frais l'été venu.

• L'escalier en érable a été construit par un ébéniste de Petite-Rivière-Saint-François.

• La main courante illuminée était une idée des architectes. Techniquement, elle s'est avérée difficile à réaliser, raconte l'entrepreneur. Elle produit toutefois un effet des plus réussis.

• Partout dans la résidence, la structure d'acier se laisse découvrir et s'harmonise avec l'architecture.

• Tous les planchers de la maison sont en béton. Ils sont chauffants, jusque dans les douches!

Photo François Roy, La Presse