(Alep) Les images d’un nouveau-né sorti vivant des décombres et d’un père serrant la main de sa défunte fille, coincée entre deux plaques de béton, ont mis à nu l’horreur du séisme dont le bilan ne cesse de s’alourdir, atteignant désormais les 7800 morts en Turquie et en Syrie.

Ce qu’il faut savoir

  • Le bilan du puissant tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie dépasse les 7000 morts ;
  • Le séisme de 7,8 sur l’échelle de Richter a été suivi par d’importantes secousses, ressenties au Liban, à Chypre et au nord de l’Irak ;
  • Les premières équipes de secouristes étrangers, de France et du Qatar notamment, arrivent mardi ;
  • Le président américain Joe Biden a promis « toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit » ;
  • Ce séisme est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17 000 personnes, dont un millier à Istanbul ;
  • Le pays est en deuil national pour sept jours.

Dans un froid glacial, les sauveteurs continuent de mener une course contre la montre pour tenter de porter secours aux rescapés du tremblement de terre d’une magnitude de 7,8, survenu lundi à l’aube et qui a secoué le sud-est de la Turquie et la Syrie voisine.

Le mauvais temps complique la tâche des secours et le ministre turc de l’Intérieur a averti mardi que les prochaines 48 heures seraient « cruciales » pour retrouver des survivants.

À Gaziantep, ville située tout près de l’épicentre, une habitante a déjà perdu l’espoir de retrouver vivante sa tante enfouie sous les décombres. « C’est trop tard. Maintenant nous attendons nos morts », a-t-elle confié.

L’aide internationale a commencé à arriver en Turquie où un deuil national a été décrété pour sept jours. Le décompte des morts s’y établit pour le moment à 5894. Il s’agit d’ores et déjà du pire bilan que la Turquie ait connu depuis 1999, lorsque 17 000 personnes avaient péri, dont un millier à Istanbul.

En Syrie, 1932 morts ont été recensés à ce stade. Le bilan devrait « grimper considérablement, car des centaines de personnes restent piégées sous les décombres », selon les Casques blancs (volontaires de la protection civile) dans les zones rebelles.  

« Où est l’État ? »

De part et d’autre de la frontière turco-syrienne, on s’active pour tenter de sauver des vies. À Jandairis, côté syrien, un nouveau-né a été sorti vivant des décombres. Cette petite fille était encore reliée par le cordon ombilical à sa mère, morte comme tous les autres membres de la famille.

« Nous avons entendu un bruit alors qu’on creusait […] nous avons déblayé et avons trouvé cette petite, Dieu soit loué », a raconté mardi à l’AFP un proche de la famille, Khalil Sawadi. Le bébé a été conduit à l’hôpital et son état est stable, selon un médecin interrogé par l’AFP.

PHOTO OZAN KOSE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Mais pour Irmak, 15 ans, c’est trop tard. Son père, Mesut Hancer, serre sans rien dire la main de son enfant morte qui émerge, inerte, des décombres d’un bâtiment de Kahramanmaras. Aucune aide, aucun secours n’étaient parvenus mardi dans cette ville dévastée de plus d’un million d’habitants ensevelie sous la neige.

« Où est l’État ? Où est-il ? […] Ça fait deux jours et on n’a vu personne. […] Les enfants sont morts de froid », s’insurge Ali, qui y attend aussi des renforts, espérant encore revoir son frère et son neveu, piégés dans les ruines de leur immeuble.

À Sawran, dans le nord de la Syrie, Mahmoud Brimo tombe à genoux devant un tas de ruines, les restes de sa maison. Non loin, un dôme gris témoigne qu’une mosquée s’élevait là. « Des années de guerre ne nous avaient pas dévastés comme cela », se lamente-t-il, avant d’ajouter : « Nous avons tout perdu en un instant. Nous sommes totalement détruits ».

Par peur de rentrer chez eux, des survivants ont trouvé refuge à l’aéroport turc de Gaziantep. « Maintenant, nos vies sont tellement marquées par l’incertitude. Comment vais-je m’occuper de ces enfants ? », s’interroge Zahide Sutcu, qui a fui son appartement avec ses deux jeunes enfants.  

Vingt-trois millions de personnes sont « potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables », a mis en garde l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Aide internationale

Les premières équipes de secouristes étrangers sont arrivés mardi. Selon le président turc qui a déclaré l’état d’urgence pour trois mois dans les dix provinces touchées par le séisme, 45 pays ont proposé leur aide.

L’Union européenne a mobilisé pour la Turquie 1185 secouristes et 79 chiens de recherches auprès de 19 États membres dont la France, l’Allemagne ou la Grèce. Pour la Syrie, l’UE est en contact avec ses partenaires humanitaires sur place et finance des opérations d’aide.

Le président américain Joe Biden a promis à M. Erdogan « toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ». Deux équipes de secouristes devaient arriver mercredi matin en Turquie.

La Chine a annoncé mardi l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars ainsi que des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence.

Même l’Ukraine, malgré l’invasion russe, a annoncé l’envoi en Turquie de 87 secouristes.

Les Émirats arabes unis ont promis 100 millions de dollars d’aide et l’Arabie saoudite, qui n’entretient pas de liens avec le régime de Damas depuis 2012, a annoncé la mise en place d’un pont aérien pour venir en aide aux populations affectées dans les deux pays.  

En Syrie, l’appel lancé par les autorités de Damas a cependant surtout été entendu par son allié russe. Selon l’armée, plus de 300 militaires russes sont déjà sur les lieux pour aider les secours.  

Washington a indiqué mardi travailler avec des ONG locales en Syrie, insistant que ses « fonds iront bien sûr au peuple syrien, pas au régime » de Damas.

Le séisme a touché le point de passage de Bab al-Hawa, le seul pour la quasi-totalité de l’aide humanitaire aux zones rebelles en Syrie acheminée depuis la Turquie, selon l’ONU.

Le Croissant-Rouge syrien, qui opère dans les zones gouvernementales, a appelé l’UE à lever les sanctions contre Damas.

Le point sur l’aide internationale

L’aide internationale après le séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie voisine se déployait mardi en Turquie avec notamment les premières équipes de secouristes, du matériel et des vivres.

Selon le président turc, 45 pays ont proposé leur aide, celle-ci s’adressant principalement à son pays.

Union européenne

Un porte-parole de la Commission européenne, Balazs Ujvari, a expliqué mardi à la presse que, par le biais du mécanisme européen de protection civile, l’UE a « mobilisé plus de 30 équipes de recherche et de sauvetage et des équipes médicales, collectivement, de 21 pays européens ».

« Cela inclut 19 États membres de l’UE, le Monténégro et l’Albanie. En termes de personnel, cela représente donc plus de 1200 secouristes et plus de 70 chiens de détection. Onze équipes sont déjà sur le terrain et les autres arrivent progressivement aussi », a-t-il précisé.

Concernant la Syrie, M. Ujvari a déclaré « l’UE y est bien sûr le principal donateur humanitaire » ses organisations partenaires participant « également aux efforts de sauvetage ».

« Bien sûr, nous sommes prêts à fournir une aide supplémentaire et nous continuerons à travailler 24 heures sur 24 dans les semaines et les jours à venir », a-t-il assuré.

La Grèce et la Suède, qui entretiennent des relations orageuses avec Ankara, ont annoncé leur soutien. La Suède a notamment annoncé un don d’environ 650 000 dollars à la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à destination de la Turquie et de la Syrie.

L’Allemagne a annoncé mardi le départ dans l’après-midi pour Adana, en Turquie, d’une équipe de recherche et de sauvetage de l’Agence fédérale allemande pour le secours technique (THW), composée de 50 sauveteurs et de matériel.

Pour la France, 139 secouristes de la Sécurité civile doivent se rendre en Turquie, les Français envisageant d’aller en particulier à Kahramanmaras, épicentre de la première secousse.

Italie, Hongrie, Pologne et Espagne ont dit vouloir mettre des équipes de secouristes à disposition, cette dernière annonçant l’envoi « des effectifs et des drones » à Malatya, où se trouve le centre d’aide internationale.

États-Unis

Deux détachements américains de 79 secouristes ont été annoncés par la Maison-Blanche, après que Joe Biden a déclaré sur Twitter avoir demandé à ses services de « fournir toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ».

Chine

Pékin a annoncé mardi l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars, incluant des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence, selon un média d’État.

Maghreb

Le Maghreb s’est aussi mobilisé avec, pour l’Algérie, l’envoi de 17 tonnes de matériel d’intervention ainsi qu’un « premier groupe de 89 agents spécialisés dans la gestion des risques majeurs » envoyé dès lundi en Turquie, selon le colonel Farouk Achour, un responsable de la Protection civile algérienne.

Alger a aussi envoyé dans la nuit de lundi à mardi 115 tonnes de produits pharmaceutiques et alimentaires et des tentes à destination de la Syrie où une équipe de la protection civile algérienne constituée de 86 secouristes s’est rendue dans la nuit, a déclaré le ministre algérien de l’Intérieur, Brahim Merad, cité par la presse.

La Tunisie a mis à disposition 14 tonnes de couvertures et de produits alimentaires, dont du lait pour les bébés et a décidé d’envoyer au total 60 sauveteurs dont 41 en Turquie.

Liban

Beyrouth a ouvert son espace aérien et ses ports, exonérant de frais et taxes les compagnies de transport aérien et maritime arrivant à des fins humanitaires, selon le ministre libanais des Travaux publics. Un régiment de l’armée libanaise, et des équipes de secouristes, notamment de la Croix-Rouge libanaise devaient se rendre Syrie.

Pays du Golfe

Le Qatar a annoncé l’établissement d’un « hôpital de campagne » et l’envoi « d’équipes de recherches et de secours » en Turquie. Idem pour les Émirats arabes unis, qui envoient en outre une équipe de ce type une « aide d’urgence » en Syrie, et ont annoncé dans la soirée une aide humanitaire de 13,6 millions de dollars pour ce pays.

Royaume-Uni/Irlande

Le chef de la diplomatie britannique, James Cleverly, a annoncé dès lundi une « aide immédiate » avec l’envoi de 76 secouristes, de matériel et de chiens en Turquie, et Dublin a promis une aide humanitaire de deux millions d’euros.

Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que son pays, en conflit avec la Russie, était « prêt à fournir l’aide nécessaire » à la Turquie. Et même « un grand groupe de secouristes », a précisé son chef de la diplomatie, Dmytro Kouleba.

Russie

Le président russe Vladimir Poutine a annoncé l’envoi de « secouristes » en Turquie et en Syrie. En Syrie, 300 militaires russes stationnés dans le pays ont commencé à aider au déblaiement des décombres, a indiqué l’armée russe.

Inde

L’Inde a décidé d’envoyer « immédiatement » des « équipes de recherches, de secours et médicales, ainsi que du matériel de secours », ont annoncé les autorités.

Japon

Le Japon va envoyer une « équipe de secours en cas de catastrophe », afin de « répondre aux besoins humanitaires », selon un communiqué officiel de Tokyo.

Israël

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a « ordonné à toutes les autorités de se préparer immédiatement à fournir une assistance médicale et des secours », selon un communiqué.

Iran

Téhéran a envoyé lundi à Damas un avion transportant 45 tonnes d’aide, notamment couvertures, tentes, médicaments et des vivres, entre autres, selon l’agence officielle syrienne Sana.

Irak

Deux avions en provenance d’Irak sont arrivés à Damas, transportant chacun 70 tonnes de vivres, couvertures et fournitures médicales, entre autres, selon l’agence officielle syrienne Sana.

Bagdad a ouvert un corridor aérien spécifique à l’aide humanitaire et enverra mercredi du carburant, selon un responsable de la diplomatie irakienne.

Jordanie

Amman a apprêté ses premiers avions de secours de l’armée de l’air jordanienne, à leur bord, matériel médical et logistique ainsi qu’une équipe de secours comprenant 99 secouristes et cinq médecins des services médicaux royaux, selon le journal progouvernemental Al-Watan.

OTAN

Plus de 1400 membres du personnel d’intervention d’urgence de plus de vingt États membres et partenaires de l’OTAN – dont la Finlande et la Suède – ont été déployés en Turquie

Ces pays fournissent en particulier des équipes de recherche et de sauvetage.

Le soutien est fourni par l’intermédiaire du Centre euro-atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe (EADRCC) de l’Alliance atlantique.

Canada

« Après les séismes dévastateurs d’hier, nous fournissons une aide immédiate de 10 millions de dollars » canadiens (7,4 millions de dollars américains) à la Turquie et au Canada « et nous continuerons de les aider » en fonction de l’évolution de la situation, a dit le premier ministre Justin Trudeau.