Ben voyons donc, Volodymyr, tu te prends pour qui ? Apprends à dire merci !

Je paraphrase, mais c’est pas mal le message que le ministre de la Défense britannique, Ben Wallace, a lancé au président de l’Ukraine lors du sommet de l’OTAN qui a eu lieu cette semaine en Lituanie.

Ni lui ni ses vis-à-vis américains n’ont aimé que Volodymyr Zelensky précède son arrivée à Vilnius d’un gazouillis pas très diplomatique. « Il semble qu’il n’y a pas de volonté d’inviter l’Ukraine à l’OTAN ou d’en faire un membre de l’Alliance », a écrit le leader ukrainien, qualifiant d’« absurde » le manque de directives claires permettant de préparer l’entrée de son pays dans l’organisation de défense transatlantique.

Volodymyr Zelensky estime que les membres de l’OTAN se sont ainsi gardé une porte de sortie leur permettant de sacrifier l’accession de l’Ukraine à l’alliance militaire lors d’une négociation de paix avec la Russie. Et, ce, à l’insu du principal intéressé.

Bon, ce gazouillis colérique n’était peut-être pas la meilleure manière de lancer les discussions lors du Sommet où l’Ukraine était la principale conviée, mais quand on est le président d’un pays en guerre depuis plus de 500 jours, c’est un peu compréhensible d’avoir la mèche courte. Surtout quand l’agresseur russe répète à qui mieux mieux que l’invasion est le résultat des tractations de l’OTAN dans sa zone d’influence. Que l’OTAN essaie de détruire la Russie en fournissant des armes à Kyiv.

En d’autres termes, l’Ukraine est irrémédiablement liée à l’OTAN, mais sans en tirer la moindre ficelle. C’est surtout ça qui est absurde.

Dans cet arrangement, l’Ukraine est l’éternelle invitée qui se voit contrainte de quémander ceci et cela. Des armes svp, de l’entraînement bitte, la reconstruction d’un barrage ou d’une centrale hydroélectrique lütfen. De l’aide financière please, please.

Et tout ça, en menant de front une guerre contre la première puissance nucléaire au monde, disposant de ce qu’on croyait être la deuxième armée de la planète.

La guerre – et surtout les dernières semaines – nous a appris que l’armée russe est une organisation en déroute, morpionnée par la dissension, mais il reste qu’elle continue à semer la mort et la désolation tous les jours depuis le 24 février 2022 en Ukraine.

En date du 18 juin, les Nations unies estimaient à 25 000 les victimes civiles du conflit, dont 9000 morts et 14 000 blessés. Plus de 6 millions d’Ukrainiens sont toujours réfugiés à l’extérieur du pays.

Même si les deux armées refusent de donner publiquement le nombre de morts dans leurs rangs, on a appris cette semaine, grâce à une analyse de deux médias russes indépendants et d’un institut de recherche allemand, que l’armée russe a perdu au moins 55 000 soldats. On peut s’imaginer que les pertes ukrainiennes sont du même ordre.

Et que dire de la destruction de l’Ukraine ? En mars, avant l’explosion du barrage de Nova Kakhovka qui a causé d’immenses inondations, la Banque mondiale estimait à 411 milliards les coûts de reconstruction du pays. L’économie de l’Ukraine, elle, continue de saigner. En 2022, elle s’est contractée de 30 %.

Et tout ça, parce que Vladimir Poutine ne digère pas que son voisin se sauve du giron de la Russie pour se réfugier sous le parapluie de l’OTAN.

Au sommet de Vilnius, M. Wallace, le ministre britannique, a raconté qu’il a reçu une liste d’armements dont l’Ukraine a besoin quand il y a mis les pieds l’an dernier après avoir passé 11 heures sur la route. « Je leur ai dit que je ne suis pas Amazon ! », a-t-il déclaré.

Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, lui, a dit que les États-Unis méritaient « un peu de gratitude » avant d’énumérer tous les « cadeaux » que les États-Unis ont envoyés en Ukraine : des munitions, de la défense aérienne, de l’infanterie, des véhicules de combat, de l’équipement pour déminer, alouette.

Tout ça mérite bien de beaux gros mercis, non ?

Volodymyr Zelensky a vite compris le message et a passé les deux jours de la réunion internationale à dire merci à tout le monde, dans toutes les langues et à répétition.

Notez, ça n’a pas dû être trop difficile. Il a de l’entraînement en la matière. Si vous regardez son fil sur Twitter et son compte Instagram, il passe le plus clair de sa vie à remercier ce président-ci ou ce ministre-là pour une faveur accordée.

Il semble très bien comprendre que les politiciens issus des démocraties doivent rendre des comptes à leurs ressortissants pour toute l’assistance dirigée vers l’Ukraine.

Mais au lieu de donner l’impression qu’ils font la charité en envoyant des armes et de l’argent vers l’ex-République soviétique, ces mêmes politiciens devraient plutôt donner à César ce qui lui revient.

Si l’Occident soutient aussi ouvertement l’Ukraine et si le G7 lui a donné des « garanties de sécurité » à la fin de la rencontre de Vilnius, ce n’est pas pour ses beaux yeux.

C’est que le pays de 40 millions d’habitants est en train de mener une guerre qui est aussi la leur, mais à laquelle ils ne veulent pas participer directement, de peur de réveiller la menace nucléaire, de déclencher la troisième guerre mondiale. Soit.

C’est alors aux Ukrainiens que revient le lourd fardeau de repousser une armée déployée chez eux, aux portes de la forteresse OTAN.

Dans cet arrangement, ce n’est pas Volodymyr Zelensky qui devrait apprendre à étaler toute sa gratitude, c’est plutôt aux leaders de l’alliance militaire à apprendre à prononcer parfaitement : щиро дякую. Merci beaucoup, en ukrainien.