À travers les bons coups et, parfois, les moins bons, nos critiques de restaurants vous racontent leur expérience, présentent l’équipe en salle et en cuisine, tout en expliquant ce qui a motivé le choix du restaurant. Cette semaine, on est au paradis au Cabaret l’Enfer.

Pourquoi en parler ?

Quand la personne qui a mené pendant des années de main de maître les cuisines d’un restaurant d’exception comme Le Mousso ouvre son propre restaurant, on porte attention. Voilà près de deux ans que j’attends patiemment mon tour de passer les portes du Cabaret l’Enfer. J’ai voulu laisser le temps à l’endroit, installé en plein cœur du Plateau, de trouver ses aises, car c’est tout un pari qu’a fait le chef Massimo Piedimonte avec ce projet singulier.

Qui sont-ils ?

  • Une partie de l’équipe du Cabaret l’Enfer : Joshua Bilbao (suiteur), Maximilien de Guillebon (maître d’hôtel), Blandine Laurent (sommelière), Adrien Guyonnet (sous-chef), Massimo Piedimonte (chef-propriétaire), Matias Artigas-Puente (chef de partie), Andres Monzon (pastaiolo), Rainiel Cruz (chef pâtissier) et Monaim (plongeur).

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Une partie de l’équipe du Cabaret l’Enfer : Joshua Bilbao (suiteur), Maximilien de Guillebon (maître d’hôtel), Blandine Laurent (sommelière), Adrien Guyonnet (sous-chef), Massimo Piedimonte (chef-propriétaire), Matias Artigas-Puente (chef de partie), Andres Monzon (pastaiolo), Rainiel Cruz (chef pâtissier) et Monaim (plongeur).

  • Le chef Massimo Piedimonte

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    Le chef Massimo Piedimonte

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Né à Montréal d’une famille italienne, Massimo Piedimonte a notamment travaillé à Maison Boulud avant de dénicher un stage au réputé Noma, qui a profondément marqué son parcours. À son retour, il s’est joint à Antonin Rivard-Mousseau comme chef exécutif du Mousso. Sous son égide, le restaurant a remporté le titre de Restaurant de l’année aux Lauriers en 2018 et figuré dans les 10 meilleurs nouveaux restaurants canadiens en 2019. Pendant la pandémie, il a quitté Le Mousso pour ouvrir son propre projet : un parcours semé d’obstacles, mais qui a abouti, deux ans plus tard, avec l’ouverture du Cabaret l’Enfer. Une petite équipe – mais tissée serrée – l’épaule au jour le jour, dont fait partie le sous-chef Adrien Guyonnet, le « pastaiolo » Andres Monzon, le chef pâtissier Rainiel Cruz et la sommelière Blandine Laurent.

Notre expérience

Un jour, Massimo est tombé sur une photo du Cabaret de l’Enfer, à Montmartre, ouvert à la fin du XIXsiècle. À côté, se trouvait à la même époque le Cabaret Le Ciel. Mais rue Saint-Denis, nul besoin de choisir entre le ciel et l’enfer. C’est l’hédonisme qui règne, les plaisirs du palais et des sens, dans un environnement où aucun détail n’est laissé au hasard.

Et c’est sans doute ce qui m’a le plus séduit au Cabaret l’Enfer : souvent, les tables où règne l’ultraprécision ont le défaut de leurs qualités, froides, austères ; alors qu’à l’inverse, celles qui font dans la gourmandise et la bonne chère nous déçoivent parfois avec une exécution brouillonne. Ici, ces deux mondes coexistent. Il y a un côté à la fois cérémonial et décontracté dans l’expérience proposée (mention spéciale à la liste d’écoute, d’ailleurs). Magie ? Non, on soupçonne plutôt un travail acharné d’orfèvre. Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, dit-on.

Massimo lui-même le lance, en rigolant, lorsque nous discutons avec lui le soir de notre passage, car il passe d’une table à l’autre, s’installe sur la banquette à côté des clients, leur racontant l’histoire derrière chaque plat : « Au début, on n’était pas bons ! » Mais comme le petit producteur à qui on achète des carottes moches pour l’encourager, en sachant que bientôt, il pourrait nous ravitailler en légumes d’exception, le chef salue les gens qui ont cru en lui, dès le départ, et lui ont permis de grandir.

Mais aujourd’hui, pas de doute : la sauce prend au Cabaret l’Enfer.

Ici, tout le monde mange le même menu dégustation de sept services. C’est parti ! L’« anti-pasti » donne le ton. L’assiette est minutieusement composée. Y cohabitent pâté en croûte, mousse de foie de volaille, chou-rave mariné dans le jus de groseille, etc. C’est accompagné d’une très crémeuse mozzarella di buffala maison réalisée « il y a cinq minutes », indique le cuisinier venu présenter le plat – car oui, c’est l’équipe en cuisine qui vous sert la nourriture. C’est divin, avec le moelleux pain au levain et le beurre baratté maison. On déguste chaque petite bouchée avec un ravissement grandissant.

PHOTO AUDREY-EVE BEAUCHAMP, TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @CABARET. LENFER

L’étonnante assiette de cardeau

Cela faisait longtemps que je n’avais pas été aussi (agréablement) surprise par un repas au restaurant. Le cardeau, un poisson blanc déposé sur une tombée de castel franco (chicorée rouge amère) et une sublime sauce Matelotte, à base de vin rouge, est un accord audacieux, qui fait danser mes papilles.

Les agnolotti maison, parfaitement al dente, sont garnis d’artichauts à la barigoule. L’émulsion légère qui les nappe délicatement est réalisée avec le jus de cuisson des artichauts. Des noisettes du Niagara et un peu de roquette complètent ce plat très bien équilibré, à l’acidité rafraîchissante.

Il y a des perles de trouvailles. Le « trou normand » est incroyable : un granité de citron-persil avec limoncello, servi dans une coupe de citron givré. C’est végétal, amer, sucré, gourmand, tout ça en même temps ! En dessert, le goût de mélasse et cannelle du crémeux de pomme noire, réalisée selon le même principe que l’ail noir, intrigue et émeut, allié au gelato de lait de bufflonne et à la meringue signature à tête de mort.

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L’influence latino-américaine se sent dans quelques plats, dont la tetela à la sauce mole, servie sur son piédestal de circonstance.

Difficile de résumer la richesse des infimes détails qui se cachent dans chaque création. Le tetela – un classique mexicain de la région d’Oaxaca, à base de maïs bleu héritage de l’Ontario, farci avec un mole travaillé à la française – témoigne de l’influence d’une bonne partie de l’équipe de cuisine, d’origine latino-américaine, et d’une heureuse rencontre entre deux mondes. D’ailleurs, pour le menu de la Saint-Valentin, on pourra goûter en finale sucrée un projet sur lequel l’équipe travaille depuis des semaines : le gâteau au lait « 9 leches ». On ne vous en dit pas plus !

Dans notre verre

  • On vous suggère fortement de prendre l’accord vins avec votre menu dégustation.

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    On vous suggère fortement de prendre l’accord vins avec votre menu dégustation.

  • Cocktail à base de whisky canadien Lot 40, kombucha fumé, hibiscus et gingembre.

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    Cocktail à base de whisky canadien Lot 40, kombucha fumé, hibiscus et gingembre.

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Il y a bien sûr une carte des vins, mais je vous suggère fortement de laisser le côté liquide aux bons soins des sommeliers en choisissant l’accord. Les vins sont vraiment bien pensés, toujours dans cet esprit d’inventivité qui règne à cette table, et subliment le repas. Ainsi, le Ferlat Rosa, un vin de courte macération, à la couleur rose foncé, au nez fruité, mais sec en bouche, accompagne à merveille l’antipasto. Les Terres Rouges, un saumur-champigny d’Antoine Sanzay, sublime l’entrecôte de bœuf marinée au koji, sa sauce bordelaise et ses salsifis. Côté cocktails, la créativité se poursuit avec plusieurs explorations en fermentation, par exemple, un kombucha de sumac intégré à un negroni ou en alliant le whisky canadien Lot 40 avec du kombucha fumé, hibiscus et gingembre.

Prix

Le menu dégustation est proposé à 120 $ pour 7 services (extra de 13 $ pour les pétoncles et 7 $ pour le citron givré). L’accord mets-vins est à 85 $. Le Cabaret l’Enfer propose aussi une formule menu trois services – pâtes, plat principal, dessert – pour 40 $ après 21 h.

Bon à savoir

Du 13 au 17 février, le restaurant y va d’un menu Saint-Valentin. Le 24 février, Massimo Piedimonte et son équipe reçoivent le chef Ron McKinlay et le chef pâtissier Raffaele Stea du restaurant Canoe, à Vancouver, dans le cadre de Montréal en lumière, avec un menu huit services – il reste encore quelques places !

Ouvert du mardi au samedi, de 18 h à 23 h

4094, rue Saint-Denis, Montréal

Consultez le site du Cabaret l’Enfer