Mardi soir dernier, dans un joli restaurant de Brooklyn, on aurait pu se croire à Montréal. Un quart des clients étaient québécois. Ils venaient assister au premier de plusieurs repas proposés par Patrice « Pâtissier » Demers et Marie-Josée Beaudoin. Jusqu’au 24 juin, le Fulgurances Laundromat est « leur » maison new-yorkaise.

(Brooklyn) Pendant plusieurs heures, qui sont passées à la vitesse de l’éclair, sept plats se sont succédé dans une progression parfaite. Certains mettaient en vedette des ingrédients de chez nous, comme les produits de Gaspésie sauvage, le miel d’Anicet, des Épices de cru et, bien entendu, de l’érable sous plusieurs formes. D’autres nous ont permis de croquer dans les primeurs printanières enfin sorties de terre : asperges, ail des bois, rhubarbe.

  • La mise en bouche était composée d’une très fine tranche de chou-rave farcie de rillettes de maquereau et d’un petit beignet de pâte à chou au fromage, à tremper dans une crème enrichie du même fromage local de type cheddar. Ce premier service était accompagné de l’excellente piquette de Pinard et filles.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    La mise en bouche était composée d’une très fine tranche de chou-rave farcie de rillettes de maquereau et d’un petit beignet de pâte à chou au fromage, à tremper dans une crème enrichie du même fromage local de type cheddar. Ce premier service était accompagné de l’excellente piquette de Pinard et filles.

  • Les pétoncles saumurés ont été déposés sur une crème aux agrumes, avec carottes marinées et œufs de truite sur le dessus. L’accord avec le vif chardonnay du domaine L’Espiègle était réussi.

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    Les pétoncles saumurés ont été déposés sur une crème aux agrumes, avec carottes marinées et œufs de truite sur le dessus. L’accord avec le vif chardonnay du domaine L’Espiègle était réussi.

  • Le secret du moelleux de cet omble arctique a été soufflé à Patrice par le chef Simon Mathys. Dans une sauce onctueuse à base de moules, le poisson était surmonté d’ail des bois.

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    Le secret du moelleux de cet omble arctique a été soufflé à Patrice par le chef Simon Mathys. Dans une sauce onctueuse à base de moules, le poisson était surmonté d’ail des bois.

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Et non, évidemment, il ne s’agissait pas de sept services sucrés. Après des années à livrer des douceurs haut de gamme dans son local (aujourd’hui fermé) de la Petite-Bourgogne, le chef Patrice Demers renoue avec la cuisine salée.

Des mois durant, tandis que Marie-Josée Beaudoin aidait à ouvrir le bar à vin Annette, dans Rosemont, Patrice Demers faisait des tests dans sa cuisine. « On a invité plein d’amis à souper pendant l’hiver, raconte la sommelière. Nos soupers étaient pas mal plus fancy que d’habitude ! » Il y a même eu une sorte de répétition générale au Candide, à Montréal, en avril.

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Sucré-salé

Néanmoins, mardi soir, on sentait la patte pâtissière du chef un peu partout, dans les divins beignets au fromage de la mise en bouche, par exemple.

Le moment fort du repas était à n’en point douter l’astucieuse transition vers le dessert, avec un plat de champignon maitake posé sur une purée d’oignon doux, surmonté d’une arlette (tuile de pâte feuilletée) croustillante saupoudrée du mélange « umami » de Gaspésie sauvage. Si cette création n’est pas un nouveau plat signature…

La suite, composée d’une purée de camerise, d’une glace à la betterave et d’une mousse de fromage de chèvre, constituait un prédessert surprenant, avec ses ingrédients normalement traités en salé. Le dessert était un exceptionnel nougat de pistache glacé posé sur de la rhubarbe compotée, avec une touche finale de crème infusée aux herbes fraîches. En mignardise, une version mini du fameux financier au sarrasin et à l’érable de Patrice Pâtissier.

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La photo de ce plat coup de cœur ne lui rend pas justice. Sous l’arlette croustillante se trouvent de délicieux champignons maitake et une purée d’oignon doux.

La carte des vins du Fulgurances Laundromat est considérable. Marie-Josée Beaudoin a commencé à l’étudier il y a quelques semaines, mais doit toujours mémoriser plusieurs références. Cela ne l’a pas empêchée de proposer de très belles choses à boire. On a d’ailleurs commencé en terrain connu, avec une piquette de Pinard et filles et le vivifiant chardonnay de l’Espiègle, deux domaines des Cantons-de-l’Est.

La sommelière se réjouit de la simplicité avec laquelle un restaurant peut avoir accès au vin dans ce marché libre. « Il suffit de consulter les portfolios et si tu commandes ton vin avant 14 h, tu te fais livrer le lendemain. Ça n’a même pas besoin d’être un grand nombre de caisses. »

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L’antenne new-yorkaise du Fulgurances Laundromat, à Brooklyn

Ils ne regrettent rien !

Depuis la fermeture de leur pâtisserie à la fin de l’été dernier, Patrice Demers et Marie-Josée Beaudoin profitent à fond de leur liberté et réalisent quelques rêves au passage, dont celui de faire de la restauration à New York.

Il a fallu presque un an pour que le projet se concrétise. En juin, Patrice et Marie-Josée réservaient incognito au Fulgurances pour un repas du chef basque Inaki Bolumburu. « Après 10 minutes, on savait qu’on voulait les contacter pour leur proposer une résidence », raconte Marie-Josée, lorsque nous passons un peu de temps ensemble, lundi après-midi.

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Patrice Demers faisait sa mise en place lundi après-midi, après être arrivé à 2 h pour cause d’annulation de vol !

Patrice, lui, est en train de faire sa mise en place pour le grand jour. Il jase tout en fouettant un appareil à base de sarrasin, en « noisettant » du beurre et en infusant une crème d’herbes fraîches bien odorantes.

« La manière dont ça fonctionne, c’est que tu viens faire une soirée pop-up et si ça clique, il y aura une suite », explique Patrice. Le 14 novembre 2022, le Montréalais et le chef de cuisine permanent du Fulgurances, Francisco Pedemonte, se sont particulièrement bien entendus. « Quand on est sortis du resto, j’ai dit : “Je vais crier”, se rappelle Marie-Josée. Mon chum m’a demandé d’attendre d’avoir passé le coin de la rue ! »

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Fulgurances, c’est aujourd’hui trois restaurants, un bar à vin, un magazine et une agence.

Hugo Hivernat, cofondateur de Fulgurances à Paris et responsable de l’antenne new-yorkaise, explique le concept. « Ici, ce n’est pas un Airbnb où les chefs en résidence doivent se débrouiller seuls. On a une équipe de cuisine et de salle. On aime dire que tout est toujours stable et pareil chez nous… sauf la cuisine ! »

On veut que les chefs puissent vivre une expérience, une progression et ne pas être seulement en mode survie. Et inversement, ceux qui travaillent ici apprennent énormément de chaque visiteur.

Hugo Hivernat, cofondateur de Fulgurances

Fulgurances a commencé en mode éphémère en 2010, à Paris, avec des évènements intitulés « Les seconds sont les premiers », où les sous-chefs de grandes tables européennes comme Noma, Maison Troisgrois, In de Wulf, Osteria Francescana, Mugaritz, etc., prenaient le devant de la scène le temps d’un repas. Le concept a rapidement grandi pour devenir trois restaurants, un bar à vin, un magazine et une agence !

Une aide financière bienvenue

On sait que la restauration indépendante n’est pas riche. Et bien que les conditions offertes par Fulgurances — appartement fourni, équipe compétente et organisée, etc. — soient déjà très bonnes, une résidence comme celle de Patrice et Marie-Josée à Brooklyn peut quand même générer des frais pour les participants. Les déplacements, les nombreux tests de recettes faits à Montréal et plusieurs autres coûts finissent par s’accumuler.

Aussi le couple n’a-t-il pas hésité à demander l’aide de l’Office montréalais de la gastronomie (OMG), qui avait fait des appels de projets l’été dernier. Celui-ci les a appuyés en novembre 2022 pour le repas « audition » et aussi ce printemps. C’est une des missions de l’Office que de faire rayonner la gastronomie montréalaise à l’étranger.

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Patrice et Marie-Josée ont pu profiter de l’aide de l’Office montréalais de la gastronomie.

« Je trouve ça super chouette que l’OMG s’intéresse à des petits projets cool plutôt qu’à de gros trucs commerciaux », se réjouit Patrice Demers. Leur « petit projet cool » à sa conjointe et à lui est d’ailleurs une affaire évolutive. En deux mois, la cuisine verra passer un grand nombre d’ingrédients de saison et Marie-Josée pourra puiser allégrement dans la cave. Le savoir-faire du couple québécois aura le temps de s’exprimer.

Mais ce qui excite le plus la sommelière en ce moment est bien plus prosaïque : « J’ai trop hâte de faire ma première épicerie, comme si je vivais ici pour toujours ! » Mais n’ayez crainte, les enfants chéris de la métropole reviendront à Montréal. Ils n’ouvriront pas une nouvelle pâtisserie, mais un autre établissement, « moins figé », qui leur permettra de conserver la liberté à laquelle ils sont si heureux de goûter ces jours-ci.

Prix : 89 $ US pour le menu sept services, plus 60 $ US pour l’accord.

Consultez le site de Fulgurances Laundromat

Qui sont Patrice Demers et Marie-Josée Beaudoin ?

  • Patrice Demers a fait sa réputation comme chef pâtissier à ses restaurants Les Chèvres et Le Chou, puis aux 400 coups, où il a rencontré sa conjointe, la sommelière Marie-Josée Beaudoin.
  • Patrice Demers a publié plusieurs livres de recettes dont La carte des desserts, Les desserts de Patrice et Parcours sucré.
  • Le couple a connu un succès retentissant avec Patrice pâtissier, ouvert en 2014 dans la Petite-Bourgogne. À la fin de l'été 2022, le couple a décidé de fermer son commerce afin de vivre des aventures gourmandes nouvelles.

New York gourmand

Depuis toujours, Patrice Demers et Marie-Josée Beaudoin font des séjours gourmands dans la Grosse Pomme pour se ressourcer. Voici quelques-unes des leurs adresses coup de cœur.

Pour se gâter

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @ATOMIXNYC

Plat de « laitue asperge » à l’Atomix

« Lorsqu’on veut vraiment se gâter, notre resto préféré à NYC est Atomix, révèle Patrice. Nous y sommes allés trois fois. C’est évidemment très cher, mais chaque fois, ils réussissent à surpasser nos attentes. Le lieu est magnifique, le service est exceptionnel et la cuisine contemporaine aux fortes influences coréennes est renversante. Ils ont un autre resto tout prêt, Atoboy, qu’on prévoit essayer ce printemps. C’est beaucoup moins cher et il paraît que c’est top. » Le groupe a aussi ouvert le Naro, dans le Rockefeller Center, où Patrice et Marie-Josée ont apprécié la nourriture, mais moins le cadre, qui rappelle le « centre d’achat » ! À l’Atomix, il faut s’attendre à payer 375 $ US par personne avant vin.

Consultez le site de l’Atomix Consultez le site de l’Atoboy

À l’italienne

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTRAGRAM @VIACAROTA

Aubergines fondantes du Via Carota

« Notre resto italien préféré à New York, c’est Via Carota, affirme Patrice. C’est difficile d’obtenir une réservation. Peu de tables sont proposées sur Resy, pour conserver des places sans réservation. Le midi c’est moins la folie, mais sinon, il faut y aller tôt en soirée, laisser son nom et son numéro de téléphone pour la liste d’attente et aller prendre un apéro ailleurs comme à leur super bar tout prêt, le Pisellino. »

Consultez le site du Via Carota Consultez le site du Bar Pisellino

Du nouveau

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Assiette hivernale à l’Ernesto’s

Qui dit New York dit découvertes. La plus récente faite par le couple est l’Ernesto’s. « On a adoré ce resto le mois passé, qui propose une cuisine du Pays basque et une super sélection de vin. C’est un lieu avec beaucoup d’ambiance. On avait choisi le comptoir du chef, une petite salle à manger à l’arrière, face à la cuisine », se remémore Patrice.

Consultez le site de l’Ernesto’s

Un bon burger

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @SUPERIORITYBURGER

Classique du Superiority Burger

« J’ai très hâte de retourner au Superiority Burger depuis qu’ils ont déménagé, remarque le chef. J’étais un grand fan des desserts du chef Brooks Headley lorsqu’il était pâtissier chez Del Posto. Son burger végé était déjà top et ses gelati assez incroyables. »

Consultez le compte Instagram de Superiority Burger

Pour la vue

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTRAGRAM @MANHATTA_NYC

Le Manhatta : à visiter pour la vue, à l’heure de l’apéro

« Pour un super apéro et une vue incroyable sur la ville, Manhatta est assez difficile à battre. Le restaurant est situé au 60e étage et on peut s’en tenir au bar », suggère Patrice.

Consultez le site du Manhatta

Dent sucrée

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @LACABRABAKERY

La Cabra est un torréfacteur de café et pâtisserie d’origine danoise.

Évidemment, le carnet d’adresses du duo se termine par une adresse sucrée ! « Pour le café et les pâtisseries, j’aime beaucoup La Cabra, qui vient du Danemark, dit Patrice. On a aussi testé Librae la dernière fois et on a beaucoup aimé. » « Le pain au chocolat du Lodi, dans le Rockefeller Center, est un des meilleurs qu’on ait jamais mangé, ajoute Marie-Josée, mais il faut être prêt à le payer : 9 $ ! »

Consultez le site de La Cabra Consultez le site de Librae Consultez le site de Lodi