Tout récemment, l’humoriste québécois Charles Deschamps a réussi à hisser un restaurant inexistant, Le Nouveau Duluth, en tête des meilleures adresses à Montréal sur TripAdvisor ; le canular a ravivé le débat sur la fiabilité du géant du web, pour qui c’est loin d’être la première controverse. Nous avons demandé à des experts de nous livrer leurs conseils pour découvrir des perles culinaires en voyage – et éviter de se faire avoir.

Pour bien des voyageurs, la source qui a le plus de poids, encore aujourd’hui, demeure le bouche-à-oreille, avance Marc-Antoine Vachon. « Mais ce n’est pas toujours facile de trouver quelqu’un dans son entourage qui connaît l’endroit où on veut aller », ajoute le titulaire de la Chaire de tourisme Transat et professeur au département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

« C’est là qu’on va chercher un avis qui est plus près de nous – contrairement à une source commerciale, précise-t-il. Et la réponse universelle, depuis des années, c’est TripAdvisor, qui affirme aider un demi-milliard de voyageurs par mois. »

Julie Brodeur est éditrice et rédactrice de guides de voyage chez Ulysse depuis 25 ans, et TripAdvisor fait invariablement partie des sources qu’elle consulte avant de partir en voyage. Mais elle ne s’y limite pas. « J’essaie d’aller en voir le plus possible », dit-elle. Journaux locaux, blogues, palmarès, en plus de faire appel aux offices de tourisme – en particulier lorsqu’elle est à la recherche de nouveaux restaurants.

La créatrice du blogue Will Travel for Food, Mayssam Samaha – une passionnée de voyage et de gastronomie –, effectue elle aussi des recherches poussées avant un voyage et recoupe les informations qu’elle tire d’articles de magazines ou de blogues, sans jamais recourir aux plateformes comme TripAdvisor.

PHOTO FOURNIE PAR MAYSSAM SAMAHA

Mayssam Samaha a créé le blogue Will Travel For Food.

Ça m’arrive rarement d’être mal préparée. Parfois, les gens me disent : “Et la spontanéité en voyage ?” Je suis d’accord, il faut en avoir ; mais si on a juste quelques jours dans une ville et qu’on veut bien manger… Pour moi, c’est primordial de goûter à la gastronomie et à la culture culinaire de l’endroit que je visite.

Mayssam Samaha, créatrice du blogue Will Travel for Food

Mayssam Samaha répertorie par ailleurs tous les arrêts intéressants qu’elle repère, au fil de ses recherches, sur une carte Google qu’elle consulte attentivement une fois sur place, directement sur son téléphone. Pour son tout récent voyage à Mexico, elle a notamment retenu près de 100 restaurants et cafés… pour un séjour de six jours.

« Je sais que je ne pourrai pas essayer toutes ces adresses, dit-elle. Mais si je me retrouve perdue dans un quartier et que j’ai faim ou envie d’un café, je peux regarder ma carte et me dire : OK, il y a un resto que j’ai noté à trois rues d’ici, j’y vais. C’est plus facile que d’essayer de trouver quelque chose quand tu es affamée. »

  • Le restaurant Klondike Rib and Salmon à Whitehorse, au Yukon

    PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

    Le restaurant Klondike Rib and Salmon à Whitehorse, au Yukon

  • Restaurant Esoteric dans le district Vibe, un quartier en pleine revitalisation à quelques minutes de marche de la grande plage de Virginia Beach.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

    Restaurant Esoteric dans le district Vibe, un quartier en pleine revitalisation à quelques minutes de marche de la grande plage de Virginia Beach.

  • Le restaurant la Burgerteca à San Antonio, au Texas

    PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

    Le restaurant la Burgerteca à San Antonio, au Texas

  • Restaurant du quartier Matonge, à Bruxelles

    PHOTO FOURNIE PAR CHRISTINA TIGKA, ARCHIVES LA PRESSE

    Restaurant du quartier Matonge, à Bruxelles

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S’informer sur place

Peu importe où elle se trouve, Julie Brodeur interroge systématiquement les voyageurs qu’elle rencontre sur les restaurants qu’ils ont eu la chance d’essayer, afin de mettre sa liste à jour. « En jasant, des fois, tu vas découvrir une petite perle. » À l’inverse, cette astuce lui permet quelquefois de revoir certains choix.

Elle n’hésite pas non plus à aborder directement le personnel d’un établissement avant de s’y attabler, afin d’avoir une idée de l’ambiance et du service. « Je me suis déjà fait revirer de bord par quelqu’un qui n’était vraiment pas sympathique, alors je me suis dit : celui-là, je ne le mettrai pas dans mon guide. »

Je pense que le service est super important pour les Québécois ; on recherche vraiment un contact humain agréable. Donc pour moi, ça fait partie de mes critères quand je choisis un établissement.

Julie Brodeur

Faire appel aux gens du coin, en s’adressant au concierge de l’hôtel ou au barista du café voisin, est également une stratégie gagnante pour dénicher des restaurants de quartier parfois cachés, renchérit Mayssam Samaha.

Mais le truc « infaillible » qui lui a toujours permis d’être bien conseillée, c’est de réserver un tour culinaire au début de son séjour. « Premièrement, ça permet d’avoir une idée générale de la ville et de sa culture culinaire. » Et c’est l’occasion idéale pour s’informer auprès du guide, ajoute-t-elle. « Je fais des tours du marché Jean-Talon, ici, à Montréal, et les gens qui les prennent, c’est la plupart du temps des touristes qui me demandent toujours conseil pour des restaurants. C’est bon, aussi, de faire le tour durant les deux premiers jours de son voyage parce qu’on a le temps de changer ses réservations, si jamais, ou d’en faire. »

Malgré leur vaste expérience de globe-trotteuses, ces deux voyageuses aguerries ne sont pourtant pas à l’abri des déceptions. Julie Brodeur s’est déjà retrouvée dans des situations où son appréciation d’un endroit ne correspondait pas du tout aux impressions des internautes ou des touristes rencontrés sur place. « Sur TripAdvisor, il y a des commentaires de gens de partout dans le monde et je me suis aperçue que même si j’ai une ouverture culturelle, que je voyage depuis 30 ans, je reste avec mes lunettes et mes référents de Nord-Américaine », souligne-t-elle.

« C’est peut-être moins marqué pour les restaurants que pour l’hébergement, au niveau du confort, mais les gargotes qui me plaisent et où je vais me sentir à l’aise de manger de la cuisine de rue, par exemple, ne sont pas les mêmes qui vont plaire à d’autres », ajoute-t-elle. Quand elle lit des commentaires sur TripAdvisor, par exemple, elle s’assure donc de prendre en considération leur provenance, autant que possible.

Si l’on choisit de se tourner vers les avis d’autres voyageurs en ligne, Marc-Antoine Vachon recommande par ailleurs de lire un maximum de commentaires, avant tout pour éviter d’être piégé par ceux qui seraient frauduleux. « L’intérêt pour ce genre de plateforme va se maintenir, et c’est justement lié à l’augmentation des prix. Une bonne partie des voyageurs va rechercher un bon rapport qualité-prix, pour maximiser ses chances d’avoir des vacances intéressantes et économiques. Et c’est là où, plus on engrange de l’information, plus on a de chances de miser juste », résume-t-il.

Consultez la page Instagram de Mayssam Samaha

Des restaurants conseillés par un guide

Qu’est-ce qui fait en sorte qu’un restaurant réussit à se classer parmi les adresses d’un guide de voyage Ulysse ? En tête de liste, répond Julie Brodeur, il doit offrir un bon rapport qualité-prix, dans des fourchettes de prix différentes. « Il faut que les gens sentent que les sous qu’ils ont dépensés ou le choix qu’ils ont fait de s’attabler là, ça valait la peine. Il faut aussi que ce soit une expérience agréable, un restaurant qui se démarque des autres – par son lieu, son architecture, ce qu’il sert, le service –, surtout dans les régions où il y a beaucoup de choix. »