On l’a dit, on le sait : le secteur de la restauration est touché de plein fouet par la pandémie de COVID-19. Alors que nombre d’établissements ont fermé leurs portes, que d’autres se sont mis à la livraison ou que certains se réinventent en créant de nouveaux concepts temporaires, d’autres… ouvrent ! Comment ça marche, ouvrir un restaurant en pleine pandémie ? La Presse a interrogé trois restaurateurs pour le comprendre.
Avant que le ciel nous tombe sur la tête, à la mi-mars, Montréal fourmillait, comme à l’habitude, de mille et un projets de nouveaux restaurants. Le virus a coupé court à bien des initiatives, mais certains ont pris la décision d’ouvrir malgré tout dans ces circonstances pour le moins exceptionnelles.
C’est le cas de l’Ayla, tout nouveau projet du groupe qui est derrière les restaurants de sushis Ryu, qui a finalement pris son envol il y a deux semaines, dans Griffintown, rue Richmond. L’endroit, mené par le chef Yohai Rubin, né à Tel-Aviv et installé depuis peu à Montréal, veut faire découvrir la cuisine telle qu’on la déguste dans la Méditerranée orientale, de l’Espagne au Maroc, en passant par Israël. Pourquoi avoir pris la décision d’ouvrir alors que la salle pouvant accueillir 75 personnes, au design signé par les Gauley Brothers, restera vide ?
« L’infrastructure était en place, la cuisine était prête, et le chef était vraiment prêt à travailler ! On s’est dit : “Pourquoi pas ? On n’a rien à perdre !” On a mis de côté les assiettes et la verrerie qu’on avait achetées et on a trouvé des contenants pour le takeout ! », explique David Dayan, restaurateur derrière les établissements Ryu et Livia, mais aussi promoteur immobilier au sein du Groupe Dayan, qu’il dirige avec son père.
Carburer aux défis
Évidemment, les défis sont nombreux pour un nouveau restaurant, encore plus dans les circonstances, dont celui de se faire connaître et de proposer un menu qui à la fois reflétera l’identité que veut se donner l’établissement et aura du sens en format « pour emporter ». Ainsi, toute la partie poissons et fruits de mer, qui occupera une place de choix sur la carte de l’Ayla, a dû être évacuée au profit de plats parfois plus simples qui résistent bien au transport, comme la salade fattoush, le houmous, un poulet entier rôti ou encore un sandwich avec kebabs d’agneau, grillé dans un pain pita, un délice « qui se transporte bien et représente bien la nourriture qu’on propose… en version sandwich ! », explique le chef.
L’Ayla a pu profiter de la clientèle déjà établie du Ryu pour apparaître sur l’écran radar des passionnés de cuisine montréalais. « Normalement, je ne suis pas un fan de la promotion croisée, car je crois que chaque établissement devrait avoir son identité. Mais dans les circonstances, on a décidé d’en prendre avantage, en insérant des flyers de l’Ayla dans nos livraisons du Ryu », ajoute M. Dayan. La stratégie a bien fonctionné : dès la première semaine d’activité, l’équipe a reçu plus de commandes que ce qu’elle avait envisagé.
Ce qui est bien avec cette crise, c’est qu’elle nous oblige à penser différemment, à être en mode résolution de problèmes. En quelques semaines, on s’est complètement réinventés.
David Dayan
Réseaux sociaux et vie de quartier
Chez Bar Mamie, nouveau « bar à vin » de La Petite-Patrie, c’est grâce aux réseaux sociaux, oui, mais aussi à une vie de quartier animée et à une vitrine colorée se faisant voir à l’angle des passantes rues Beaubien et Drolet que l’établissement a réussi à se construire une clientèle depuis son ouverture, au début d’avril.
« Notre objectif était d’ouvrir le 26 mars, on était presque prêts. Au début de la pandémie, on s’est dit qu’on allait attendre, on a peaufiné quelques petites choses… Jusqu’au jour où on a bien vu que ça allait durer ! On a donc pris la décision d’ouvrir en mode takeout, pour se roder et rencontrer les gens du quartier », explique Max Rousselin, l’un des trois copropriétaires de l’endroit, en compagnie de sa conjointe, Cynthia Moreau, et de la restauratrice Isabelle Corriveau (Le Renard, Bistro Tendresse).
Le concept du Bar Mamie — des planches apéros de fromages et de charcuteries — se prête particulièrement bien à la formule pour emporter. « Au début, on a misé sur les apéros virtuels que les gens faisaient entre eux. Puis, avec le beau temps qui est arrivé, nos planches sont devenues idéales pour les pique-niques », détaille M. Rousselin, qui ajoute que, depuis peu, le Bar Mamie propose aussi des pièces de viande à griller sur le BBQ dans son coin épicerie.
Aujourd’hui, avec une petite équipe de deux employés, le Bar Mamie est capable de payer son loyer, ses frais et les salaires. « On a dû revoir complètement notre plan d’affaires ; on voulait ouvrir d’abord le bar à vin et éventuellement proposer un coin épicerie, puis le takeout. C’est le contraire qui se passe : je voulais ouvrir un bar à vin, je suis rendu une épicerie ! », lance-t-il en riant.
« Pop-up » pour l’instant
Le Bar Mamie et l’Ayla avaient la chance d’avoir leurs restaurants à peu près fonctionnels au début de la pandémie, avant que les chantiers ne soient arrêtés. Ce n’est pas le cas de tous. La chef Erin Mahoney avait comme projet d’ouvrir son tout premier restaurant, le Joon, en mai. Son local, situé près de l’intersection Saint-Laurent et Jean-Talon, est loin d’être prêt, alors qu’elle a pu recommencer les travaux la semaine dernière seulement.
La cuisinière, après avoir travaillé longtemps à la Bête à pain — le prêt-à-manger, elle s’y connaît ! —, a évolué ces dernières années dans la cuisine de l’Impasto, qui appartient à Stefano Faita et à Michele Forgione. Ces derniers se sont d’ailleurs associés avec elle et son mari, Ilya Dastari, dans ce nouveau projet qui mettra à l’honneur les cuisines de la région du Caucase, du nord de l’Iran, en passant par celles de la Géorgie et de l’Arménie.
Erin Mahoney caresse l’idée du Joon depuis longtemps. Elle a eu l’occasion de constater son potentiel en tenant ces dernières années différents pop-up, dont un à l’Impasto. C’est-à-dire que nombre de clients déjà conquis attendent avec impatience son ouverture. Pour les faire patienter, elle a investi ces derniers temps les cuisines de l’Impasto en mode pop-up, pour y concocter du prêt-à-manger réconfortant qu’elle a offert en petites quantités, comme elle est seule à tout faire.
« Je le fais pour les clients, mais aussi parce qu’on ne peut pas se permettre de perdre le momentum. Je suis très limitée en ce moment, comme je n’ai pas ma cuisine, et, avec les travaux qui recommencent, je vais devoir mettre le service de prêt-à-manger sur pause. Mais j’espère pouvoir m’y remettre très bientôt. »
Grâce au soutien de ses associés et à un propriétaire « extraordinaire » qui lui a permis de mettre son loyer sur pause quelque temps, elle a bon espoir d’arriver à ouvrir le Joon en juillet. Elle sait que son concept de fine cuisine devra être adapté au takeout. « Cette formule me permet d’aller vers des plats plus traditionnels que je n’avais pas prévu servir dans mon menu. Je crois que le tout se complémente très bien et que je pourrais continuer à faire les deux si je ne peux pas ouvrir la salle de mon restaurant au maximum de sa capacité. »
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Identités réinventées
La pandémie les a obligés à repenser leur offre culinaire dans une formule « à emporter ». Voici huit exemples de restaurateurs qui se sont relevé les manches et qui se sont fait une nouvelle identité en temps de crise.
Tinc Set — Alma
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Rhinocéros — Bouillon Bilk + Le Cadet
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La Cabane à homard — Chien Fumant
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3 soirées d’exception —La Tanière
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Casgrain BBQ —Mon lapin
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Le Faux Truck — Jack Rouge
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miamiamiam — vinvinvin
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Végé burger & Vin Nature — Vin papillon
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