Elles sont nutritives, écolos et mignonnes comme tout. Mal-aimées il n’y a pas si longtemps, les légumineuses sont plus tendance que jamais et suscitent les passions ! En cette ère de confinement et de disette, elles ajouteront protéines végétales, textures et couleurs à vos plats sans vous ruiner. Envie d’embarquer dans le train ?

En 2018, le magazine New Yorker dédiait un long portrait à l’Américain Steve Sando, fondateur de l’entreprise Rancho Gordo, qui connaît depuis quelque temps un hype incroyable aux États-Unis et au-delà.

Ce dernier a ramené les beans au premier plan de la scène gastronomique en commençant à cultiver des variétés ancestrales et presque disparues (des heirloom beans, similaires aux tomates Heirloom, plus répandues) qui ont ouvert tout un monde de possibilités pour cet aliment souvent regardé de haut pour ses humbles origines.

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> Lisez l’article du New Yorker (en anglais)

Même s’il n’y a rien de plus indigène au territoire des Amériques que les légumineuses, note le journaliste Burkhard Bilger, ces dernières sont restées longtemps mal-aimées et leurs vertus, méconnues. « Les légumineuses sont l’enfant du milieu de l’alimentation américaine. Celui qu’on a oublié d’aimer », résume-t-elle.

Mais depuis que les variétés cultivées par Rancho Gordo ont attiré l’attention de chefs américains d’envergure, dont Thomas Keller à The French Laundry, les foodies découvrent à quel point les légumineuses sont non seulement délicieuses et polyvalentes, mais aussi cool.

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Cuisinier chez Elena, Jake Bagshaw est tombé sous le charme des légumineuses il y a environ deux ans.

C’est une tendance culinaire au même titre que le kale, il y a quelques années.

Le cuisinier montréalais Jake Bagshaw, qui officie au restaurant Elena

Son amour des légumineuses remonte à 2018, alors qu’il a goûté un plat tout simple de fèves cuites doucement sur le feu, servies seulement avec une tranche de pain au levain au restaurant Ops, à Brooklyn. Une recette qu’il a cherché à recréer, avec plus ou moins de succès, jusqu’à ce que la chef dudit restaurant vienne faire un pop-up au Elena. Le secret ? Des champignons séchés dans le bouillon.

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Chez lui, le cuisinier, qui signe une recette dans le nouveau livre de recettes numérique du Elena, a plusieurs sacs de fèves Rancho Gordo, ramenés de voyages de l’autre côté de la frontière, une denrée rare en ce temps de confinement. Pendant longtemps, ses amis ne comprenaient pas son obsession et se moquaient même un peu de lui. « Et aujourd’hui, tout le monde en veut ! Et plus personne ne rit », lance-t-il.

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Au début de la pandémie, Jake Bagshaw a publié une photo de son garde-manger rempli de légumineuses de Rancho Gordo et Yupik. « Plus personne ne rit maintenant ! », a-t-il écrit.

Un nouveau monde

Cool Beans. C’est le titre qu’a justement donné Joe Yonan, éditeur des pages gourmandes du Washington Post depuis 13 ans et auteur de trois autres livres de recettes, à son nouvel ouvrage consacré, bien sûr, aux légumineuses, publié en février.

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Cools Beans par Joe Yonan, publié aux éditions Penguin Random House en février dernier.

Joint à Washington, où il est, comme tout le monde, en confinement, l’homme contemple avec contentement son garde-manger rempli des légumineuses de tout acabit. « C’est un aliment parfait par les temps qui courent et c’est aussi exactement ce que j’essaie de montrer dans mon livre : les légumineuses ont plusieurs qualités, elles se conservent longtemps, sont nutritives, abordables et adaptables, faciles à cultiver, en plus d’avoir une faible empreinte environnementale. »

Celui qui est né au Texas dans un environnement où vivaient beaucoup de Mexicano-Américains a toujours eu une affection particulièrement pour les beans. « Dans les restaurants tex-mex de mon enfance, les légumineuses étaient toujours servies en accompagnements, les fameux rice and beans. Plus tard, au collège et pauvre, j’ai commencé à me cuisiner des plats plus consistants à base de légumineuses. Qu’elles soient en conserve ou sèches, les légumineuses sont la protéine la moins chère qui soit, animale ou végétale », avance celui qui est végétarien depuis de nombreuses années.

C’est d’ailleurs la découverte des fameuses légumineuses de Rancho Gordo qui a facilité sa transition à un régime presque exclusivement à base de plantes, raconte M. Yonan. « Les fèves cultivées par Rancho Gordo sont fraîches, ce qui les rend très crémeuses et incroyablement savoureuses. Et il y a tellement de variétés ! C’est un nouveau monde qui s’est ouvert. »

Une question de fraîcheur

S’il est vrai que les légumineuses sèches peuvent se conserver longtemps, la fraîcheur est un élément-clé pour les aimer et les adopter. Non seulement elles seront plus goûteuses et onctueuses, mais en plus elles vont cuire plus rapidement.

En fait, note M. Yonan, plus les pois chiches, fèves rouges ou haricots à l’œil noir seront frais, moins le trempage est nécessaire, un obstacle certain pour ceux qui n’ont pas l’habitude de penser leurs repas à l’avance.

Reconnaître une légumineuse récoltée assez récemment n’est pas toujours évident. Prenez garde aux haricots poussiéreux qui présentent des cassures ou fêlures, conseille M. Yonan. Comme les produits Rancho Gordo sont difficiles à obtenir au Canada, M. Bagshaw suggère une solution de rechange canadienne : les légumineuses de la marque montréalaise Yupik, dont la majorité sont biologiques.

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Parmi les variétés offertes par Yupik, les haricots Appachi rouges et blancs.

« Pour nous, la fraîcheur est vraiment primordiale, car plusieurs de nos clients sont des adeptes du sprouting, et pour qu’une fève germe, elle doit être fraîche », remarque Stéphanie Campanelli, coordonnatrice du marketing et des communications pour l’entreprise, qui confirme que Yupik connaît une hausse constante des ventes de ses différentes variétés des légumineuses, un aliment qui s’inscrit dans la tendance de l’alimentation végétale.

Se laisser prendre au jeu

Si l’Amérique du Nord semble enfin découvrir le potentiel gourmet des légumineuses, il suffit de jeter un œil autour du globe pour constater à quel point ces petites fèves colorées sont présentes dans à peu près toutes les cultures culinaires du monde.

Beaucoup de cuisines sont centrées autour des légumineuses. Bien sûr, le Mexique, mais aussi l’Inde, l’Italie, l’Espagne, tout le Moyen-Orient, même l’Afrique. L’Amérique du Nord est un peu en retard au party, mais on y arrive !

Joe Yonan, auteur du livre Cool Beans

PHOTO AUBIE PRICK, FOURNIE PAR TEN SPEED PRESS/PENGUIN RANDOM HOUSE

Joe Yonan est éditeur des pages gourmandes du Washington Post depuis 13 ans et vient de publier Cool Beans.

M. Yonan propose pas moins de 125 recettes inspirées des quatre coins du monde dans son livre.

Les multiples variétés de légumineuses, des petites lentilles croquantes aux charnues fèves de Lima, sont à découvrir de plusieurs façons : cuites doucement sur le rond ou rapidement à la cocotte-minute, en tartinade, rôties au four et même la très tendance aquafaba, l’eau de trempage de pois chiche, qui peut servir à réaliser d’onctueuses mousses au chocolat… Il ne faut pas avoir peur d’expérimenter.

Mais pour Jake Bagshaw, la meilleure façon de savourer les haricots reste dans leur éclatante simplicité, comme cette recette du restaurant Ops qui l’a tant marqué. « Je trouve qu’on complique trop souvent la nourriture, et on finit par perdre les saveurs. Des fèves cuites lentement sur le feu, dans un bouillon savoureux, qu’on sert à température pièce… C’est super simple, et c’est parfait comme ça ! »

Sèches ou en conserve ?

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Même s’il est tout à fait correct d’avoir des légumineuses en conserve à portée de main dans son garde-manger, il serait vraiment « dommage » de ne jamais expérimenter avec les fèves sèches, croit M. Yonan. De plus, en cuisant les fèves, on obtient un savoureux bouillon qu’il nomme « golden liquid », qui aide à mieux conserver leur saveur, au frigo ou au congélo, et qui peut aussi être utilisé pour épaissir les soupes et autres mijotés et leur donner de la saveur.

Cuisson lente ou express ?

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Certains ne jurent que par la cuisson lente, sur le feu ou au four. D’autres adorent l’efficacité et la simplicité d’une cocotte-minute ou de l’autocuiseur de type Instant Pot. Pour Joe Yonan, tout va dépendre de votre « personnalité de cuisinier », mais aussi de votre connaissance de la marque et de la variété de haricots à cuire. Si vous n’êtes pas certain de la fraîcheur du produit, une cuisson sur le feu vous permettra d’ajuster le tir. Si vous connaissez vos pois chiches sur le bout des doigts, l’autocuiseur est très pratique !

Inévitables, les gaz ?

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S’il n’est pas nécessaire de faire tremper des légumineuses sèches relativement fraîches, le trempage peut effectivement aider à réduire les désagréables flatulences que certains expérimentent, en plus d’écourter le temps de cuisson. Le kombu, une algue séchée qu’on ajoute lors de la cuisson, aiderait aussi à réduire les problèmes digestifs. Si vous n’avez pas l’habitude d’en consommer, l’ajout graduel à votre alimentation quotidienne sur une période de trois semaines permettra à votre système digestif de s’adapter. Parfait à essayer en temps de confinement !

Pour en savoir plus

> Pour vous procurer le livre Cool Beans (en anglais seulement), consultez le site de Penguin Random House

> Pour vous procurer le livre Elena Mini Cookbook (en anglais seulement), consultez la boutique en ligne du Elena

> Pour en apprendre plus sur les produits, consultez le site de Yupik

> Pour en apprendre plus sur les produits, consultez le site de Rancho Gordo (en anglais)