(Paris) Sauf désastre avant les vendanges, la production française de vin est attendue « au niveau de la moyenne » en 2023. La plupart des bassins viticoles ont résisté aux affres du climat et de la maladie, à l’exception notable du Bordelais, frappé par le mildiou.  

« La production viticole se situerait en 2023 entre 44 et 47 millions d’hectolitres, au niveau de la moyenne » des années 2018 à 2022, a rapporté mardi le service statistique du ministère, Agreste.  

Ces prévisions de récolte « sont provisoires au regard de l’incertitude entourant les conséquences des attaques de mildiou dans les vignobles du Bordelais et du Sud-Ouest », précise Agreste.

D’autant que les tout premiers coups de sécateur viennent à peine d’être donnés — la semaine dernière dans des vignes de Fitou, dans le sud de la France — et que les vendanges s’étaleront jusqu’au début de l’automne.

Dans le trio de tête mondial des producteurs de vin avec l’Espagne et l’Italie, la France avait produit plus de 46 millions d’hectolitres de vin en 2022 en dépit de la sécheresse exceptionnelle de l’été.

« Le Bordelais et le Sud-Ouest sont particulièrement touchés par les attaques de mildiou », une maladie qui a proliféré à la faveur de l’association, au printemps, de températures élevées et d’orages accompagnés de fortes pluies.

Les dégâts sont encore impossibles à évaluer : le mildiou ne sévira pas davantage, mais le vignoble peut encore souffrir des intempéries d’ici au début des vendanges, attendu début septembre pour le sauvignon blanc et mi-septembre pour le merlot ( environ 60 % des surfaces ), selon le directeur de la communication du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux ( CIVB ), Christophe Château.  

Abondance de vin nuit

Un millésime faste n’aurait pas non plus été une bonne nouvelle dans ce vignoble en plein marasme, plombé par la surproduction.

Près de 10 000 hectares de vignes ( sur 110 000 ) devraient être arrachés dans le Bordelais, après les vendanges, pour réguler l’offre et redresser les prix dans le cadre d’un plan cofinancé par l’État et le CIVB. La France subventionnera aussi la destruction des excédents de vins rouges et rosés ( le vin sera distillé en alcool impropre à la consommation ). Les bassins du Bordelais et du Languedoc, plus au sud, sont les premiers demandeurs.

Dans le Languedoc-Roussillon, « la production devrait ne pas trop s’éloigner de la moyenne » des cinq dernières années malgré une « sécheresse persistante », relève le service statistique Agreste.

La nouvelle ne ravira pas des producteurs qui peinent déjà à écouler les millésimes précédents.  

La situation « va être catastrophique » après les vendanges, avec des « caves déjà pleines » et des négociants qui « n’arrivent plus à vendre un litre » depuis des mois en raison de la baisse de la consommation liée à l’inflation, a déclaré à l’AFP Jean-Philippe Granier, directeur technique au sein du syndicat de l’AOC Languedoc.

« On produit trop, le prix de vente est inférieur au prix de revient, donc on perd de l’argent », a déploré M. Granier, favorable à une campagne d’arrachage comme dans le Bordelais « pour que les gens se recentrent sur ce qu’ils savent bien faire et qu’ils produisent ce qu’ils vendent ».

Grappes « bien fournies » en Champagne

En dehors du Languedoc-Roussillon et du Sud-Ouest en crise, l’heure est à l’optimisme prudent de l’Alsace à la Corse.  

En Champagne, « les grappes sont bien fournies » et les maladies « contenues ».  La Bourgogne a été affectée par des épisodes de grêle, mais les dégâts sont restés marginaux : « Le potentiel est prometteur, avec des grappes en nombre, malgré parfois la pression du mildiou », note Agreste.

En Corse, « si les conditions météorologiques restent clémentes, on pourrait avoir un très joli millésime en quantité satisfaisante », observe Nathalie Uscidda, directrice générale du centre de recherche vitivinicole de l’île ( CRVI ).

À un millier de kilomètres de là, en Loire-Atlantique, « ce devrait être une belle récolte », estime aussi Gwenaël Barré, qui produit notamment du muscadet. Toutefois, « on reste toujours prudent tant que la récolte n’est pas dans les caves : un orage, de la grêle, il peut toujours y avoir une catastrophe. »

Le changement climatique a habitué les vignerons à des vendanges de plus en plus précoces. Cette année s’annonce plus « habituelle » pour le vigneron, avec un démarrage attendu « tout début septembre », contre fin août l’an dernier.