Saveurs locales Le vin s’invite dans l’hydromel

La ferme apicole Desrochers D. s’est toujours inspirée du vin pour élaborer ses hydromels. Cette inspiration prend un nouveau sens avec sa série Beezz viticole : des hydromels aromatisés avec des peaux de raisin du Québec.

Lorsque Naline Desrochers et Géraud Bonnet ont repris la ferme familiale en 2008, l’entreprise produisait des alcools de miel depuis 20 ans. Les parents de Naline utilisaient du miel biologique et aucun sulfite. Mais les jeunes apiculteurs souhaitaient mettre de l’avant le côté vineux de l’hydromel, apporter plus de fraîcheur et enlever complètement le sucre résiduel des cuvées.

Pour ce faire, ils ont fait appel au vigneron et œnologue français Florent Girou. Ensemble, ils ont réalisé plus de 400 tests. Ils ont misé sur les miels récoltés à différents moments de l’année, communément appelés les miels de saison.

Le couple d’apiculteurs est un pionnier, et encore un des seuls producteurs d’hydromels à fermenter avec des levures naturelles. Encore là, la motivation est venue d’un vigneron, Olivier Cousin de la Loire, car cette pratique est plus largement répandue dans le monde viticole.

« On venait de faire les premiers tests nature et on avait besoin d’un coup de pied pour nous plonger définitivement dans cette aventure », se rappelle M. Bonnet.

Puis, en 2016, la ferme apicole Desrochers D. s’est fait connaître grâce à sa série Beezz, composée d’hydromels moins forts en alcool et finement pétillants. Cette fois, les apiculteurs se sont inspirés des bugey-cerdon, des vins effervescents de la région de Savoie, en France.

Véritable vin de miel

Cette inspiration du monde viticole est devenue une collaboration il y a deux ans. De la même manière que les brasseurs et les cidriculteurs aromatisent de plus en plus de cuvées avec des peaux de raisin, Naline Desrochers et Géraud Bonnet ont créé de nouveaux hydromels avec des producteurs de vin du Québec.

« On voulait collaborer avec nos amis vignerons, mais on ne pouvait pas en choisir juste un, raconte l’apiculteur. On a décidé de faire une série avec les trois vignerons dont on est le plus proches. »

Le couple a d’abord fait appel à Matthieu Beauchemin au domaine du Nival. Il souhaitait utiliser les peaux du cépage vidal en souvenir du premier vin que les vignerons et les apiculteurs avaient bu ensemble. Les arômes de fruits exotiques du vidal ressemblent beaucoup à ceux du miel de printemps. C’est ainsi qu’est né le premier vin de miel de la série Beezz viticole.

Ensuite, pour s’associer aux arômes de vanille, de cardamome et de noisette du miel d’automne, les apiculteurs ont choisi le chardonnay des Pervenches. « Quand on pense aux Pervenches, on pense au chardonnay, c’est une évidence, et avec le miel d’automne subtilement épicé, ça marche trop bien », remarque M. Bonnet.

Le troisième hydromel de la série est préparé avec le marc de raisin du vignoble Pinard et Filles. La couleur subtilement rosée de la boisson provient du frontenac gris, dont les parfums d’agrumes, de framboise et de fraise vont à merveille avec le miel d’été.

Près de 1000 bouteilles de chaque cuvée ont été produites en 2021. Les apiculteurs songent à reproduire le concept lors de la vendange 2023.

Changer la perception

Géraud Bonnet ne s’en cache pas : l’hydromel est une boisson méconnue. Sa commercialisation a longtemps été difficile. Comme la majorité des producteurs n’avaient pas assez de bouteilles, ils ne pouvaient pas accéder au réseau de la Société des alcools du Québec (SAQ). La loi leur interdisait également de vendre dans les épiceries fines jusqu’en 2016. Ce changement a donné un coup de pouce à l’industrie, mais il reste du travail.

L’hydromel est l’un des plus vieux alcools du monde, mais c’est pourtant l’un des moins connus. Selon un sondage réalisé par la firme Léger l’an dernier pour le compte des apiculteurs, 40 % des personnes interrogées ne connaissaient pas l’hydromel et 26 % n’y avaient jamais goûté.

L’apiculteur a cofondé il y a trois ans l’Association des producteurs d’hydromels et d’alcools de miel du Québec (APHAMQ). Le regroupement est passé de cinq à plus d’une douzaine de membres. Les apiculteurs travaillent pour qu’une indication géographique protégée (IGP) Hydromels du Québec voie bientôt le jour.

Grâce à cette collaboration avec des vignobles, la ferme apicole Desrochers D. espère changer la perception de l’hydromel. « Cette série viticole est l’aboutissement d’un cheminement pour faire accepter les hydromels comme étant de véritables vins... de miel ! », lance-t-il.

Deux exemplaires de chaque cuvée de Beezz viticole composent la caisse mixte de six bouteilles vendue au coût de 132 $ (plus taxes) sur le site de la ferme apicole Desrochers D. Les bouteilles, à un prix variant de 22 $ à 24 $, seront aussi offertes dans les épiceries fines partout au Québec à la fin de juin.

Consultez le site de la ferme apicole Desrochers D.