Le réveil de l’espresso martini

Passé dans l’oubli lors de la résurgence des cocktails au début des années 2000, l’espresso martini est désormais la coqueluche des distillateurs, des mixologues et il est même une vedette du réseau social TikTok. Ce mélange de café et de vodka est facile à réaliser, chic et, surtout, il réveille !

Dans l’industrie du bar, tout le monde connaît l’histoire de la création de l’espresso martini. Moderne, comparé au dry martini ou au negroni, il a été inventé par l’Anglais Dick Bradsell dans les années 1980.

« Une top-modèle lui aurait demandé un verre pour la réveiller et la tenir éveillée toute la nuit », raconte le mixologue consultant Pierre-Hugues Marois.

Dick Bradsell a eu l’idée d’utiliser du café pour réveiller sa cliente. Puis, il a réuni dans son shaker un espresso, du sucre, de la vodka et de la glace, avant de l’agiter vigoureusement. Une épaisse mousse s’est alors formée sur la boisson, qui n’est pas sans rappeler la crema qui se forme sur le café.

Servie dans une coupe, cette création est désormais célèbre. Mais Dick Bradsell n’a pas eu la chance d’en mesurer l’ampleur. Il est mort en 2016 juste avant que son cocktail ne connaisse sa véritable heure de gloire.

Popularité incroyable

Dans l’hôtel boutique Mount Stephen, dans le Vieux-Montréal, le responsable du bar George, Nader Chabaane, est sans équivoque : l’espresso martini est le cocktail le plus vendu au cours de la dernière année. Son établissement en a préparé tout près de 16 000 !

À la Société des alcools du Québec (SAQ), la distillerie du St-Laurent et la mixologue Rose Simard ont récemment commercialisé trois cocktails en cannette sous la marque Amour liquide. L’espresso martini est de loin le plus populaire des trois, avance la responsable marketing du projet, Catherine D’avril.

Le consultant Pierre-Hugues Marois attribue la popularité de ce cocktail à la simplicité des ingrédients : du café et de la vodka.

Avec une telle demande, il est impossible pour le responsable du bar George, Nader Chabaane, de préparer du café frais à chaque commande. Comme plusieurs autres mixologues, il prépare des litres de café ou utilise un concentré de café infusé à froid, un ColdBrew. De cette façon, il réduit le temps de travail de moitié sans compromettre le goût.

« Ça prend quatre minutes pour préparer le cocktail avec un espresso frais, observe-t-il. Quand tu en fais 100 dans une soirée, c’est trop long ! »

Au café Pista à Montréal, le barista Maxime Richard a créé un café infusé à froid pendant la pandémie. Sa préparation a rapidement été adoptée pour élaborer l’espresso martini.

Son entreprise collabore également avec plusieurs distilleries, dont BluePearl, dans la production d’une liqueur de café. Car cette boisson se retrouve aujourd’hui dans la majorité des recettes d’espresso martini. Plus de six différentes liqueurs de café québécoises sont arrivées sur les tablettes de la SAQ au cours des derniers mois.

« Le choix des grains pour concevoir une liqueur n’est pas une mince tâche », avoue Maxime Richard. La production d’alcool comprenant un stimulant, comme le café, est réglementée. Il faut ainsi dénicher un produit décaféiné rempli de saveurs.

Si la liqueur alcoolisée ne peut contenir une grande quantité de caféine, rien ne réglemente la création de l’espresso martini. Tous les types de café sont permis. Le barista recommande cependant de privilégier des grains ni trop foncés ni trop corsés présentant des notes sucrées de chocolat, de caramel et de noisette.

La crème, de la crème

À la distillerie du St-Laurent, Catherine D’avril observe qu’un commentaire revient sans cesse concernant son espresso martini en cannette : il manque la mousse.

Celle-ci se forme en utilisant un café fraîchement coulé. Pour l’obtenir, il n’est pas rare que les bars ajoutent quelques gouttes d’émulsifiant.

« La mousse, c’est l’élément clé du cocktail, ajoute Pierre-Hugues Marois. C’est chic. Tu peux la décorer avec des grains de café. »

Sur le réseau social TikTok, le cocktail se décline de milliers de façons. Outre les incontournables grains de café, on y trouve des variantes inspirées du dessert tiramisu orné de la poudre de cacao, d’autres sont accompagnées de biscuit, de guimauve et même de parmesan.

Au milieu de la salle garnie de boiseries du bar George, Nader Chabaane aura bientôt tout le luxe de réfléchir à la décoration de son espresso martini. L’établissement s’est doté d’un tout nouvel appareil, le DrinkBrood. L’appareil conçu au Canada utilise l’azote pour préparer diverses boissons. Il suffit de placer la coupe et de tirer sur la manivelle, comme une bière en fût, pour servir un espresso martini digne des grandes tables.

« C’est encore meilleur que lorsqu’il est shaké et ça prend 20 secondes », assure-t-il.

Tout comme Catherine D’avril, le mixologue croit que la demande pour ce cocktail est loin de s’assoupir.