(Nakhon Pathom) Parsemé de cendres de bambou, ou enroulé dans des feuilles de pandan : en Thaïlande, Rachanikorn Srikong compose des fromages de chèvre en y ajoutant une touche locale, pour populariser une production encore confidentielle, mais dynamique.

Au pays du riz gluant à la mangue, le dessert national, le fromage reste l’apanage d’une minorité capable de payer le prix fort pour des produits acheminés de l’étranger.

Mais une poignée de pionniers se sont lancés dans une production artisanale et locale, avec l’espoir de changer des habitudes culinaires bien tenaces.

Leurs fromages « made in Thailand » ont tapé dans l’œil de restaurants étoilés de Bangkok, dans un contexte d’ouverture croissante des consommateurs à des mets étrangers.

Rachanikorn Srikong, qui a grandi avec « du tofu avec du riz », concède qu’elle est partie de zéro, il y a sept ans. Elle a étudié son nouvel art dans les livres.

Au début, elle a démarré comme « un peintre aveugle », incapable de juger la qualité de son travail, se rappelle-t-elle.

Cette vétérinaire a trouvé sa recette en faisant le rapprochement avec l’odeur âcre du poisson fermenté, un assaisonnement populaire en Thaïlande.

C’est le goût qui « vous rend heureux, et vous reconnecte avec les plats de maman », développe cette femme âgée de 47 ans.

Marché croissant

Aujourd’hui, elle produit quinze variétés de fromages de chèvre dans sa petite ferme de la province de Nakhon Pathom, à une heure de route de Bangkok.

Certains portent une touche thaïlandaise, comme un enrobage en cendres de bambou : « je suis inquiète des émissions de dioxyde de carbone, je ne veux rien importer », lance-t-elle.

Sa trentaine de chèvres vivent dans une étable, disposée de manière à profiter de l’ombre des arbres voisins, précieux dans des conditions de chaleur parfois extrêmes.

Dans son laboratoire, cette auto-proclamée « férue de sciences » procède à la fermentation via des cultures différentes de celles utilisées en Europe, qui peuvent résister à l’humidité et la chaleur du climat local.

« Je devais échouer de toutes les manières possibles. Après ça, vous pouvez avoir le geste parfait », assure-t-elle.

Après des semaines de préparation attentionnée, ses produits sont écoulés dans plus d’une dizaine de restaurants internationaux de Bangkok ou auprès d’hôtels de l’île touristique de Phuket (sud).

La Thaïlande consomme peu de produits laitiers habituellement, et beaucoup de ses habitants sont intolérants au lactose.

Mais la popularité du fromage grandit, le marché ayant progressé de près de 6 % entre 2016 et 2020.

La meilleure chose quand on produit du fromage, c’est de « donner le sourire aux gens », insiste-t-elle.

« Je ne vends pas de fromage. Je fournis du bonheur… La vie est belle, mais le fromage la rend meilleure. »