(Roseau, Dominique) Le restaurant des Caraïbes qui fait le plus jaser en ce moment est tenu par un petit groupe de Québécois, dont le chef Sutherland Haskell. L’ancien cuisinier de Vin Mon Lapin, une des meilleures tables montréalaises, a décidé de refaire sa vie en Dominique, au grand bonheur des locaux plus fortunés et des touristes.

Évitons toute confusion avant d’aller plus loin : la Dominique n’est pas la République dominicaine. C’est une petite île située entre la Guadeloupe, au nord, et la Martinique, au sud, réputée davantage pour sa nature sauvage et ses randonnées que pour ses plages. On l’appelle d’ailleurs l’« île nature ». Nous l’avons visitée en février, et avons mangé au Lacou deux fois plutôt qu’une.

Mais c’est dans la baie de Soufrière, sur la pointe sud-ouest de l’île, que nous croisons d’abord Sutherland. Il s’arrête pour faire un petit « bonjour » en chemin vers le bateau de pêche où il va chercher son mahi-mahi pour la semaine. C’est ça, la beauté de la Dominique : à 30 minutes de route en lacets de la capitale, un restaurateur peut acheter de magnifiques poissons directement des mains du pêcheur.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @LACOU. DOMINICA

L’accès à des poissons comme celui-ci fait partie des choses que Sutherland Haskell aime beaucoup de sa vie de chef en Dominique.

Tout petit, Sutherland y a vécu pendant deux ans, avec sa famille. Sa marraine habite toujours l’île. C’est pourquoi, quand il a eu envie de quitter la métropole québécoise et de prendre le large, il a choisi la Dominique. Un nouveau chez-soi où il peut faire une séance de surf avant d’aller travailler ? C’était le nouveau style de vie qui faisait envie au chercheur de bonheur.

Au début de la vingtaine, Sutherland avait déjà fait un premier changement de cap en délaissant ses études universitaires en mathématiques et statistiques pour se consacrer à la cuisine. C’était la lecture de l’essai The Third Plate, écrit par le renommé chef américain Dan Barber (Blue Hill at Stone Barns, dans l’État de New York), qui l’avait poussé à s’inscrire à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec.

Dans les cuisines de l’ITHQ, il a connu Jesse Hoffman, son partenaire au Lacou. Jesse a travaillé au Montréal Plaza, entre autres. Il a été le premier à embarquer dans la « folie » de son ami. Puis Alexandre Hallé Quinlan s’est joint au tandem. Rencontré un mois avant le déménagement de Sutherland, au bar du restaurant Salle climatisée, à Montréal, celui qui avait surtout travaillé en service, au Bremner et au Majestique, avait décidé à la fin de la soirée bien arrosée qu’il mettait lui aussi le cap sur l’île nature ! Il y passe maintenant six mois chaque année.

PHOTO DOMINIQUE LAFOND, FOURNIE PAR SUTHERLAND HASKELL

Sutherland (à gauche) lorsqu’il travaillait au restaurant Vin Mon Lapin, à Montréal.

Question d’équilibre, Sutherland et Jesse rentrent aussi à Montréal à tour de rôle, pour revoir famille et amis et se ressourcer un peu. Car la Dominique est peut-être remplie de trésors naturels, peuplée de locaux accueillants et d’expats stimulants, elle manque un peu de diversité culinaire pour des chefs aux papilles aguerries.

La restauration de la Dominique se limite à quelques adresses de cuisine locale servant des assiettes typiques composées du classique trio protéine, féculents (appelés provisions) et légumes. Il y a aussi une poignée de restaurants d’hôtels très exclusifs, réservés à une clientèle fortunée qui séjourne sur place. Nous avons d’ailleurs eu la chance de prendre un repas du midi et un souper au nouveau Coulibri Ridge Resort, propriété du Québécois Daniel Langlois. Son restaurant ouvre ses portes quelques fois par année aux visiteurs d’un jour ou d’un soir.

Lisez notre article sur le Coulibri Ridge

PHOTO PAUL CRASK, FOURNIE PAR LACOU

Ce tataki de thon montre bien l’approche sans chichi de la cuisine pratiquée au Lacou.

Une cuisine bien actuelle comme celle du Lacou, qui a ouvert en janvier 2022 dans une maison historique, manquait à la petite capitale Roseau. Sans briser complètement la classique formule entrée-plat-dessert, le menu encourage fortement le partage et met en valeur un maximum de produits de l’île, jusqu’au café et au chocolat.

Sur la terrasse ou dans la salle à manger toute simple, mais élégante, touristes en shorts et locaux tirés à quatre épingles mangent des prises du jour travaillées en ceviche, en tataki ou simplement rôties au four, des viandes locales et des fruits et légumes de saison. Les prix sont dans la fourchette supérieure, pour la Dominique. Nous avons très bien bu et mangé pour moins de 150 $ CAN, pour deux personnes. C’est loin d’être excessif.

Lorsque nous lui avons reparlé cette semaine, Sutherland se réjouissait de l’arrivée des premières mangues et des premiers pomelos de la saison. Un de ses fournisseurs de fruits est d’ailleurs un autre ex-Montréalais, ancien conducteur de train, le dénommé « Casper ». « On a aussi trouvé quelqu’un qui peut nous apporter des langoustes toutes les semaines », jubile le chef que l’on peut d’ailleurs voir dans un des épisodes de la série Expat Chefs, cette saison, sur Zeste.

PHOTO FOURNIE PAR LACOU

Le Lacou est situé dans la maison historique Melrose, au centre de la capitale Roseau.

L’équipe du Lacou vient de vivre la semaine la plus occupée de la courte histoire du restaurant. « On ne fait aucune publicité, mais il y a le bouche-à-oreille. On est reconnus comme étant la seule table un peu plus gastronomique de l’île. Les hôtels sont contents d’avoir un restaurant où envoyer leurs clients. »

Avis aux intéressés en quête de dépaysement, il y a aussi un grand appartement à louer au-dessus du restaurant et bientôt un bar au sous-sol. Longue vie au Lacou !

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