Quand l’heure de l’apéro vient, les accords fromages et vins, c’est divin. Mais pour changer, pourquoi ne pas harmoniser nos produits laitiers préférés avec du thé ? C’est d’ailleurs l’une des cordes à l’arc gastronomique d’Émilie Poissant, qui anime de longue date des ateliers de dégustation. Elle nous propose trois duos pour des apéritifs originaux.

Alfred le fermier + wulong noir torréfié

L’Alfred, bien campé dans les commerces du Québec, se veut goûteux, mais sans excès, dans le sillage des comtés. De nombreux accords sont envisageables avec ce fromage d’Estrie à pâte ferme et au lait de vache cru, aussi bien avec des wulongs que des thés verts.

PHOTO FOURNIE PAR ÉMILIE POISSANT

Le dégustatrice Émilie Poissant anime des ateliers de découverte, dont certains allient thés et fromages.

Émilie Poissant invite à expérimenter une dégustation en compagnie d’un wulong noir torréfié. « Cela donne un accord assez explosif. Le thé vient chercher les petits cristaux de sel contenus dans l’Alfred, qui fait ressortir le fruité, mais aussi le côté noisette du fromage. Il y a un côté beurré-salé, presque umami, avec plusieurs saveurs qui se succèdent en bouche. C’est quelque chose d’éclatant », prévient la propriétaire des Flaveurs nomades, qui organise des ateliers mobiles et sur mesure de vins, fromages, thés, chocolats et autres.

Il reste possible de remplacer l’Alfred par un comté ou un cheddar vieilli cinq ans.

Des thés de choix : Qi Lan Wuyi ou Shui Xian Lao Cong (Fujian, Chine)

Kénogami + darjeeling

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Le Kénogami, un fromage produit au Saguenay–Lac-Saint-Jean

Pour les amateurs de pâtes molles, voyons à quel époux nous pourrions marier le Kénogami, un fromage produit au Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Il n’est pas très relevé, mais reste plus goûteux qu’un brie. On va y aller soit avec un thé noir fruité, classique, avec un côté malté, de type indien comme un darjeeling deuxième récolte, soit avec un darjeeling première récolte pour chercher un côté plus végétal », préconise Mme Poissant, qui a travaillé dans la fromagerie, la chocolaterie, puis huit ans pour la maison de thé Camellia Sinensis.

Pour que les textures s’harmonisent entre elles le mieux possible, elle recommande de laisser le thé refroidir cinq minutes après sa préparation : « La texture crémeuse du fromage pourra venir enrober le thé. On sera dans des notes fruitées. » Les accents floraux trouveront quant à eux un écho dans ceux du fromage. « À la base, le fromage provient du lait, issu du broutage d’herbe. Un petit échange floral se fait entre les deux produits. J’appelle ce type d’accord le “main dans la main” : c’est doux, facile, accessible, sans être aussi explosif que l’accord précédent », explique la dégustatrice.

Des thés de choix : Darjeeling 2e récolte Jungpana, thé noir d’Assam

Chèvre + thé vert japonais

PHOTO SYLVAIN SARRAZIN, ARCHIVES LA PRESSE

Le thé japonais de type sencha viendra apporter sa couleur et ses goûts verdoyants.

« C’est un accord un peu plus osé, mais que j’aime beaucoup. On est ailleurs », annonce Mme Poissant, qui énumère les nombreux choix de chèvres possibles, de préférence crémeux : le Joséphine, le Set Carré (Montérégie), Jac le chevrier (Chaudière-Appalaches), etc.

Dans la tasse, c’est un thé japonais de type sencha qui viendra apporter sa couleur et ses goûts verdoyants. Le réputé sencha Ashikubo, de Shizuoka (centre-sud du Japon), constituera notamment un excellent candidat : ayant été longuement séché au four, il présente des notes un peu plus grillées que ses congénères, ce qui permettra de prendre le chèvre par les cornes. « Là encore, il y a un côté végétal et herbacé à aller chercher autant dans le fromage que dans le thé. Aussi, un côté salin parle entre les deux produits, cela donne toujours un accord un peu plus spécial », conclut la spécialiste.

Des thés de choix : sencha Ashikubo, Kamairicha

Un petit pain avec ça ?

Si on ne pense pas spontanément à allier les fromages avec les thés, on songe en revanche tout de suite au pain avec lequel les déguster. Dans le cadre des accords ici présentés, devrait-on s’orienter vers des tranches particulières ? Réponse d’Émilie Poissant : pour ne pas davantage brouiller les pistes, mieux vaut miser sur quelque chose de très neutre, comme des biscottes sans noix ni graines, ou tout simplement une bonne baguette blanche. On n’en fera pas tout un fromage !