Aaaaah. Comme ça fait du bien.

Pour un débat à cinq partis, les échanges étaient remarquablement clairs. Les chefs ont pu se colleter tout en ayant l’espace requis pour exposer leurs idées. Et les questions de relance étaient concrètes et incisives sans être tendancieuses.

Si vous n’avez pas aimé cette formule, vous ne serez jamais content.

Les chefs aussi s’en sont mieux tirés.

Au débat de TVA, François Legault semblait avoir croqué dans un citron après une nuit blanche. Cette fois, il était réveillé et combatif. Au lieu de répondre par une moue irritée, il expliquait ses positions.

Même s’il a été nettement meilleur, le chef caquiste n’en sort pas gagnant. Le débat a révélé le risque derrière son slogan « Continuons ». L’inflation et le coût des logements font mal et les systèmes d’éducation et de santé craquent. Certes, ces problèmes avaient commencé bien avant son arrivée au pouvoir. Comme M. Legault l’a répété, « on ne peut pas faire de magie ». Par exemple, former des infirmières et des enseignants prend des années. Il promet donc de poursuivre et de bonifier les réformes déjà entamées. C’est moins vendeur que de proposer un nouveau projet.

Mais il faut beaucoup de foi pour vouloir « continuer » quand on attend pour voir un médecin de famille, quand on cherche une place en garderie ou quand son enfant risque de changer d’enseignant avant Noël.

M. Legault s’est ainsi trouvé sur la défensive. Surtout face à Paul St-Pierre Plamondon et Gabriel Nadeau-Dubois. Ce duo dynamique l’a malmené entre autres sur le coût des maisons des aînés, le sous-financement des soins à domicile et le troisième lien.

À l’exception de l’identité et de la fiscalité, les deux indépendantistes proposaient souvent des idées semblables, comme des rabais pour la culture québécoise et un plan climat vanté par les experts. Un peu plus, et on se disait : ça ferait une bonne coalition…

Mais on le sait, ce projet est mort et enterré depuis longtemps. Leurs militants ne s’aiment vraiment pas. Si les chefs solidaire et péquiste s’épargnaient, c’est parce qu’ils ne convoitent plus les mêmes électeurs.

L’absence de cacophonie a favorisé M. St-Pierre Plamondon et son style cartésien. M. Nadeau-Dubois s’est aussi fort bien débrouillé. Ses priorités sont claires : le climat, le logement et la justice sociale. Mais en posant en futur chef de l’opposition officielle, il a braqué des projecteurs gênants sur lui. Sans surprise, c’est lui que M. Legault interpellait le plus souvent.

Le solidaire n’a pas réussi à expliquer clairement comment sa taxe sur les véhicules polluants serait modulée selon les régions, comment il améliorerait les services en francisation tout en accueillant plus d’immigrants ou encore quel serait l’impact sur l’accès au logement. Ses appels à « changer le modèle » manquaient de précision.

Sur la forme, Dominique Anglade a été aussi nettement meilleure qu’à TVA. Elle parlait directement à la caméra en s’appuyant sur des exemples qui venaient à la fois de sa famille et de citoyens rencontrés durant la campagne.

Étonnamment, elle a toutefois peiné à expliquer pourquoi elle fait de la politique. Pour aider les gens à « vivre dignement » et à « aller au bout de leurs rêves », a-t-elle répondu. Tout le monde aurait pu dire la même chose… C’est quoi, être libéral au XXIsiècle, dans un Québec où l’indépendantisme décline ? On ne l’a pas su.

La cheffe libérale s’est démarquée plus tard en parlant de la pénurie de main-d’œuvre et du pouvoir d’achat des aînés, deux priorités de sa campagne. Elle a aussi réussi à faire sortir M. Legault de ses gonds. Et elle a reçu un cadeau inespéré quand le chef caquiste a refusé de dire s’il voterait « Oui » à un futur référendum.

M. Legault se battrait pour empêcher un référendum de se tenir, et de toute façon, tout indique qu’il n’y en aura pas à court ni à moyen terme. Mais certains fédéralistes croient malgré tout le contraire, et Mme Anglade serait heureuse de les ramener au bercail.

Éric Duhaime paraissait plutôt éteint. En matière d’environnement, il s’est ironiquement réclamé de la Norvège. Vrai, le pays scandinave s’est enrichi avec son pétrole. Mais il a entamé sa transition énergétique. Il veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030, il taxe sévèrement les véhicules à essence et il vend maintenant surtout des modèles électriques…

Contrairement aux autres chefs, M. Duhaime est resté en surface. Il a vanté le privé sans dire par exemple en quoi cela réglerait la pénurie d’enseignants. Pour le reste, sa stratégie était très locale. Il s’intéressait aux enjeux de la Capitale-Nationale, et il a dû marquer des points avec le troisième lien et le tramway.

M. Legault lui a finalement donné la réplique au sujet de la pandémie. Combien de morts M. Duhaime aurait-il tolérés pour que le Québec soit aussi « libre » que la Floride ? Au lieu de répondre, il a déformé les statistiques sur la surmortalité.

Reste qu’une fois de plus, M. Legault défendait une situation qui n’a rien d’un bon souvenir. Le chef caquiste soutient que personne n’aurait fait mieux. Mais ce n’est pas forcément cela qui donnera à tous le goût de continuer.

Du moins, cela fait des rêves très pragmatiques.