« Il y en a un qui a bougé. Un tout petit peu, oui. Juste là. Regardez, il avance ! »

Comme des entomologistes qui observent les fourmis à la loupe, les sondeurs ont enfin vu une créature s’agiter dans les derniers jours. Celle dont on avait pourtant annoncé la mort. Le spécimen péquiste.

Pour la première fois depuis très longtemps, le Parti québécois (PQ) savoure une bonne nouvelle. Depuis le début de la campagne, il est passé de 9 % à 13 % des intentions de vote. La seule variation statistiquement significative observée par le sondeur Léger.

Mais comme on dit à Westminster, restez calme. La tendance est modeste. Le PQ demeure dernier. Avec notre mode de scrutin, cela lui vaudrait une récolte famélique de sièges, comme le montre le site Qc125.

Reste qu’en campagne électorale, ce n’est pas la photo polaroid du sondage qui compte. C’est la tendance. Et pour le PQ, la pente va dans la bonne direction.

C’est loin d’être une vague. À peine un faux plat. Mais le chef Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) ne boudera pas son plaisir. Il a désespérément besoin d’un élan.

Ses foules sont fort modestes. Rien à voir avec les démonstrations de force des conservateurs et, dans une moindre mesure, des solidaires.

Le sondage contient deux autres données encourageantes pour PSPP.

La première porte sur le chef de l’opposition préféré. Gabriel Nadeau-Dubois demeure le favori des sondés (entre 28 % et 30 %), suivi par Éric Duhaime (entre 15 % et 16 %) et Dominique Anglade (14 %). À la fin d’août, PSPP était dernier, à 12 %. Il est désormais deuxième, à 21 %.

Quand on demande aux électeurs qui serait leur deuxième choix, PSPP est la réponse la plus fréquente. À la fin d’août, 18 % des sondés optaient pour le PQ. Ils sont maintenant 22 %. Devant Québec solidaire (16 %), la Coalition avenir Québec (15 %), le Parti libéral (10 %) et le Parti conservateur (6 %).

Bien sûr, il s’agit de prix de consolation. Nous n’avons pas un mode de scrutin préférentiel. Les électeurs n’indiquent pas leur deuxième choix ni leur chef de l’opposition favori. Mais PSPP peut s’accrocher à une autre ficelle d’espoir.

Au début de la campagne en 2018, les libéraux récoltaient environ 30 % des intentions de vote, quelque 6 points derrière les caquistes. Les autres partis ne franchissaient pas le seuil des 20 %. La course se faisait à deux. Ceux qui n’aimaient pas Philippe Couillard avaient une seule option réaliste pour le remplacer : François Legault.

Cette fois, c’est le contraire. M. Legault est largement en tête. Et ceux qui veulent le congédier ne se rallieront pas naturellement à une formation qui serait son « principal adversaire », car la lutte est trop serrée pour la deuxième place. Le vote stratégique variera donc selon les circonscriptions.

PSPP en profite pour faire un appel aux indépendantistes. Selon un sondage Mainstreet réalisé en juin, 42 % des sympathisants caquistes voteraient Oui à un référendum. Ce taux doit être interprété avec prudence – par exemple, on ignore si l’indépendance est une priorité pour eux. Mais à tout le moins, cela signifie qu’un nombre non négligeable de Québécois seraient réceptifs aux idées du PQ. Ils pourraient vouloir sauver le parti de René Lévesque. Surtout s’ils ont l’impression que la CAQ formera de toute façon le prochain gouvernement, nationaliste de surcroît.

Pour concrétiser ces gains, PSPP devra ramer fort. Car on peut interpréter différemment ces chiffres. Une autre tendance est encore plus lourde : des indépendantistes larguent le PQ pour se joindre à la CAQ et à QS.

Le Parti libéral demeure le parti de l’opposition le mieux placé. Si rien ne change, il finira deuxième pour le nombre de sièges.

La stratégie de Mme Anglade est le contraire de celle de PSPP. Elle soutient qu’un seul choix existerait pour barrer la voie à M. Legault. Elle reprend ainsi la stratégie de la CAQ en 2018 pour fédérer ceux qui souhaitent un nouveau gouvernement. Mais son avance dans les projections de sièges provient surtout de notre mode de scrutin. Car sa campagne est laborieuse et elle ne s’est pas démarquée non plus au débat des chefs.

Mme Anglade n’a pas tort, la majorité des sondés (environ 60 %) souhaiterait que M. Legault perde son emploi. Seule une minorité de la population l’appuie.

La raison : l’opposition est divisée. C’est à la fois un phénomène positif et négatif. Positif, car un choix sans précédent s’offre aux électeurs, avec cinq partis aux positions différentes. Mais négatif, car cet éparpillement rend la campagne désordonnée et augmente le nombre d’électeurs qui ne se sentiront pas représentés par le prochain gouvernement.

Voilà le nouveau contexte dans lequel les oppositions se battent. Dans le cas du PQ, le vent semble tourner. Mais il devra souffler plus fort pour que la barque avance. Car pour l’instant, la brise reste toute douce.