Et de un, et de deux

Il y a maintenant deux partis qui présentent un plan climat qui accélérerait sérieusement la transition énergétique.

Québec solidaire a déposé un tel plan dimanche, et le Parti québécois l’avait fait quelques jours plus tôt.

Leurs documents ont des défauts — j’y reviendrai plus tard. Mais avant d’examiner l’arbre à la loupe, contemplons la forêt quelques secondes.

Depuis 30 ans, le Québec peine à réduire ses gaz à effet de serre (GES). Ceux-ci ont diminué de 2,7 % depuis 1990. C’est à peine mieux que les États-Unis (hausse de 3 %). Et nettement moins que l’Union européenne (baisse de 28 %).

Le Québec a la chance d’être assis sur un potentiel hydro-électrique et de profiter encore aujourd’hui de la vision de René Lévesque et de Robert Bourassa. Mais pour le reste, contrairement à ce que prétend François Legault, le Québec n’est pas un modèle. Il est plutôt ordinaire. Sa fierté est de ne pas être aussi mauvais que le Canada (hausse de 23 % des GES depuis 1990).

C’est dans ce contexte qu’arrivent les solides plans du PQ et de QS.

Leurs cibles pour 2030 seront extrêmement difficiles à atteindre (45 % sous le niveau de 2010 pour le PQ et 55 % sous le niveau de 1990 pour QS). Leurs adversaires ont donc beau jeu d’en prédire l’échec. Et à force de se faire accuser de manquer d’ambition à cause de leurs cibles plus modestes, je les comprends un peu.

Mais avant de se perdre dans les détails, posons une question plus fondamentale : est-ce que les mesures péquistes et solidaires sont pertinentes ? Font-elles avancer le Québec dans la bonne direction ?

Dans l’ensemble, la réponse est « oui ».

« Les plans du PQ et de QS sont de loin les plus sophistiqués et les plus sérieux qu’on a vus au Québec. Ils ont encore malheureusement peur de dire certaines vérités. Mais ça reste un pas de géant », soutient Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

Le PQ et QS développeraient massivement les transports collectifs, rendraient les subventions aux entreprises conditionnelles à des normes environnementales, freineraient l’étalement urbain et s’imposeraient des cibles intermédiaires avec un mécanisme de suivi dont le premier ministre serait responsable.

Les autres partis devraient s’inspirer de ces bonnes idées au lieu de justifier leur inaction en commentant les détails mal ficelés.

Les conservateurs veulent en faire le moins possible. Les libéraux font un pari douteux en misant tout sur l’hydrogène vert, malgré les pertes énergétiques qui en découleraient. Quant aux caquistes, ils ont seulement identifié la moitié de l’effort permettant de réduire les GES de 37,5 % d’ici 2030. Ils se vantent d’être les seuls à proposer un plan qui chiffre le coût et la réduction de GES pour chaque mesure. Or, selon le bureau du vérificateur général, la « quasi-totalité » de leurs actions « n’ont pas d’indicateurs ni de cibles adéquates ».

Les caquistes plaident pour une approche plus graduelle en misant sur les innovations technologiques futures pour faire le gros du travail sans déranger la population. Mais pour l’instant, cette recette ne fait qu’engendrer des échecs.

Les péquistes et les solidaires proposent enfin de changer de vitesse.

Le pot maintenant ?

Le plan solidaire contient peu de chiffres. Il sème la confusion en proposant d’ajouter une surtaxe au mécanisme de la bourse du carbone. Ce serait difficilement applicable, avec des conséquences incertaines sur des industries lourdes. Si on délocalise la pollution vers des pays moins exigeants, ce n’est pas un gain. Le parti de gauche créerait des structures dont l’efficacité reste à démontrer, comme les conseils régionaux de transition, Québec Bus et Québec Rail.

Pour se démarquer de QS, le PQ offre des carottes sans bâtons ou presque. Il reporte de cinq ans l’imposition d’un bonus-malus qui aurait rendu moins avantageux l’achat d’un véhicule énergivore. Il n’ose pas réduire agressivement la demande énergétique et parle peu d’adaptation aux changements climatiques. Les engrais chimiques en agriculture sont aussi dans son angle mort.

QS a le mérite de dévoiler aux journalistes le détail de sa modélisation et d’identifier les experts consultés, ce qui n’est pas le cas du PQ.

Mais contrairement à QS, le PQ chiffre les réductions par secteur, comme les transports, les déchets et les industries. On ne connaît pas toutefois le coût de chaque mesure, ni l’impact sur les GES.

Les deux partis ont notamment en commun de ne pas parler de tarification des déchets pour les citoyens, et de banaliser le choc à venir pour les sociétés de transport, qui devront payer pour de nouveaux services tout en souffrant de la baisse des revenus de la taxe sur l’essence provoquée par l’électrification des transports.

À leur décharge, leurs ressources sont modestes. Ils ne peuvent miser sur l’appareil gouvernemental pour effectuer ce travail technique.

Le dossier me fait penser aux paradis fiscaux. Chaque fois qu’un gouvernement veut agir, il se trouve un expert pour douter que l’État engrangera autant de revenus que prévu. C’est vrai, mais la question devrait être : est-ce utile malgré tout ?

Et dans le cas des plans de QS et du PQ, à quelques exceptions près, la réponse est « oui ».

C’est mieux que les autres. De loin.