La semaine dernière a commencé par un débat sur la sécurité des ministres fédéraux, celle de Chrystia Freeland au premier chef. Dans les jours suivants, trois députés de l’Assemblée nationale étaient attaqués à leur tour, deux menacés, l’autre victime de vandales.

Il est assez étonnant d’entendre les autorités fédérales tergiverser sur la sécurité des ministres et sur celle des chefs de parti. Dans le monde d’aujourd’hui, il ne s’agit pas de savoir si la menace est réelle, mais bien d’être prêt à y faire face. L’attentat qui a visé Pauline Marois en 2012 devrait nous avoir démontré, assez dramatiquement, que notre époque est dangereuse.

Les agressions de la semaine dernière s’ajoutent à un portrait qui était déjà sombre. La tension dans le monde municipal est telle que, l’année dernière, l’Union des municipalités du Québec a lancé une campagne intitulée « La démocratie dans le respect, par respect pour la démocratie ». Cette campagne a été relayée partout au Québec. Plus de 400 municipalités et MRC l’ont formellement adoptée en conseil, ce qui représente plus du tiers de toutes nos villes et tous nos villages.

Dans les deux années précédentes, de mémoire, les maires et mairesses de Québec, Montréal, Gatineau et Longueuil avaient tous eu des menaces de mort. À Longueuil, dans l’affaire de l’abattage des chevreuils, à Québec, c’était au moins une menace sérieuse par année, à Gatineau, j’en avais eu trois en un an. Le peu de sécurité qui entoure les maires des grandes villes est d’ailleurs un bel exemple de notre négligence sur le plan sécuritaire.

Il y a sept ministères à Québec qui ont un budget plus petit que celui de la Ville de Longueuil, la plus petite des cinq villes les plus populeuses du Québec. Plus d’une dizaine de ministères ont moins d’employés qu’elle. Non seulement nos grandes villes sont plus grandes que bien des ministères, mais la visibilité de leurs maires dépasse aussi largement celle de bien des ministres, surtout les ministres fédéraux.

Pourtant, hormis à Montréal et à Québec, les maires de nos grandes villes n’ont pas toujours un chauffeur et jamais de gardes du corps (à Montréal et à Québec, le garde du corps existe, mais il n’a même pas le droit d’être armé !).

Un peu comme les ministres à Québec qui ont comme consigne de ne pas conduire, le gouvernement du Québec devrait imposer chauffeur et garde du corps à certaines villes. J’ai bien dit « imposer » parce que, politiquement, il est aussi difficile pour un maire de revendiquer l’obtention d’un chauffeur et d’un garde du corps qu’il est facile pour son successeur de s’en débarrasser ostensiblement pour se montrer économe et près des gens. Québec doit s’assurer qu’on ne badine pas avec la sécurité.

Il faut évidemment des mesures de protection de base pour nos élus, mais cela ne suffira pas. Nous devons aussi aller aux sources du problème. Il faut d’abord faire des campagnes pour sensibiliser les gens à l’importance de mesurer leurs paroles, notamment sur les médias sociaux. Bien des gens semblent encore penser que les propos qu’ils y tiennent sont sans conséquence. Il y a encore beaucoup de pédagogie à faire à cet égard.

Les politiciens eux-mêmes doivent systématiquement rapporter à la police les menaces qu’ils reçoivent, même bénignes. Il faut que ça se sache qu’on ne laissera rien passer.

Les citoyens qui sentent que d’autres citoyens dérapent doivent, eux aussi, tirer la sonnette d’alarme (c’est de cette façon que la police a pu intervenir dans un cas où j’étais visé).

Les ressources en santé mentale doivent être appropriées puisque, quand on fait des menaces de mort, c’est un signe qu’on ne va pas bien.

Finalement, la colère qui s’exprime dans les médias sociaux ne naît pas par génération spontanée, elle vient de quelque part, notamment de médias traditionnels qui auraient parfois intérêt à faire moins de spectacle politique et plus d’information politique.

C’est toute la société québécoise qui doit se mobiliser pour éviter que nous arrivions à une polarisation comme celle qui afflige nos voisins états-uniens ou canadiens.

Le Québec est l’une des démocraties qui pratiquent le parlementarisme depuis le plus longtemps dans le monde. Cette démocratie a beau être imparfaite, frustrante, bruyante… elle a puissamment contribué à faire de nous un des peuples les plus prospères au monde et un des lieux où les débats sont les plus sereins. Il faut la protéger.