(Winnipeg) Peu importe le parti, le message était le même, dimanche : « faites sortir le vote ». En ce dernier jour de campagne, Justin Trudeau a de nouveau refusé de demander à voix haute aux Canadiens de lui confier le mandat majoritaire qu’il espérait en déclenchant ce scrutin, mais la coprésidente de la campagne, Mélanie Joly, a signalé que les libéraux voulaient avoir « les deux mains sur le volant ».

La journée 36 de cette campagne qui en compte autant a été pour le moins chargée : elle s’est amorcée à Montréal à 8 h sur une terrasse aux abords du canal Lachine, et elle s’est terminée en Colombie-Britannique avec un rallye à 23 h (2 h du matin, heure de Montréal). Bref, l’avion libéral a remonté les fuseaux horaires pour étirer la journée au maximum et, entre les deux, a fait des arrêts en Ontario et au Manitoba.

« C’est tellement plaisant de commencer cette longue journée ici », a lancé Justin Trudeau dans le discours qu’il était venu livrer dans la métropole québécoise, histoire de galvaniser ses troupes à la veille du jour J. Une fois l’allocution terminée, il s’est présenté devant les journalistes pour répondre à quelques questions. Mais encore une fois, il s’est gardé de dire s’il appelait à l’élection d’un gouvernement libéral majoritaire.

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La dernière journée de campagne de Justin Trudeau s’est amorcée avec un rassemblement le long du canal de Lachine, à Montréal. 

Les sondages demeurent hyper serrés à un jour du vote. Les chances que les Canadiens se retrouvent avec un gouvernement majoritaire sont minces. Dans le camp libéral, on ne l’écarte cependant pas.

« On sent qu’il y a un momentum depuis quelques jours », a soufflé une source au sein de l’équipe de campagne, dimanche. Mais Justin Trudeau, lui, n’a pas voulu aller là.

« On est concentrés sur les Canadiens. On ne prend rien pour acquis. C’est un choix clair, mais on voit que les gens sont encore en train de décider, et moi, je leur présente l’équipe la plus forte avec le plan le plus fort. Je suis sûr que les Canadiens vont faire [ce choix] en grand nombre », s’est contenté d’offrir le premier ministre sortant.

À son tour au micro, la députée sortante Mélanie Joly a repris à son compte les propos de son patron en ce qui concerne la question de la majorité. Puis, elle a repris à son compte les propos d’un autre politicien – un certain Jean Charest – qui avait déclenché des élections hâtives au Québec en 2008, et qui avait remporté la majorité qu’il voulait.

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La députée sortante Mélanie Joly

« Je le dis encore : on veut les deux mains sur le volant », a déclaré la candidate dans Ahuntsic–Cartierville.

Celle qui codirige la campagne nationale avait dit cela une première fois en entrevue au Journal de Québec en août. Elle n’a pas précisé si elle entendait par là un mandat majoritaire après l’avoir répété dimanche.

Une majorité « très peu probable »

Si Justin Trudeau s’est gardé de laisser échapper le mot majoritaire de ses lèvres, c’est vraisemblablement parce que ce scénario est « très peu probable », selon ce qu’a indiqué à La Presse une source de la campagne libérale qui a requis l’anonymat afin de s’exprimer plus librement.

« Le scénario le plus probable, c’est une minorité qui serait renforcée [par rapport à celle de 2019]. La raison est simple : on a été plus stratégiques dans le déploiement des ressources, à la fois humaines et matérielles, pour identifier les électeurs », a expliqué cette même source, dimanche soir.

En 2019, les libéraux ont fait élire 157 députés. Le seuil requis pour atteindre une majorité à la Chambre des communes est de 170. Pour y parvenir, « il faudrait que les astres s’alignent de façon assez spectaculaire », a conclu l’employé libéral.

Et il ne faut pas oublier de prévoir l’imprévisible, car comme en 2019, près d’une cinquantaine de circonscriptions pourraient se décider par de minuscules marges.

Un jour, quatre provinces

Beaucoup de ces circonscriptions se trouvent dans la grande région de Toronto, qui aura continué d’attirer Justin Trudeau comme un aimant jusqu’à la toute fin. Moins de 24 heures après s’être éloigné de cette région clé, le chef libéral y était de retour, dimanche. Il est venu appuyer la députée sortante Deb Schulte, qui est au coude-à-coude avec son adversaire conservatrice dans la circonscription de King–Vaughan.

Au sud de là, du côté de Niagara Falls, il est allé prêter main-forte à sa porte-bannière Andrea Kaiser, qui espère mettre fin à un règne de 20 ans des conservateurs. Une militante libérale de la circonscription, Heidi Schneiderman, croit que le siège peut leur être ravi. « Il y a une énergie, les gens sont enthousiastes et mobilisés, et le taux de participation a été très élevé au vote par anticipation », expose-t-elle.

Deux autres rassemblements militants étaient ensuite au programme : un en soirée dans Winnipeg–Centre, circonscription détenue par la néo-démocrate Leah Gazan. En 2019, elle avait défait le député sortant libéral Robert-Falcon Ouellette. Selon le site d’agrégation de sondages 338Canada, ce ne sera pas facile pour le nouveau candidat libéral Paul Ong, qui accusait un retard d’une dizaine de points de pourcentage.

Le dernier évènement était à Burnaby–North Seymour, en banlieue de Vancouver, où le libéral Terry Beech avait survécu en 2019 en dépit de la colère entourant l’achat de l’oléoduc Trans Mountain. Il semble en difficulté cette année en raison d’une remontée du NPD.

L’avion libéral volera de nuit pour rentrer ce lundi matin à Montréal, où se tient la soirée électorale de Justin Trudeau. Le premier ministre sortant ira déposer son bulletin de vote pendant la journée – une autre qui promet d’être tout sauf reposante.