Bakhtawar Khan attendait avec impatience son tour pour prendre une photo avec le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Sing, son amie tenant deux téléphones portables et un appareil photo.

La jeune femme de 20 ans, comme la plupart des personnes se présentant à des rassemblements politiques à travers le pays, souhaitait partager l’image avec ses amis et ses abonnés sur les réseaux sociaux.

« J’ai l’impression que beaucoup de gens me disent de ne pas voter pour le NPD parce que ça diviserait le vote avec les libéraux, raconte Mme Khan. Mais de ce que je vois sur les médias sociaux, je ne pense pas que ce soit vrai cette année. »

À l’instar de nombreuses personnes à travers le pays, Mme Khan dit qu’elle obtient toutes ses informations politiques et électorales sur les réseaux sociaux.

Pendant la pandémie de COVID-19, les gens ont passé encore plus de temps sur leurs réseaux sociaux et tous les partis politiques espèrent en profiter pour revigorer leur base électorale. Mais le fait que quelqu’un aime ou partage un message politique ne se traduit pas nécessairement dans les urnes.

Des experts de partout au pays sont à l’affût pour voir quel parti aura adopté la meilleure stratégie sur les réseaux sociaux à l’occasion du scrutin de lundi.

La moitié des Canadiens, quel que soit leur âge, utilisent Facebook chaque semaine pour obtenir des informations sur l’actualité et la politique, a déclaré Oksana Kishchuk, consultante chez Abacus Data.

Les médias sociaux sont devenus un outil essentiel pour obtenir du soutien. Ce n’est pas juste une question de publier n’importe quoi, selon elle, car les partis doivent prendre en compte les bonnes photos, les clips accrocheurs et les tendances actuelles.

« Maîtriser ces techniques sera important », souligne Mme Kishchuk.

Selon elle, à mesure que le jour des élections approche, les trois principaux partis adoptent la stratégie de « cibler et dépenser ». Au cours de la dernière semaine, chacun a dépensé de 400 000 $ à 600 000 $ en publicités sur Facebook et Instagram. Les libéraux et le NPD utilisent cet argent pour partager des messages axés principalement sur leurs propres forces, tandis que les conservateurs ont préféré attaquer Justin Trudeau, constate-t-elle.

Mme Kishchuk s’intéresse notamment à la décision des néo-démocrates de se concentrer sur TikTok pour rejoindre les jeunes électeurs.

« Très peu [d’utilisateurs] utilisent TikTok comme principale source d’informations », ajoute-t-elle.

Tori Rivard dit s’être abonnée à TikTok à cause de M. Singh, après avoir vu beaucoup d’enthousiasme sur les comptes de ses amis. Maintenant, elle est intéressée par le parti et a même assisté à un rassemblement de campagne en Ontario.

« C’est très important, surtout avec les millénariaux et la génération Z […] parce que les médias sociaux sont la façon dont nous obtenons à peu près toutes nos informations, dit Mme Rivard. Donc, [quand M. Singh] est impliqué là-dessus, ça nous rend plus susceptibles de chercher plus d’informations ailleurs. »

Tamara Small, une professeure de sciences politiques à l’Université de Guelph, pense que TikTok, en tant que stratégie de campagne, est davantage un « coup de publicité » et aura peu d’influence dans l’isoloir.

« En tant qu’outil de persuasion, ça vise un groupe de personnes qui ne peuvent pas voter ou ne voteront probablement pas, dit-elle. Donc, Dieu merci, c’est gratuit parce qu’on ne voudrait pas dépenser de l’argent là-bas. »

« Si vous allez sur les réseaux sociaux, il est peu probable que vous suiviez le chef du parti qui est “ le pire ”, car pourquoi le feriez-vous ? », ajoute Mme Rivard

Les médias sociaux sont une arme à double tranchant pour les partis politiques, soutient Kim Speers, professeure à l’Université de Victoria. Ils permettent d’obtenir des appuis en partageant ce que la formation représente. « Mais cela a également le potentiel de diminuer ce soutien si [des informations] négatives sont découvertes sur le compte de réseau social d’un candidat […] ou si le message est ou peut être mal interprété », a-t-elle déclaré.

Tant les conservateurs que les néo-démocrates ont retiré leur appui à des candidats ou les ont vus démissionner en raison de leur historique sur les réseaux sociaux.

Toutes les parties adoptent une approche hybride, dit Mme Speers, qui comprend des publicités sur les réseaux sociaux, des vidéoconférences et des campagnes en personne. Elle précise que le NPD se concentre sur les nouvelles plateformes de médias sociaux, que les libéraux ont une approche plus traditionnelle avec des choses comme les publicités sur Facebook et que les conservateurs utilisent une approche virtuelle, avec des séances de questions-réponses et des rassemblements en ligne.

Cette stratégie est importante, conclut la professeure Speers, car en ce qui concerne les médias sociaux, les partis « peuvent bien avoir des abonnés, mais ils ont davantage besoin d’électeurs ».