(Ottawa) Les chefs libéral, conservateur et néo-démocrate se sont ralliés mercredi à la volonté unanime de l’Assemblée nationale en exigeant à leur tour des excuses du Groupe de diffusion du débat des chefs fédéraux en anglais pour la question posée à Yves-François Blanchet jeudi dernier. Une requête à laquelle l’organisation en question ne semble pas vouloir se plier.

C’est Justin Trudeau qui a été le premier à réagir à l’adoption de la motion, mercredi matin. En conférence de presse à Halifax, il a soutenu que l’organisation devrait fournir des explications, ainsi que des excuses, pour cette question qui établissait un lien entre le racisme et la Loi sur la laïcité de l’État et le projet de loi 96 sur la protection de la langue française.

« Je trouve que la prémisse de la question était inacceptable, et je pense que ce serait important que le [Groupe] s’explique et s’excuse », a soutenu le premier ministre, ajoutant que faire « des déclarations » comme celle contenue dans cette question, « ce n’est pas utile pour le pays, et c’est insultant pour les Québécois ». Il a réitéré que « les Québécois ne sont pas racistes ».

O’Toole « tanné du Québec bashing »

En point de presse à Jonquière, mercredi matin, le chef conservateur, Erin O’Toole, a aussi réclamé des excuses formelles du consortium. « Je suis tanné du Québec bashing, et oui, le consortium doit s’excuser », a-t-il affirmé, en réitérant que la question posée au chef bloquiste Yves-François Blanchet lors du débat était tout simplement « injuste ».

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole

« Absolument », a encore insisté M. O’Toole, alors qu’il était questionné pour savoir si des excuses aux Québécois étaient nécessaires, selon lui. Puis, alors qu’on lui demandait s’il y a du racisme systémique au Québec et au Canada, le chef conservateur a soutenu « qu’il faut avoir une politique de tolérance zéro sur le racisme », se disant préoccupé par « la hausse alarmante » des crimes haineux contre certaines communautés minoritaires à l’échelle du pays pendant la pandémie.

« Un problème partout au Canada », dit Singh

Le dirigeant néo-démocrate Jagmeet Singh a abondé dans le même sens que ses deux adversaires. « Oui, une excuse est de mise », a-t-il affirmé dans une déclaration transmise par son parti, mercredi. « C’était une erreur de sous-entendre que seulement une province avait un problème de racisme alors que c’est un problème partout au Canada », et « insinuer qu’il n’existe que dans une seule province nuit au travail effectué pour combattre le racisme systémique », a-t-il soutenu.

Des excuses ne suffiraient toutefois probablement pas à celui qui a été le premier à les réclamer, jeudi soir passé, et qui, depuis, profite de la controverse.

Ce n’est pas un cadeau, c’est une révélation. C’est une porte qui s’ouvre sur la réalité de comment le Canada perçoit le Québec.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Toutefois, M. Blanchet espère déjà que le ton se calme après le 20 septembre. « Je pense qu’une première chose qu’une députation du Bloc québécois […] ferait serait de solliciter une rencontre avec les autres chefs de parti […] pour être capable de commencer une législature sur des bases fraîches, sereines, parce qu’on aura des responsabilités », a-t-il fait savoir.

Des députés québécois unanimes

Mardi, l’Assemblée nationale a réclamé à l’unanimité du Groupe de diffusion du débat des chefs fédéraux en anglais qu’il présente des excuses « pour le procès hostile intenté contre la nation québécoise » jeudi soir dernier. La motion, d’abord proposée par le Parti québécois (PQ), sera envoyée aux médias anglophones membres du regroupement, à la modératrice Shachi Kurl et à la firme Angus Reid, dont elle est la présidente. Une autre motion, présentée par la libérale Dominique Anglade, a également été adoptée unanimement pour condamner le « Québec bashing ».

Le Groupe de diffusion, un partenariat regroupant divers médias, dont APTN News, CBC News, CTV News et Global News, n’a pas signalé d’intention de faire acte de contrition. « Je vous réfère de nouveau à notre déclaration du 10 septembre dernier », a écrit dans un courriel à La Presse son porte-parole, Leon Mar, mercredi.

Dans ce communiqué, le Groupe de diffusion plaidait que « la question portait explicitement sur ces lois », qu’elle « n’affirmait pas que les Québécois sont racistes », et que « la question de Mme Kurl concernant la loi 21 et le projet de loi 96 du Québec a été posée à M. Blanchet pour lui donner l’occasion d’expliquer le point de vue de son parti sur ces lois, qui ont fait l’objet d’une large couverture et d’importantes conversations depuis qu’elles ont été déposées à l’Assemblée nationale du Québec ».

Plainte de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a par ailleurs déposé une plainte auprès du Conseil de presse du Québec, remettant en cause tant la question posée au chef du Bloc québécois que le choix de la modératrice. Avoir confié l’exercice à la présidente d’une firme d’enquête d’opinion publique pourrait donner l’impression que la modératrice « était journaliste et ainsi mener à une confusion auprès du public », a argué dans la plainte Michaël Nguyen, président de la FPJQ.

Avec Tommy Chouinard à Québec et La Presse Canadienne