Le chef conservateur Erin O’Toole a été forcé lundi de « clarifier » certains propos qu’il a tenus sur la fusillade au collège Dawson, survenue il y a 15 ans jour pour jour à Montréal, au moment où des proches de victimes ont imploré les électeurs de ne pas voter pour lui.

« Je veux prendre cette occasion pour clarifier mes commentaires : l’arme à feu était transportée et entreposée d’une manière illégale », a expliqué M. O’Toole lors d’une conférence de presse tenue à Ottawa en début de journée.

Il réagissait ainsi à une entrevue qu’il venait d’accorder au réseau anglophone CBC, que plusieurs ont dénoncée sur les réseaux sociaux lundi. « Même dans la situation de Dawson, je crois, c’était une arme obtenue illégalement », a alors faussement affirmé M. O’Toole à la journaliste qui lui demandait de quelle façon l’interdiction du Beretta CX4 est politique.

Offrant ses « pensées » aux familles des victimes, M. O’Toole a ensuite réitéré son intention de « maintenir toutes les restrictions » sur les armes à feu en place, en « enlevant la politique » de cet enjeu, et en donnant plus d’outils aux services policiers pour « combattre le crime organisé ». « Je vais garder les Canadiens en sécurité », a insisté le chef conservateur, qui estime en outre qu’il faut revoir la classification des armes pour qu’elle ne soit plus « politique ».

Chez les libéraux, l’attaque n’a pas tardé. « C’est le mensonge constamment perpétué par les membres du lobby des armes à feu. Le Beretta CX4 Storm utilisé lors de la fusillade de masse du Collège Dawson a en fait été obtenu légalement. Nous l’avons interdit. Erin O’Toole veut le légaliser », a soutenu le ministre Marc Miller sur son compte Twitter.

« Il est en train d’essayer de mettre du flou dans la tête des Canadiens. […] La réalité, c’est que le deal qu’il a signé avec le lobby des armes à feu pour gagner le leadership du Parti conservateur, ce n’est pas quelque chose qui est aligné avec les valeurs des Québécois ou des Canadiens. Il dit un peu n’importe quoi pour s’en sortir », a ajouté le chef libéral, Justin Trudeau, en conférence de presse.

Erin O’Toole, lui, a réservé plusieurs attaques ciblées et dures à l’endroit de Justin Trudeau lundi, l’accusant notamment de s’accrocher au pouvoir pour ses propres intérêts. « Cet homme n’est pas féministe, ni environnementaliste, ni au service des Canadiens. Cet homme ne pense qu’à lui et à lui seul ». Plus tard, il a ajouté : « Le Justin Trudeau de 2015 n’est pas le Justin Trudeau de 2021. En 2015, je n’étais pas d’accord avec lui, mais je pouvais le respecter. » M. Trudeau lui a rétorqué que de « se replier sur les attaques personnelles, sur mon caractère, sur ma personne, ce n’est pas ça que les Canadiens veulent voir ».

Des familles inquiètes

En ce jour de 15e anniversaire de la fusillade qui a fait un mort au Collège Dawson, à Montréal, des familles des victimes ont imploré les électeurs de ne pas voter pour Erin O’Toole et son parti. Cette élection, écrivent-elles, « sera décisive » en matière de contrôle des armes à feu au Canada. « Nous avons besoin que vous ne votiez pas conservateur. Nous avons besoin que vous votiez libéral, ou si vous habitez au Québec, que vous votiez pour les libéraux ou le Bloc québécois », avance à ce sujet Kathlene Dixon, qui a été témoin de la fusillade et dont la fille Meaghan, atteinte par deux balles, a survécu à l’attaque.

« Un vote pour le Parti conservateur est un vote pour le lobby des armes à feu, a aussi lancé Hayder Kadhim, qui a survécu à une grave blessure à la tête. Tout ce que ce parti a fait depuis la fusillade dans mon école a été à la demande du lobby des armes à feu. En fait, Erin O’Toole leur doit son ascension à la direction du parti. Si les conservateurs sont élus, ce sera le moment de retourner l’ascenseur. »

Ces familles soulignent que le tueur possédait légalement un Beretta CX4 Storm qui était muni d’un chargeur de dix balles. Il avait aussi en sa possession une arme de poing, également légale. Il a tiré sur 20 personnes, tuant Anastasia De Sousa, qui était âgée de 18 ans.

Dans leur plateforme, les conservateurs promettent toujours de bannir le décret de 2020 du gouvernement libéral, même s’ils ont ajouté, dans une note de bas de page, que « toutes les armes à feu actuellement interdites le resteront ». M. O’Toole n’a pas voulu préciser lundi, à nouveau, jusqu’à quand cette interdiction demeurerait en place ni expliqué l’apparente contradiction dans sa plateforme.

Le Beretta CX4, tout comme l’arme utilisée dans la tuerie de Polytechnique en 1989, ainsi que près de 1500 autres armes à feu, a été banni par le gouvernement libéral en 2020. Son achat, sa vente et son utilisation sont illégaux. Les libéraux promettent, s’ils sont réélus, d’obliger leurs propriétaires à les revendre au gouvernement ou à les rendre inopérants.

Avec La Presse Canadienne