Une lutte se dessine de nouveau dans Berthier–Maskinongé entre Ruth Ellen Brosseau et Yves Perron, qui s’affronteront déjà pour la troisième fois depuis 2015. La première a été élue pendant la vague orange de 2011, avant d’être battue par le second il y a deux ans.

« Il me semble que les politiciens nous disaient plus ce qu’ils avaient le goût de faire, mais cette année, c’est autre chose. C’est un peu plus de l’attaque facile », lâche Laurence Lefebvre, résidante de Yamachiche depuis près de 20 ans, lorsque La Presse la croise. Elle appelle les candidats à faire des « propositions concrètes », sans chercher à « se rabaisser » mutuellement. « J’hésite toujours », insiste-t-elle à propos du jour du vote, le 20 septembre.

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Laurence Lefebvre, résidante de Yamachiche

Le député sortant du Bloc québécois, Yves Perron, dit faire une campagne « de propositions ». « Ça va être notre troisième campagne ensemble. C’est comme un 2 de 3 », lâche en riant M. Perron, en parlant de sa rivale néo-démocrate, qui a confirmé fin août qu’elle tenterait de ravoir son siège au Parlement. Selon les plus récentes projections, les bloquistes recueillent 35 % des intentions de vote dans la circonscription, contre 31 % pour le Nouveau Parti démocratique (NPD).

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Yves Perron, député sortant du Bloc québécois dans Berthier–Maskinongé

Sur plusieurs enjeux, les deux adversaires s’entendent d’ailleurs : par exemple, investir dans une meilleure couverture cellulaire dans la région, s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre et soutenir davantage le milieu agricole. « Il y a des secteurs qui ne sont encore pas couverts du tout, dont le lac Souris, Saint-Élie-de-Caxton ou Saint-Mathieu-du-Parc. Ça n’a pas de bon sens qu’en 2021, on n’ait pas de couverture minimale. C’est aussi une question de sécurité », explique M. Perron à ce sujet.

La rareté de la main-d’œuvre s’est aggravée pendant la pandémie. Je l’ai vécue de l’intérieur et je peux vous dire que pour les producteurs, c’est très difficile.

Ruth Ellen Brosseau, candidate du NPD dans Berthier—Maskinongé, qui possède une ferme avec son conjoint

Les deux partis ne s’accordent pas toutefois sur la façon de régler cette pénurie de main-d’œuvre. Yves Perron et le Bloc, d’abord, réclament la fin rapide de la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) pour plutôt « donner des crédits d’impôt aux personnes nouvelles retraitées » et des conditions de travail « plus intéressantes » pour les salariés actifs.

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Ruth Ellen Brosseau, candidate du Nouveau Parti démocratique dans Berthier–Maskinongé

Au NPD, Ruth Ellen Brosseau propose plutôt un « soutien direct » aux entreprises en sous-emploi. « On a une population vieillissante dans Berthier–Maskinongé, donc on ne peut pas juste mettre ça sur le dos des gens partis à la retraite. Il faut aussi favoriser le développement d’une culture de formation et augmenter le niveau de polyvalence des travailleurs », affirme-t-elle.

« Si on a un CV, on est chanceux »

Au Garage M. St-Yves, la copropriétaire Isabelle Houle déplore que « le gouvernement donne plein d’argent au monde pendant qu’on manque d’employés ». « Quand on passe une annonce, si on a un seul CV, on est chanceux, surtout dans la mécanique », illustre-t-elle.

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Le garagiste Marc St-Yves

« Pourquoi les jeunes qui ont encore accès à la PCU ou la PCRE se forceraient le derrière, s’ils sont déjà payés ? Quelque part, je les comprends. Mais si on voit un peu plus loin, on est clairement en train d’endetter le Canada. M. Trudeau fait des cadeaux avec de l’argent qu’on n’a même pas », dénonce aussi la femme d’affaires à ce sujet.

Non loin de là, l’agricultrice Karine Lamy affirme aussi que « les mesures d’urgence, il faut que ça arrête ». « Ça nous a affectés beaucoup l’an passé, et encore cette année, alors qu’on pouvait engager un peu plus. Il n’y a plus de jeunes qui veulent venir travailler. L’été dernier, heureusement, on a accueilli un stagiaire français formé, qui venait d’une école d’agriculture », relate-t-elle.

La situation est d’autant plus difficile selon elle que la formation est plus technique qu’avant. « La machinerie, ce n’est plus ce que c’était. Quand un jeune part avec ça, il part minimalement avec 250 000 $ dans les mains. Ça prend quand même quelqu’un d’assez aguerri. On ne peut pas laisser ça à n’importe qui non plus », affirme Mme Lamy.

On est capables d’en prendre, mais je pense qu’il n’y a pas juste la COVID-19. Ils ont débloqué de l’argent partout sur à peu près tout et n’importe quoi.

Karine Lamy, propriétaire de la ferme Karine et François inc.

D’autres candidats qui ne s’avouent pas vaincus

Chez les conservateurs, qui recueillent environ 15 % des intentions de vote, c’est le conseiller municipal dans la municipalité de Sainte-Geneviève-de-Berthier, Léo Soulières, qui tente sa chance.

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Léo Soulières, candidat du Parti conservateur du Canada dans Berthier—Maskinongé

« Le manque de personnel, c’est une crise importante. Tellement de restaurants sont fermés. Je n’ai jamais vu ça en 61 ans. On a même de la misère à trouver des employés à la Ville », dit l’homme en entrevue, en rappelant que son parti propose la moitié du salaire des employés nouvellement embauchés pendant six mois après la fin de la Subvention salariale d’urgence du Canada.

M. Soulières se dit aussi « très inquiet » par le transfert des terres aux familles. « Ça va être important de protéger nos terres pour que ce ne soit pas des consortiums ou des pays étrangers qui achètent nos terres et exportent nos cultures dans leurs pays », dit-il.

Dans les rangs libéraux, c’est l’avocat et le président de l’Ordre des administrateurs agréés, Alexandre Bellemare, qui se présente. « J’ai fait le pari de faire une campagne sans médias sociaux, et je ne m’explique pas le décalage que l’on peut vivre tellement les gens sont accueillants sur le terrain, versus par exemple les manifestations de haine qu’on voit aux nouvelles », dit l’homme de 37 ans. Il compte faire une « campagne de terrain », axée sur le porte-à-porte et la rencontre des citoyens, pour « causer la surprise ».

La candidate du Parti populaire du Canada (PPC) dans Berthier–Maskinongé est Geneviève Sénécal. Laurence Requilé représente de son côté les verts fédéraux.