Les chefs ont de nouveau croisé le fer mercredi soir afin de convaincre les électeurs de leur accorder leur confiance, le 20 septembre. La Presse a scruté certaines de leurs affirmations, parfois imprécises.

Justin Trudeau

Affirmation : « Ce n’est pas la pandémie qui a créé la pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas la PCU ni la PCRE. »

Vérification : Imprécis

En raison du vieillissement de la population, la tranche de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans) a décliné entre 2013 et 2017 au Québec, selon un portrait brossé par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Après une brève remontée, la tendance est repartie à la baisse après 2020 et cela devrait se prolonger. On observe toutefois une hausse marquée du nombre de postes vacants au Québec depuis le début de la pandémie. Au premier trimestre de l’année, il y avait presque 147 000 postes vacants dans la province, ce qui représente une hausse de 14 % comparativement à la même période en 2020.

Affirmation : « M. O’Toole ne comprend pas que c’est le rôle du fédéral de défendre la Loi canadienne sur la santé qui empêche justement le privé de s’immiscer dans le système de santé, même dans les provinces. »

Vérification : Vrai

La Loi canadienne sur la santé contient cinq principes nationaux qui fixent de nombreuses balises. En vertu de cette loi, tous les Canadiens ont droit à un régime public d’assurance maladie. La condition de gestion publique signifie que les régimes provinciaux et territoriaux doivent être gérés par un organisme sans but lucratif. Il serait ainsi difficile pour le secteur privé d’effectuer une percée d’envergure.

Affirmation : « [M. O’Toole] dit qu’il va envoyer un crédit d’impôt aux familles les plus vulnérables. Au Québec, les familles les plus vulnérables ne paient pas pour la garderie, c’est couvert par l’État. »

Vérification : Vrai

Les enfants des familles bénéficiaires de l’« aide de dernier recours », comme le Programme d’aide sociale, peuvent fréquenter gratuitement un service de garde subventionné jusqu’à cinq jours par semaine. En 2018, avant l’élargissement de l’accès aux services de garde gratuits, environ 11 000 enfants de prestataires d’aide sociale fréquentaient le réseau subventionné.

Erin O’Toole

Affirmation : « On va créer un million d’emplois en un an. »

Vérification : Imprécis

La tâche s’annonce très difficile dans un contexte où il manque de candidats pour occuper ces postes. Environ trois millions d’emplois ont été perdus de mars à avril 2020 à cause de la crise sanitaire. Mais en juillet dernier, il ne restait qu’environ 246 700 postes à récupérer pour renouer avec le niveau observé avant la pandémie. Parallèlement, après le premier trimestre, Statistique Canada recensait 553 480 postes vacants au pays. Le portrait varie toutefois d’une industrie à l’autre. Par exemple, si l’on manque de travailleurs dans le domaine de la santé, des secteurs comme le transport aérien et le tourisme peinent encore à se relever de la crise.

Affirmation : « Comme ancien ministre de l’Environnement au Québec, [Yves-François Blanchet] a approuvé les plus grands émetteurs [de gaz à effet de serre] au Québec sans BAPE. »

Vérification : Imprécis

Lorsqu’il était ministre de l’Environnement du Québec, de 2012 à 2014, Yves-François Blanchet a autorisé l’inversion de la canalisation 9B d’Enbridge, la cimenterie McInnis et l’exploration pétrolière sur l’île d’Anticosti.

La cimenterie McInnis a franchi le cap du million de tonnes d’émissions de gaz à effet (GES) de serre par année et est en voie de devenir l’industrie la plus polluante du Québec. L’oléoduc 9B d’Enbridge permet d’acheminer 300 000 barils de pétrole quotidiennement de l’Alberta jusqu’à Montréal. Par contre, les travaux d’exploration à Anticosti ne peuvent être considérés comme une source d’émission de GES puisque le gouvernement du Québec y a officiellement mis fin en 2019, fermant la porte à l’exploitation d’hydrocarbures sur l’île d’Anticosti.

Yves-François Blanchet

Affirmation : « Je n’ai pas dit que la séquestration est une solution, j’ai dit que ça n’existe pas, sauf dans les arbres. »

Vérification : Imprécis

Il existe des techniques qui permettent de récupérer du dioxyde de carbone et de le stocker à long terme afin d’éviter un rejet dans l’atmosphère. Cependant, en date de 2018, seuls cinq projets pilotes étaient en cours dans le monde. Les forêts, les tourbières et les océans sont aussi des écosystèmes permettant de stocker le dioxyde de carbone en grande quantité.

Affirmation : « Je veux que le Canada cesse de pénaliser, par exemple, les étudiants francophones étrangers qui veulent venir ici. Ceux qui viennent d’Afrique se font refuser à 80 %. »

Vérification : Vrai

Les données d’Immigration Canada montrent que les taux de refus sont particulièrement élevés pour les demandeurs des pays africains, principal réservoir de locuteurs francophones après la France. La proportion de refus atteint 90 % pour les Guinéens, 82 % pour les Camerounais, 77 % pour les Algériens et 75 % pour les Sénégalais. Les raisons les plus souvent invoquées pour refuser une demande sont que « le demandeur n’a pas prouvé qu’il a assez d’argent pour subvenir à ses besoins pendant ses études » ou qu’« il n’a pas convaincu l’agent des visas qu’il quittera[it] le Canada à la fin de sa période d’études ».

Jagmeet Singh

Affirmation : « La réalité [M. Trudeau], c’est que vous avez promis d’éliminer les subventions aux pétrolières, mais au lieu de le faire, vous avez augmenté les subventions aux pétrolières. Comment les gens peuvent vous croire ? »

Vérification : Imprécis

L’explication varie selon la manière dont on envisage les faits. L’agence fédérale Exportation et développement Canada (EDC) chiffrait, pour 2020, à 8,1 milliards ses appuis en prêts, garanties de prêts et « solutions de financement » au secteur pétrolier et gazier. Cela représente une baisse de 23,6 % par rapport à 2019. Pour sa part, l’Institut international du développement durable (IISD) calculait que les subventions directes au secteur des énergies fossiles atteignaient 600 millions en 2019, en hausse par rapport à l’année précédente. L’estimation aurait été beaucoup plus élevée en tenant compte des appuis au projet d’oléoduc Trans Mountain (acheté par Ottawa pour 4,5 milliards) et du soutien offert par EDC.

Julien Arsenault, Lila Dussault, Judith Lachapelle et Florence Morin-Martel, La Presse