(Ottawa) La Cour fédérale se prononcera mercredi sur la demande d’injonction du média de droite Rebel, qui s’est vu refuser les accréditations de presse pour couvrir les deux débats des chefs, mercredi et jeudi, parce qu’il serait en conflit d’intérêts dans la campagne.

Rebel News Network a obtenu une audience d’urgence en Cour fédérale mardi, après que la Commission des débats des chefs a refusé à plusieurs de ses journalistes les accréditations nécessaires pour couvrir pleinement les deux débats officiels des chefs des principaux partis fédéraux. La décision est tombée à la fin de la semaine dernière, juste avant le long congé de la fête du Travail.

Après avoir entendu deux heures et demie de plaidoiries par visioconférence, mardi, depuis St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, la juge Elizabeth Heneghan a déclaré qu’elle rendrait sa décision d’ici mercredi midi — soit quelques heures avant le premier débat.

Ce premier débat aura lieu mercredi soir, en français, et le deuxième en anglais le lendemain. Les débats, largement diffusés, peuvent évidemment être regardés par tout le monde, mais les journalistes doivent être accrédités pour pouvoir participer aux points de presse qui suivent les échanges entre les chefs, sur place, au Musée canadien de l’histoire, à Gatineau.

Lors des débats des chefs en 2019, Rebel et un autre média s’étaient d’abord vu refuser ces accréditations, mais ils avaient obtenu gain de cause devant le tribunal.

Une décision « arbitraire et injuste »

Rebel, la Commission et le Procureur général ont déposé des milliers de pages de documents judiciaires auprès de la Cour fédérale. Rebel allègue dans ces documents que la décision de la Commission, prise à la fin de la semaine dernière, est arbitraire et injuste. Le média estime qu’il est illégal de refuser à ses journalistes le droit de couvrir entièrement les débats des chefs.

La Commission a répondu dans des documents judiciaires que Rebel avait violé les règles de la commission en matière de conflits d’intérêts, parce que le média et ses journalistes s’impliquent activement dans cette campagne et qu’ils en sont même des acteurs.

Dans une lettre déposée devant le tribunal, le commissaire David Johnston cite notamment les campagnes de financement de Rebel pour collecter des fonds afin de s’opposer aux passeports vaccinaux, mais aussi les positions du média sur le projet de loi fédéral visant à modifier la Loi sur la radiodiffusion et sur les exigences du gouvernement fédéral en matière de quarantaine à l’hôtel.

Les accréditations pour couvrir les débats sont octroyées aux journalistes « qui respectent les principes d’un journalisme responsable et éthique ainsi que les’normes journalistiques élevées’énoncées dans le mandat de la Commission et dont les reportages sont exempts de conflits d’intérêts », indique-t-on dans les critères.

Définition de « conflit d’intérêts »

Dans un autre document judiciaire, la Commission plaide qu’en 2019, elle n’avait pas publié les critères de son processus d’accréditation, mais qu’en 2021, elle les avait mis à jour pour définir ce qu’elle considère comme des « normes journalistiques élevées ».

« En particulier, la Commission a interprété le concept de normes journalistiques élevées comme signifiant que les journalistes ne doivent pas avoir de conflit d’intérêts dans la nouvelle qu’ils couvrent. C’est pourquoi l’absence de conflit d’intérêts est le principal critère que la Commission utilisera pour évaluer les demandes d’accréditation. »

La Commission précise qu’elle a retenu de l’Association canadienne des journalistes les lignes directrices sur les conflits d’intérêts.

« La Commission reconnaît que les organisations médiatiques, les chroniqueurs ou les commentateurs peuvent adopter des lignes éditoriales ou soutenir des candidats ou des causes politiques, indique-t-on. Cependant, un conflit d’intérêts survient lorsque l’organisation médiatique ou le journaliste devient un participant actif dans la nouvelle qu’elle ou il couvre. »

Ezra Levant, fondateur de Rebel, soutient, dans une déclaration sous serment de 460 pages déposée auprès du tribunal, que la commission a ciblé injustement son organisation, puisque d’autres organisations médiatiques se livreraient elles aussi à des activités partisanes.

« La manière dont la Commission a utilisé et s’est appuyé sur les déclarations et les lignes directrices de l’Association canadienne des journalistes pour élaborer le processus de demande et régir l’accréditation pour les débats est profondément suspecte – à la fois sur le fond, le but et l’intention », plaide M. Levant.

Le mois dernier, la Commission a refusé d’inviter les chefs du Parti populaire du Canada et du nouveau Maverick Party, parce qu’ils n’avaient pas atteint les niveaux d’appui moyens, dans les sondages, que la commission avait fixés dans ses nouvelles règles après l’expérience de 2019.