Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a ramené mardi l’enjeu de la laïcité de l’État au cœur de sa campagne, en réclamant de nouveau que tous les partis s’engagent à ne pas contester la loi 21 au Québec ni à en financer les contestations.

« Nous demandons de nouveau, parce que ça n’a pas été garanti, que l’État fédéral ne conteste ni directement, ni indirectement, ni par la voie de financement la volonté légitime de l’État québécois d’affirmer la laïcité de ses institutions », a déclaré M. Blanchet lors d’une mêlée de presse à Sherbrooke.

Accompagné de plusieurs candidates locales, le chef a du même coup soutenu que la laïcité était « une valeur progressiste qui est la seule à assurer l’égalité de chacun et les choix ou appartenances de tous en regard de l’État ». « C’est une valeur égalitaire, une valeur moderne », a-t-il soutenu.

Les Canadiens comprennent mal la laïcité, mais ils ont le devoir de comprendre que c’est un choix relevant exclusivement de la nation québécoise.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

M. Blanchet faisait ainsi référence à Justin Trudeau, qui, selon lui, « a clairement laissé entendre qu’il allait soutenir les contestations de la loi 21 ». « Il ne s’est rien passé entre 2019 et maintenant pour qu’on lève le pied par rapport à des assauts qui restent très soutenus concernant la loi 21 », a plaidé le bloquiste.

Ce dernier fait d’ailleurs de la laïcité un cheval de bataille depuis 2019. À la précédente campagne, le Bloc avait d’ailleurs utilisé le slogan « La laïcité, c’est nous » comme l’une des déclinaisons de son slogan « Le Québec, c’est nous ». Yves-François Blanchet affirme qu’il continuera de marteler sa demande aux chefs fédéraux tant que ceux-ci n’y auront pas donné suite.

De nouveau, les attaques croisées

D’Ottawa, le chef libéral, lui, n’a pas tardé à répliquer, accusant Yves-François Blanchet de « toujours chercher la chicane ». « On voit que M. Blanchet cherche à parler d’autres choses que ce qui préoccupe les Canadiens. Il va toujours chercher la chicane, alors que ce serait important pour lui de démontrer du vrai leadership, sur la vaccination par exemple », a affirmé M. Trudeau.

Quant aux contestations de la loi 21, le premier ministre sortant s’est fait plus prudent. « On continue d’avoir des conversations. Les Québécois sont en train de défendre leurs droits devant la Cour, et on suit ça attentivement. Une société doit toujours se poser des questions, mais je sais aussi que les Québécois sont bien plus préoccupés par la pandémie et la lutte [contre les] changements climatiques. »

M. Blanchet n’a pas non plus manqué d’attaquer ses autres adversaires politiques, dont les néo-démocrates. « M. Singh n’a aucun remords d’avoir traité de façon générale les Québécois, le gouvernement et les élus québécois de racistes ou de xénophobes. Je ne saurais trop répéter combien les Québécois sont tannés de ce genre d’accusations », a-t-il déclaré.

Jagmeet Singh, lui, s’est défendu mardi en se disant « contre le Québec bashing ». « Je rejette absolument les propos de M. Blanchet. Il sait que notre position, c’est qu’on est des alliés pour le Québec. » « Je sais combien les gens sont tannés de la continuation du Québec bashing. Ça n’aide pas la lutte contre la discrimination systémique que de croire qu’elle ne se trouve que dans une seule province. C’est un problème qu’on retrouve partout au Canada », a-t-il ajouté.

« La question de contestation, c’est un processus indépendant. Et ça doit rester indépendant. Ça ne doit pas être les politiciens qui disent “oui” ou “non” si quelqu’un veut contester une loi », a soutenu M. Singh, en rappelant son aversion pour cette loi « qui divise ».

Quant à eux, les conservateurs d’Erin O’Toole se sont déjà engagés dans leur plateforme à ne financer aucun groupe qui contesterait la loi 21. Mais M. Blanchet accuse son rival conservateur de faire preuve d’hypocrisie. « C’est un peu comme l’avortement. Il est contre, mais il fait comme s’il était pour », a-t-il affirmé à ce sujet.

« Je ne contesterai pas une loi de l’Assemblée nationale, c’est clair. C’est dans mon contrat avec les Québécois. Je vais toujours respecter les champs de compétence des provinces, [y compris] la laïcité », a rétorqué M. O’Toole mardi, en expliquant toutefois que le programme de contestation judiciaire était « indépendant et qu’il [était] très important de respecter ça ». « Je vais le faire comme premier ministre », a promis le chef conservateur à ce sujet.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Ensaf Haidar, candidate bloquiste

M. Blanchet a par ailleurs empêché mardi sa candidate dans Sherbrooke, Ensaf Haidar, d’expliquer elle-même les raisons qui l’ont poussée à appuyer publiquement Maxime Bernier en 2018. Interrogée sur ses prises de position passées, Mme Haidar est d’abord restée silencieuse. M. Blanchet est vite intervenu pour dire à la journaliste qu’« on ne fera pas ça ici ». Relancé deux autres fois par d’autres journalistes, qui se demandaient pour quelle raison Mme Haidar ne pouvait s’exprimer librement, M. Blanchet a laissé savoir que c’était son point de presse à lui. Les journalistes qui ont voulu s’entretenir avec Mme Haidar une fois le point de presse terminé se sont fait dire que les entrevues se feraient par téléphone. Devant l’insistance des journalistes, on lui a finalement permis de répondre à quelques questions. Mme Haidar a expliqué avoir gazouillé son appui pour M. Bernier (« Why I support Maxime Bernier ») parce qu’il s’était montré sympathique à la cause de son mari, Raïf Badawi, emprisonné depuis neuf ans en Arabie saoudite.