L’action du gouvernement libéral en environnement est ambitieuse, affirme Steven Guilbeault, mais elle n’est pas suffisante, reconnaît-il d’emblée.

L’écologiste devenu ministre se lance d’ailleurs dans sa deuxième campagne électorale en deux ans « parce qu’il reste des choses à faire », a-t-il dit lors d’une entrevue avec La Presse, lundi.

« Ce qu’on a fait depuis 2019, c’est vraiment impressionnant », lance-t-il, se disant particulièrement fier du plan de relance économique post-pandémie, qui fait une place importante à l’environnement.

« Le Canada a le deuxième programme de relance le plus vert au monde, en importance, parmi les pays du G20 », dit-il, citant l’organisation non gouvernementale Energy Policy Tracker.

Mais les subventions fédérales à l’industrie des énergies fossiles valent à son gouvernement les reproches de scientifiques, d’écologistes et de citoyens.

Steven Guilbeault « accepte une partie de la critique », mais rappelle que le Parti libéral s’est engagé à mettre fin à ces subventions d’ici 2025 et qu’elles ont diminué « significativement » depuis l’élection de Justin Trudeau, même si, en moyenne, elles demeurent à un niveau légèrement plus élevé que sous les conservateurs.

« Il y a eu une forte augmentation en 2015 et 2016, mais ce n’est pas nous, ça, souligne-t-il. On est passés de plus de 13 milliards à un peu moins de 8 milliards en trois ans ; c’est quand même beaucoup. »

Mais je suis d’accord avec ceux et celles qui disent qu’il faut arrêter d’investir là-dedans. […] Je pense qu’on peut aller plus vite et qu’on doit aller plus vite là-dessus.

Steven Guilbeault, candidat libéral dans Laurier–Sainte-Marie

Courage politique

Steven Guilbeault vante aussi la stratégie pour l’interdiction de certains plastiques à usage unique du gouvernement libéral ou encore les « pas de géant » faits en matière de protection du territoire.

Il évoque le rejet du projet d’agrandissement du port de Québec, pour des motifs écologiques.

« On a vu comment on est prêts à faire respecter nos lois en environnement, et s’il faut dire non à un projet de développement majeur parce que les impacts environnementaux sont trop importants, on a le courage politique de faire ça », dit-il.

Il souligne en outre qu’aucun projet d’exploitation d’énergie fossile n’a été autorisé par le gouvernement sortant depuis le début de son mandat.

En revanche, l’oléoduc Trans Mountain demeure un boulet pour le gouvernement, qui en est propriétaire, et l’affirmation que ses revenus permettront de financer la transition écologique, faite par le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, dans la foulée du rapport alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la semaine dernière, en a fait sourciller plus d’un.

« Ce que Jonathan dit, c’est : “Le projet est là, on ne va pas réécrire l’histoire, utilisons cet argent pour l’investir dans les solutions” », défend celui qui n’a jamais caché son désaccord avec le gouvernement sur la question.

Campagne sur l’environnement

Sans surprise, l’environnement sera un thème important de la campagne libérale qui s’amorce, affirme Steven Guilbeault, assis à une table de pique-nique du parc Laurier, dans sa circonscription de Laurier–Sainte-Marie, à Montréal, où les affiches à son effigie ont déjà fait leur apparition.

Les libéraux proposeront-ils un virage radical pour affronter la crise climatique ?

« La plupart des gens ne sont pas là », répond-il.

Il faut être un peu en avant de la vague, mais il ne faut pas être tellement en avant qu’on perd les gens de vue, ou qu’eux nous perdent de vue.

Steven Guilbeault, candidat libéral dans Laurier–Sainte-Marie

Il ajoute toutefois que la nouvelle cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) adoptée par le gouvernement libéral est en quelque sorte un geste radical, soulignant qu’elle excède l’engagement du Nouveau Parti démocratique (NPD), lors de la dernière campagne.

Il écorche aussi au passage les conservateurs, qui promettent d’atteindre la « vieille cible » de l’accord de Paris, devenue caduque.

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Est-il encore temps d’agir contre la crise climatique ?

« Je suis un optimiste réaliste », répond Steven Guilbeault.

« Je suis convaincu qu’on va s’en sortir, mais l’été qu’on vient de passer […] est un dur rappel que nous sommes dans l’ère des changements climatiques, dit-il. On doit non seulement s’attaquer à la réduction des émissions [de GES], mais il faut aussi préparer un monde où l’on va devoir vivre avec les changements climatiques. »

Satisfait de son rôle

Steven Guilbeault « aime vraiment » sa nouvelle vie d’homme politique, même au ministère du Patrimoine canadien. « Ceux qui disent qu’il faut que tu sois ministre de l’Environnement pour faire de l’environnement ne comprennent pas comment fonctionne le gouvernement, dit-il. L’environnement, il faut que ce soit l’affaire de tout le Cabinet. » D’ailleurs, la lutte contre les changements climatiques figurait dans la lettre de mandat de tous les ministres, souligne-t-il. Il estime jouir aujourd’hui d’une « capacité d’influence » plus grande que lorsqu’il travaillait à l’organisation écologiste Équiterre, qu’il a cofondée : « Je peux prendre le téléphone et appeler n’importe quel ministre. »

Ce qu’en dit l’opposition

Les libéraux doivent cesser de prétendre que l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain servira à la lutte contre les changements climatiques, c’est un argument ridicule. Trans Mountain est une aberration pour le climat et pour les finances publiques.

Monique Pauzé, députée de Repentigny, Bloc québécois

Le bilan du gouvernement libéral concernant les changements climatiques est un échec total. Il a raté la cible. Les conservateurs du Canada ont un plan sérieux pour lutter contre les changements climatiques, qui permet d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris, mais sans pénaliser nos travailleurs ou nuire à l’économie.

Axel Rioux, porte-parole du Parti conservateur du Canada

Que ce soit l’interdiction du plastique à usage unique ou les voitures à essence, on fait des promesses, mais on les remet toujours aux calendes grecques pour X, Y raison. Manifestement, l’action du gouvernement libéral, c’est de dire : “On fera ça plus tard.” Mais on ne peut pas se permettre de faire ça plus tard, tous les experts, tous les scientifiques le disent.

Catheryn Roy-Goyette, candidate dans Hochelaga, Nouveau Parti démocratique

Malheureusement, le gouvernement fédéral prend de plus en plus de retard par rapport à nos partenaires internationaux en ce qui concerne son ambition en matière d’action climatique et sa capacité à faire sa juste part. Les émissions de GES du Canada ont augmenté chaque année du mandat du gouvernement libéral.

Annamie Paul, cheffe du Parti vert du Canada