Lorsqu’Erin O’Toole a fait ses valises pour la campagne fédérale, le chef conservateur a emprunté certaines choses à sa course à la direction et en a laissé d’autres derrière lui.

Son épouse Rebecca et lui ont quitté Ottawa mardi pour la première fois depuis le début de la campagne dimanche, devenant ainsi le dernier des principaux chefs de partis fédéraux à prendre la route.

Il s’en est tenu dans les premiers jours à une salle de conférence d’un hôtel vide au centre-ville d’Ottawa qui a été transformée en studio de diffusion en prévision d’une élection.

L’ensemble clairsemé est une scène familière pour M. O’Toole, dont la course à la direction l’année dernière a été interrompue par la pandémie de COVID-19, l’obligeant à déplacer sa campagne de pièces bondées vers la plateforme en ligne Zoom.

Mais avec la levée de nombreuses restrictions sanitaires et la réouverture des entreprises, M. O’Toole fait plutôt bande à part parmi les chefs de parti pour avoir choisi de se connecter avec les gens virtuellement par le biais de conférences téléphoniques plutôt qu’en chair et en os, comme c’est typique pour toute élection.

Cette tendance s’est poursuivie mardi, malgré le déplacement de sa campagne au centre-ville de Toronto.

Une fois de plus, M. O’Toole est arrivé dans un hôtel et, une fois de plus, le chef conservateur est monté sur une scène vide pour livrer sa promesse électorale d’un « congé » de la TPS sur certains achats en décembre.

Personne ne se tenait derrière lui et il n’y avait aucun arrêt dans les commerces à proximité et aucune salutation du coude avec les électeurs.

Malgré le manque apparent de personnes autour de lui, M. O’Toole a déclaré qu’il pensait être toujours en contact avec les électeurs.

« Au cours des derniers jours, nous avons parlé directement à plus de 50 000 Canadiens. J’ai répondu directement aux questions (de ces gens), dont beaucoup ne nous avaient jamais rencontrés auparavant et ils ne sont pas des partisans du parti dans un bureau », a déclaré M. O’Toole à propos de ces assemblées virtuelles.

Il a ajouté que l’approche adoptée par sa campagne garantit également que les évènements en personne qui se produisent se déroulent en toute sécurité.

La première occasion d’interactions en personne pour M. O’Toole est prévue pour mardi soir, où il doit assister à un rassemblement à Richmond Hill, en Ontario.

Contrairement à M. O’Toole, la campagne du chef libéral Justin Trudeau a été beaucoup plus traditionnelle, avec des évènements dans des lieux publics dès le premier jour, y compris des arrêts dans des restaurants et jusqu’à présent une visite dans un bureau de campagne local.

Mais dans tous les cas, ils se déroulent en grande partie à l’extérieur, ou sur des terrasses, plutôt qu’à l’intérieur, tandis que M. Trudeau porte un masque.

Un « congé » de TPS

Les conservateurs fédéraux proposent un « congé » de la taxe fédérale sur les produits et services en décembre pour stimuler les dépenses dans le secteur du détail, mais des experts se demandent s’il s’agit d’une utilisation efficace des deniers publics.

Le chef du parti, Erin O’Toole, a affirmé que cette mesure aiderait les Canadiens qui ont du mal à joindre les deux bouts pendant la pandémie, tout en soutenant les entreprises en encourageant les consommateurs à dépenser.

Le plan proposé ne s’appliquerait qu’aux détaillants ayant des magasins physiques et non aux achats en ligne ou à d’autres types d’entreprises.

L’économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives, David Macdonald, a déclaré que ce n’était pas une mauvaise idée d’inciter les gens à dépenser de l’argent et à stimuler certains secteurs de l’économie.

Cependant, il a soutenu qu’une réduction de la TPS n’est pas la façon la plus optimale d’y arriver.

« Je suppose que la question est de savoir quel est l’objectif de cette politique publique. Est-il de permettre à des gens d’économiser ou de mettre de l’argent dans leurs poches, ou est-il de tenter d’améliorer la croissance économique », a analysé M. Macdonald.

« Si l’objectif de la politique est d’améliorer la croissance économique, en particulier dans les secteurs les plus durement touchés, ce n’est pas une politique très efficace. »

M. Macdonald a déclaré qu’un congé fiscal en décembre subventionnerait effectivement des achats qui auraient eu lieu que l’allégement fiscal ait été en place ou non.

Selon lui, une option plus efficace serait de mettre en œuvre le congé fiscal en janvier ou février pour stimuler les dépenses lorsque les détaillants ont généralement plus de difficultés.

Un congé de TPS représenterait une économie de 5 % sur de nombreux achats à travers le pays.

Le président de l’Institut des finances publiques et de la démocratie à Ottawa et ancien directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a remis en question la nécessité d’une mesure de relance à court terme alors qu’il y a déjà eu un rebond économique important et de nombreuses mesures de relance existantes.

« Compte tenu du fort rebond et des importantes mesures de relance budgétaires déjà en place, avons-nous vraiment besoin de plus de mesures de relance à court terme ? », a dit M. Page dans un courriel.

« Les grandes mesures de soutien budgétaire en 2020 ont renforcé les finances des ménages. Il existe une demande refoulée des consommateurs pour les dépenses durables, ce qui entraîne une pression inflationniste accrue. »

M. Page a déclaré que l’exonération fiscale aurait également un prix élevé, mais a ajouté que la mesure permet de faire des gains politiques avant la saison des achats des Fêtes.

« Revoir » le financement de CBC

Si Erin O’Toole prend enfin la route d’un océan à l’autre pour promouvoir la plateforme de son parti, il a laissé derrière lui l’une de ses propres promesses phares.

Sabrer le financement de CBC était l’une des principales promesses de la campagne de « vrai bleu » déployée par Erin O’Toole lors de la course à la chefferie.

Il avait alors promis qu’un gouvernement sous son leadership moderniserait et réformerait le réseau anglophone de Radio-Canada en mettant fin au financement de ses activités numériques et en coupant de moitié son budget télévisuel.

Il soutenait vouloir privatiser le réseau de télévision CBC dans un premier mandat de gouvernement conservateur.

Mais selon la plateforme électorale du parti, tout ce que l’on projette est de « revoir le mandat de la télévision anglaise de la CBC, de CBC News Network et des nouvelles en ligne de la CBC ».

On précise ensuite que cette révision aurait pour objectif d’« évaluer la viabilité de cibler les services sur un modèle d’intérêt public comme PBS aux États-Unis, assurant qu’ils ne font plus concurrence aux fournisseurs de services numériques et aux radiodiffuseurs privés canadiens ».

Mardi, le chef conservateur s’est défendu d’avoir changé de discours en soutenant qu’il cherche à protéger l’intérêt public tout en s’assurant que la télévision publique n’entre pas en concurrence déloyale avec les réseaux privés.

Certains conservateurs ont remis en question l’étiquette de « vrai bleu » d’Erin O’Toole depuis sa nomination à la tête du parti. Ils en veulent à son approche visant à élargir la base électorale du parti dans l’espoir de battre Justin Trudeau.

L’un des importants changements adoptés par le nouveau chef est celui d’appuyer l’imposition d’un prix sur le carbone, une politique libérale fortement impopulaire chez les conservateurs de l’Ouest canadien et qu’il avait lui-même précédemment promis d’annuler.