(Québec) À la tête d’un gouvernement minoritaire et avec 33 % des votes au Québec, Justin Trudeau n’a pas la légitimité pour contester la loi québécoise sur la laïcité de l’État, estime le premier ministre François Legault.

Mardi matin, il a eu un entretien avec son homologue fédéral lors duquel il lui a signifié entre autres qu’Ottawa doit « respecter la grande majorité des Québécois » qui approuvent la loi 21.

Lors de la campagne électorale, M. Legault avait demandé à plusieurs reprises aux chefs fédéraux de s’engager à ne pas participer à une contestation judiciaire de la loi. Il avait fait une sortie contre Justin Trudeau qui gardait la porte ouverte à une telle contestation et s’exprimait contre la loi.  

« Je pense que le résultat de l’élection montre avec ce gouvernement minoritaire que le message que j’ai passé a été entendu », a affirmé M. Legault lors d’une conférence de presse à Québec.

« Il y a eu un message sur la loi 21 qui doit être respecté. C’est ce qu’on voulait. Le message va pour M. Trudeau. Je l’entendais dire (lundi) soir qu’il a bien compris le message des Québécois. Donc moi je suis confiant que la position des Québécois va être respectée par le nouveau gouvernement. »

Le gouvernement Trudeau a-t-il la légitimité pour contester la loi ? « Écoutez, 33 % du vote, je pense que c’est clair qu’il y a une majorité de Québécois qui appuient la loi 21. Donc, je ne pense pas. », a-t-il répondu.

Selon lui, « le message est clair » aux partis fédéraux qui aspirent à décrocher une majorité de sièges au prochain rendez-vous électoral : « si vous voulez plus d’appuis la prochaine fois, appuyez la loi 21 ».

Le retour en force du Bloc québécois est attribuable à ce dossier, selon lui. « Il y a un lien avec la loi 21. Il y a un lien avec l’importance pour les Québécois de défendre les valeurs québécoises. Même M. Blanchet l’a dit (lundi) soir, il n’a pas l’impression d’avoir un mandat pour la souveraineté du Québec. »

Selon lui, « le vote nationaliste s’est exprimé entre autres par un appui au Bloc québécois ». La renaissance de ce dernier ne donnera pas une impulsion au Parti québécois, croit-il. Les électeurs demandent au Bloc de « protéger les valeurs québécoises, donc ça va exactement dans ce que propose la CAQ. Et le PQ, il est souverainiste, et les Québécois n’ont pas le goût de la souveraineté ».

Il n’a pas l’intention de faire du Bloc son porte-voix à Ottawa. Il a souligné que ses « discussions vont avoir lieu directement avec Justin Trudeau ». « Je vais travailler avec les députés du Québec pour défendre les intérêts du Québec. Mais mon interlocuteur, ce sera Justin Trudeau. […] Ce que je veux, c’est travailler directement avec Justin Trudeau. »

Ce dernier n’a répondu favorablement à aucune des quatre demandes formulées par François Legault en campagne. En fait, il les avait déjà essentiellement rejeté dans le passé, ce que le premier ministre du Québec savait très bien au moment de les formuler.

François Legault avait qualifié de « raisonnables » ses demandes :

- ne participer à aucune contestation judicaire contre la loi sur la laïcité de l’État ;

- assujettir à la loi 101 les entreprises à charte fédérale comme les banques ;

- accorder plus de pouvoirs au Québec pour décider seul du nombre de nouveaux arrivants et lui permettre d’imposer des tests de valeurs et de français

- mettre en place un rapport d’impôt unique géré par Québec.

François Legault garde tout de même espoir d’obtenir gain de cause et dit percevoir certaines ouvertures au sujet d’un test des valeurs.

Il a rappelé que son gouvernement a conclu des ententes avec Ottawa dans la dernière année, dont sur la main-d’oeuvre et les infrastructures. Il est confiant de pouvoir en avoir d’autres avec la réélection de Justin Trudeau, sur le logement par exemple. Il se dit prêt à « travailler avec son équipe pour faire avancer les intérêts des Québécois mais aussi les intérêts des Canadiens ».

Il y a tout de même des nuages à l’horizon. « J’ai noté beaucoup d’engagements qui sont des possibles intrusions dans les champs de compétence du Québec, entre autres en santé, en éducation et en environnement », a-t-il affirmé.

La balance du pouvoir au Nouveau parti démocratique rend encore plus probable ces intrusions.

« Je souhaite mettre les choses très claires : oui on veut des relations constructives, pragmatiques, avec le gouvernement fédéral, mais c’est important que le gouvernement fédéral respecte le Québec comme nation. Si le gouvernement fédéral veut investir en santé ou en éducation par exemple, c’est primordial qu’il y ait avant des ententes avec le gouvernement du Québec et que le caractère national du Québec soit respecté », a insisté François Legault.

Ils ont dit

Je pense que ça a été un dur réveil pour François Legault. D’après ce que j’ai pu comprendre de ses interventions au cours de la campagne, M. Legault espérait probablement un gouvernement conservateur minoritaire avec la balance du pouvoir au Bloc québécois. Ce que je souhaite, c’est que M. Legault collabore avec le gouvernement en place.

Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Pierre Arcand

Aujourd'hui, on se retrouve, dans le même Canada qu'hier, un État pétrolier, et ça, à Québec solidaire, c'est inacceptable. Il y a vraiment juste une solution à notre affaire, puis on la sait (…), c’est l'indépendance du Québec.

La coporte-parole de Québec solidaire Manon Massé qui a toutefois refusé de dire si la renaissance du Bloc québécois est selon elle « une bonne ou une mauvaise nouvelle ».

Pour le mouvement que je représente, de faire élire des députés du Bloc québécois à Ottawa, qui passent de 10 à 32, c'est une bonne nouvelle, et on ne va pas bouder notre plaisir.

Le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé