(Saint-Jean-sur-Richelieu) Le Bloc québécois demande un droit de veto pour le Québec sur les expulsions de demandeurs d’asile ainsi qu’un moratoire sur toute expulsion vers des pays où la sécurité des personnes visées est compromise.

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a consacré sa journée à la question des réfugiés et demandeurs d’asile, lundi, en Montérégie.

Il a fait valoir que les délais de traitement des dossiers de demandeurs d’asile au niveau fédéral, qui peuvent se calculer en années, créent des situations où la compassion et le bon sens doivent avoir préséance sur les considérations bureaucratiques.

« Le gros bon sens, la compétence et le bon jugement du gouvernement du Québec valent largement ceux du fédéral avec une petite coche de compassion en plus », a-t-il affirmé alors qu’il se trouvait devant un centre d’alphabétisation et de francisation à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Transmission d’informations de sécurité nationale

Il a ainsi évoqué les cas de personnes arrivées depuis quelques années, qui se sont installées, intégrées, qui travaillent et qui ont reçu un certificat de sélection du gouvernement du Québec qui cherchait à les accueillir comme immigrants reçus, mais qui ont été expulsées malgré tout. Il a également rappelé qu’Ottawa continue d’expulser des Haïtiens alors que le pays est toujours aux prises avec des conflits internes qui tournent régulièrement à la violence.

« C’est la lenteur administrative du système fédéral qui a renvoyé du monde — pas chez eux, parce que chez eux, à ce moment-là, c’était rendu ici — qui les a renvoyés dans un pays où ils ne voulaient plus être parce qu’ils ne s’y sentaient plus en sécurité », a-t-il plaidé.

« Le plus odieux, c’est lorsque c’est à cause de la lenteur. C’est lorsque le gouvernement du Québec a émis un certificat de sélection du Québec et oups ! le fédéral n’a pas eu le temps de régler le dossier et on retourne des gens dans des pays où leur sécurité est menacée. »

PHOTO LA PRESSE CANADIENNE

Yves-François Blanchet

M. Blanchet estime que les ministres québécois de l’Immigration et de la Sécurité publique devraient avoir les mêmes pouvoirs discrétionnaires que leurs homologues fédéraux pour retarder ou annuler des expulsions. Quant aux cas qui soulèvent des questions de sécurité nationale, le chef bloquiste va jusqu’à affirmer qu’il ne voit pas pourquoi le fédéral ne transmettrait pas les renseignements pertinents au Québec pour qu’il accepte l’expulsion.

Chemin Roxham : « un voyage organisé »

Plus tôt dans la journée, le chef bloquiste s’était rendu à une dizaine de kilomètres du chemin Roxham pour réclamer la suspension de l’entente sur les tiers pays sûrs afin de mettre un terme à l’entrée irrégulière de demandeurs d’asile et permettre à ceux-ci de se présenter aux postes frontaliers existants.

En vertu de l’entente sur les tiers pays sûrs, le Canada doit refuser l’entrée au pays de demandeurs qui arrivent d’un pays — comme les États-Unis — où leur sécurité n’est pas menacée lorsqu’ils se présentent à un poste frontalier. C’est en raison de cette provision que les demandeurs entrent de manière irrégulière par le chemin Roxham où ils sont interceptés et remis aux autorités d’immigration pour que leur demande soit traitée, une option qui deviendrait caduque si les demandeurs pouvaient passer par les postes frontaliers.

M. Blanchet fait valoir qu’une entrée régulière par les douanes permettrait un accueil plus ordonné des migrants et, surtout, mettrait un terme au déséquilibre qui affecte le Québec, la quasi-totalité des passages irréguliers au Canada s’effectuant par le chemin Roxham.

« C’était rendu un voyage organisé », a-t-il lancé pour illustrer la popularité de ce point de passage et la facilité avec laquelle n’importe qui pouvait entrer au Canada par cette voie. Entre janvier et août 2019, il y a eu 10 343 entrées irrégulières au Canada, dont 10 076 au Québec d’après les dernières données d’Immigration Canada.

Ajout des ressources humaines et financières

De plus, il réclame d’Ottawa l’ajout d’un nombre significatif de commissaires à l’immigration afin d’accélérer le traitement des demandes. Il rappelle que le vérificateur général a dénoncé les délais d’attente dans le traitement des demandes de réfugiés, qui atteint deux ans plutôt que les deux mois prescrits.

Enfin, il a répété une demande maintes fois exprimée par Québec d’augmenter les sommes consenties à la province en guise de compensation pour les différents frais reliés à l’accueil d’immigrants irréguliers, notamment en matière de santé, d’éducation et de francisation.

« Le manque de ressources, le manque de compassion amènent chez la population du Québec une inquiétude qui s’estomperait si on était capable de leur dire : on traite le dossier comme du monde et là, ce serait une immigration tout à fait valable pour ceux qui en ont besoin pour des raisons humanitaires », a-t-il dit.