Malgré les plaintes du gouvernement du Québec, le premier ministre Trudeau et son ministre de l’Immigration ne semblent pas traiter le dossier des demandeurs d’asile avec l’urgence nécessaire. Les options sont limitées pour faire bouger le fédéral, mais il ne faut pas croire qu’elles n’existent pas.

D’abord, il faut bien comprendre la nouvelle situation post-Roxham qui a mené à l’explosion des demandes d’asile. L’argument selon lequel il y aurait une crise mondiale qui affecte indirectement le Canada convient à ceux qui ne voient pas l’urgence et qui aimeraient reporter toute action concrète. Cet argument se révèle trompeur si on examine les pays d’origine des demandeurs d’asile. La cause est beaucoup plus liée à la politique fédérale.

Les statistiques démontrent depuis un an que les demandeurs d’asile proviennent de pays d’où il est normalement difficile d’obtenir un visa.

Le gouvernement fédéral a simplement décidé d’octroyer les visas de façon plus laxiste aux ressortissants de ces pays. Cette décision a été prise malgré l’avertissement des fonctionnaires qu’il y aurait une augmentation des demandes d’asile. Il faut évidemment faire pression sur le fédéral pour rétablir l’ancienne politique plus sévère concernant les visas.

Étant donné qu’on parle depuis des mois du nombre élevé de Mexicains qui demandent l’asile, il est étonnant que le fédéral continue de leur permettre d’entrer sans visa. Aucun pays occidental n’agirait de la sorte dans des circonstances similaires. Contrairement au Canada, les États-Unis imposent le visa aux Mexicains.

Il n’y a aucune raison de retarder la décision d’imposer le visa et le Canada doit cesser de se placer en position marginale par rapport à ses partenaires qui essaient de contrôler les flux migratoires. Pour illustrer à quel point le gouvernement Trudeau veut se démarquer par son ouverture, il y a à peine quelques années, le Canada était connu pour sa façon stricte de contrôler les frontières avec l’imposition rigoureuse des visas. C’est pour ça que les migrants se rendaient à New York avant d’emprunter le chemin Roxham. Aujourd’hui, ils prennent un vol direct pour Montréal ou Toronto.

Un geste tactique nécessaire

La suggestion de la ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, selon laquelle il faudrait répartir les demandeurs d’asile à travers les provinces canadiennes représente un geste tactique nécessaire. De la même manière que le fédéral devrait délivrer plus rapidement les permis de travail aux demandeurs d’asile, il s’agit néanmoins d’un palliatif à court terme qui n’aborde pas la source du problème.

Avec un nouveau record canadien de 144 035 demandes d’asile en 2023, les chiffres par habitant se comparent au plus grand pays d’accueil en Europe, l’Allemagne.

Cependant, contrairement au gouvernement Trudeau, le gouvernement progressiste du chancelier Scholz parle ouvertement d’une crise.

La vérité n’est pas bonne à dire, mais il est simplement irréaliste pour le Canada de prétendre qu’il pourrait absorber un tel nombre de demandeurs d’asile compte tenu de la crise du logement et la situation budgétaire difficile affectant tous les ordres de gouvernement. Dans ce contexte exceptionnel, on s’attendrait normalement à ce que le caucus québécois du Parti libéral du Canada fasse comprendre au cabinet Trudeau la gravité de la situation.

Entre-temps, le gouvernement Legault devrait préparer une alliance avec le gouvernement ontarien de Doug Ford, car il y aura éventuellement convergence des intérêts sur le dossier des demandeurs d’asile. Rappelons que le nombre de demandes en Ontario n’est pas loin de celui au Québec. Quand l’Ontario évoquera les mêmes problèmes, il est probable que le gouvernement Trudeau comprendra alors que des mesures doivent être prises de toute urgence pour arriver à la seule véritable solution : freiner l’afflux des demandeurs d’asile.

*L’auteur vient de rédiger un rapport** sur la politique d’asile pour l’Institut Macdonald-Laurier.

**Lisez « Federal failures broke Canada’s asylum system » (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue