Chaque jeudi, nous revenons sur un sujet marquant dans le monde, grâce au recul et à l’expertise d’un chercheur du Centre d’études et de recherches internationales, de l’Université de Montréal, ou de la Chaire Raoul-Dandurand, de l’Université du Québec à Montréal.

Il n’y a jamais eu autant de pays aux prises avec des conflits violents depuis les 30 dernières années, selon l’UNICEF. Les premières victimes de ces guerres ? Les enfants. De l’Ukraine au Proche-Orient, ils sont privés de soins et de nourriture, blessés et souvent tués. Pourtant, ces petits qui tombent trop souvent dans l’oubli ont des droits.

Les chiffres sont à glacer le sang. En janvier 2023, un enfant sur six vivait dans une zone de conflit, soit plus de 449 millions d’entre eux, selon l’ONG Save the Children. Dans les derniers mois, le nombre de conflits n’a cessé de grimper. Certains font les manchettes, d’autres nous échappent. En République démocratique du Congo, en Syrie, au Yémen, au Cameroun, en Ukraine, au Soudan ou à Gaza, les enfants subissent les conséquences de ces violences de façon démesurée.

Alors que s’entame 2024, cette nouvelle année devrait être celle où la communauté internationale remet de l’avant les droits de l’enfant et leur importance afin de protéger les plus vulnérables.

En plus des bombes

Plus de 43 millions d’enfants ont été déplacés à cause de conflits et de violence dans le monde à la fin de 2022, selon l’UNICEF. La suite est souvent désastreuse : ils deviennent esclaves, victimes de trafic humain, abusés et exploités.

Ils vivent aussi dans une incertitude intenable en marge de toute institution : sans papiers, sans statut officiel d’immigration et sans accès aux systèmes d’éducation et de santé, ce qui rend leur situation encore plus précaire. Vivre dans une zone de guerre imprégnée par la violence a des conséquences psychologiques majeures.

De plus, l’eau potable est souvent difficilement accessible pour de nombreuses familles. Les maladies infectieuses (choléra, dengue, rougeole ou malaria) menacent leur santé dans les zones fragilisées par les conflits. Certaines de ces maladies seraient, en temps de paix, plus facilement évitées ou traitables, mais la difficulté, voire l’impossibilité, d’obtenir l’accès aux vaccins et aux services de santé a des effets catastrophiques.

PHOTO ANATOLII STEPANOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un enfant ukrainien tient une pancarte sur laquelle on peut lire « Papa, je t’attends » lors d’un rassemblement de parents et d’amis de prisonniers de guerre ukrainiens, à Kyiv, le 31 décembre.

Un conflit après l’autre

La guerre entre Israël et le Hamas a des conséquences désastreuses au Proche-Orient. Le 7 octobre dernier, une trentaine d’enfants ont été tués dans l’attaque du Hamas, selon les autorités israéliennes. Quarante enfants auraient aussi été pris en otages, dont certains ont été libérés. À Gaza, plus de 8000 enfants palestiniens ont été tués lors de bombardements israéliens, selon le ministère de la Santé de l’enclave, dirigée par le Hamas. Ce chiffre dépasse de loin le nombre d’enfants tués chaque année dans toutes les zones de conflit depuis 2019, selon l’ONU. Il faut ajouter à ce sombre bilan les enfants palestiniens et israéliens blessés, mutilés, laissés orphelins ou traumatisés par la guerre – et tous ceux qui échappent au décompte.

Ce n’est pas le seul endroit où les enfants sont en première ligne. Plus de 1700 d’entre eux ont été tués ou blessés depuis le début de l’invasion russe en Ukraine en février 2022, selon l’ONU. Des rapports ont fait état de disparations en Ukraine : plus de 19 500 enfants auraient été enlevés par les forces russes depuis le 18 février 2022. En réalité, ces chiffres pourraient être beaucoup plus élevés alors que la Russie a annoncé le déplacement de 700 000 enfants depuis l’invasion de l’Ukraine en 2014. Ces enfants, dont certains sont détenus par la Russie dans des camps de réhabilitation, sont victimes de politiques russes d’assimilation visant à les transformer en citoyens russes.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un enfant déplacé de l’État soudanais de Jazira se tient devant des abris temporaires à Gedaref, dans l’est du pays, le 28 décembre.

Ce Soudan oublié

Alors que la situation humanitaire y était déjà fragile, le Soudan est de nouveau aux prises avec une guerre civile opposant des factions de la société : les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF). La crise humanitaire majeure qui est en cours n’est pas sans rappeler la tragique situation du Darfour en 2003. Le pays compte désormais le plus grand déplacement d’enfants dans le monde, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés : 45 millions de personnes à l’intérieur du pays depuis avril 2023. Plus de 1 million ont fui vers les pays voisins comme le Tchad, l’Égypte, le Soudan du Sud, l’Éthiopie et la République centrafricaine. L’UNICEF rapporte des cas flagrants de violence sexuelle et recense des milliers de violations sévères, y compris le meurtre et la mutilation. Plusieurs vivent aussi dans un état de peur continuelle… celle d’être tué, blessé ou recruté par des groupes armés.

Aujourd’hui plus que jamais, nous avons les outils légaux et politiques nous permettant d’aider et de soutenir les enfants dans leur développement et leur épanouissement.

Ils sont trop souvent relégués au second rang lorsqu’il est question de guerre ou de conflits armés, ce qui entraîne des conséquences désastreuses pour les générations à venir. Le Canada, signataire de la Convention sur les droits de l’enfant, devrait faire du droit des enfants un de ses chevaux de bataille pour 2024.

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