Un grand nombre d’organisations des milieux coopératif, communautaire, médical et syndical demandent au ministre de la Santé de s’assurer que l’ensemble de son projet de réforme du réseau, qui ne fait pas l’unanimité, soit débattu démocratiquement.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, défend sa réforme depuis près d’un an, dont le projet de loi 15 qui créera l’agence Santé Québec.

Il laisse entendre qu’il y a une adhésion large à sa réforme. Il répète avoir mené un vaste dialogue avec toutes les parties prenantes afin de dégager ce qu’il présente comme des changements attendus et nécessaires. C’est choquant pour toutes celles et tous ceux qui se démènent au quotidien pour soutenir le réseau public et dont l’opinion est carrément ignorée par le ministre.

En effet, de nombreuses organisations n’ont jamais eu l’occasion de s’exprimer auprès du ministre ni de ses représentantes et représentants. Certaines ont effectivement été rencontrées et ont participé de bonne foi à cet exercice. Elles ont identifié des zones de danger et proposé des améliorations. La plupart constatent cependant que leurs nombreuses préoccupations n’ont pas été prises en compte.

La volonté du ministre et de son gouvernement d’agir et de faire des gestes structurants est louable. Mais on ne saura taxer d’immobilisme toutes celles et tous ceux qui se mobilisent corps et âme pour le droit à la santé : nous avons à cœur le bien-être de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

C’est avec en tête des objectifs de santé et de prévention que nous souhaitons éviter les écueils prévisibles de la réforme et, surtout, défendre le droit à la santé pour toutes et tous.

C’est d’ailleurs forts de cette conviction que nous demandons au ministre Dubé de prendre un pas de recul et de prendre le temps pour s’assurer que l’ensemble des éléments du projet de loi soit débattu démocratiquement. Cela est d’autant plus nécessaire devant l’absence évidente de consensus autour du projet de loi actuel et de la réforme proposée. Aujourd’hui, non seulement nous souhaitons faire part au ministre de nos inquiétudes et des solutions que nous avons à lui soumettre, mais nous voulons aussi nous assurer que celles-ci soient entendues, et surtout comprises. Nous prenons la parole ensemble aujourd’hui parce qu’il nous semble primordial que la population du Québec sache que la réforme engagée par le ministre de la Santé ne reçoit pas l’adhésion du personnel du réseau de la santé et des services sociaux ni de son propre ministère, pas plus que celle des organismes communautaires et des organisations de la société civile québécoise.

Par ailleurs, de nombreuses et nombreux médecins, chercheurs et experts en la matière constatent que malgré le bouleversement majeur annoncé, cette réforme n’apporte pas de solutions aux principaux enjeux et défis du réseau : celui de l’accessibilité aux soins et services pour la population ainsi que celui de la pénurie de personnel.

Jusqu’à maintenant, Christian Dubé se comporte comme si la solution à tous les problèmes pouvait être l’affaire d’un seul homme, lui, et c’est ça qui est le plus dangereux !

Le projet de loi 15 embrasse large et modifie de fond en comble la gestion du réseau, de la reddition de compte au régime de négociation collective en passant par l’autonomie des organismes communautaires. Il accélère la centralisation tout en diminuant l’imputabilité, dont celle du ministre lui-même. C’est un projet de loi mammouth comportant près de 1200 articles, sans compter les nombreux amendements déjà déposés par le ministre et ceux encore à venir. Le ministre entend centraliser le réseau comme jamais aux mains de quelques « top guns ».

S’il y a une chose sur laquelle nous sommes d’accord avec le ministre, c’est que le statu quo n’est pas tenable pour le réseau de la santé et des services sociaux. Après des années de négligence, toutes ses immenses failles et faiblesses ont été exposées au grand jour lors des vagues successives de la COVID-19. Ce que les usagères, les usagers et le personnel vivent et dénoncent depuis plusieurs années auprès de gouvernements qui ont fait la sourde oreille est devenu limpide pour tout le monde.

Monsieur Dubé, pour qu’une réforme fonctionne et qu’elle améliore les choses, il est essentiel d’écouter réellement l’ensemble des parties prenantes et de susciter l’adhésion au projet. Chacune et chacun d’entre nous fait partie de la solution. Nous exclure, c’est vous priver d’une expertise dont vous ne pouvez pas vous passer. Rappelez-vous le proverbe : seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin.

* Cette lettre ouverte est cosignée par 200 organisations, associations et groupes issus des milieux coopératif, communautaire, médical et syndical.

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