Je me demande si on pourrait faire en sorte, au Québec, que les préoccupations à l’égard de notre démocratie profitent de la même attention que celle que l’on accorde au troisième lien.

Je fais le parallèle entre les deux, parce que la même semaine où le premier ministre ressuscitait le troisième lien, un projet de loi⁠1 et une pétition pour une réforme électorale, afin de nous doter collectivement d’une démocratie plus saine et plus juste, ont été présentés à l’Assemblée nationale. Cette initiative est le fruit d’une collaboration entre le Mouvement Démocratie Nouvelle, Québec solidaire et le Parti québécois, avec le soutien d’une trentaine d’organisations de la société civile. Au moment d’écrire ces lignes, la pétition compte déjà plus de 17 400 signatures.

De quoi avez-vous le plus entendu parler ?

Pourtant, l’urgence de nous doter d’une démocratie plus saine et plus juste m’apparaît plus grande. La déconnexion grandissante des citoyens envers la politique, la désaffection des jeunes surtout, le sentiment de ne pas être représenté, le cynisme ambiant, l’absence de projet de société et notre incapacité collective à répondre aux grands enjeux de notre époque, tout cela prend racine dans les fondements brisés de notre démocratie désuète.

Le problème, c’est un système démocratique qui induit des distorsions de telle sorte que nos gouvernements sont élus « majoritaires », mais sans l’appui de la majorité. C’est un système où plusieurs citoyennes et citoyens ont le sentiment que leur vote ne compte pas.

C’est un système qui réduit nos débats de société à du tirage de boue et à des « clips assassines ». La culture politique malsaine, les affrontements systématiques, souvent superficiels, les dialogues de sourds, l’arrogance de nos gouvernements (peu importe la couleur), cela aussi découle directement de notre système électoral.

Récemment, Patrick Lagacé dénonçait le « mauvais théâtre »⁠2 de la période de questions à l’Assemblée nationale et ses « non-réponses offertes par des ministres de tous les partis, tous les jours, depuis toujours ». Et si on pouvait instaurer une culture politique où l’on débat d’idées, où l’on recherche des compromis, où les oppositions proposent plutôt qu’attaquent, où le gouvernement tend l’oreille, la main… ?

La réforme électorale proposée nous permet d’espérer cela, même si, bien sûr, la partisanerie restera toujours présente dans l’univers de Parlements agissant dans des sociétés pluralistes et démocratiques.

Pour enrichir la réflexion collective, redonner une raison aux jeunes de s’intéresser à la politique, c’est d’une démocratie saine que nous avons besoin. Voilà un remède contre le cynisme ambiant. Et le travail est déjà fait. Le projet de loi est rédigé en toutes lettres, noir sur blanc. Les députés peuvent s’en saisir dès maintenant. La réforme électorale peut être adoptée d’ici Noël si le gouvernement en décide ainsi.

Mais le premier ministre continue de dire que la réforme électorale, « ça n’intéresse pas les gens, sinon une poignée d’intellectuels », que le monde « ne se bat pas dans les autobus pour ça ». C’est pour cela que depuis quelque temps, je me dis que j’aimerais qu’un jour, on parle autant de l’état de notre démocratie que du troisième lien. Parce que ce jour-là, le premier ministre pourrait encore une fois changer d’idée…

1. Consultez le projet de loi n° 499, établissant un nouveau mode de scrutin 2. Lisez la chronique « Mauvais théâtre », de Patrick Lagacé Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue