Jeudi à l’Assemblée nationale, baudruche à l’appui, Sol Zanetti a fait un coup d’éclat qui a beaucoup circulé.

Baudruche ?

Je préfère le québécisme balloune.

Le député solidaire a donc soufflé dans une balloune bleue1 et l’a laissée se dégonfler après avoir prononcé ces mots : « Il n’y a pas beaucoup de mots qui peuvent décrire le dégonflement du nationalisme caquiste, mais peut-être que cette image pourrait aider… »

Le manque de décorum de Sol Zanetti a été torpillé subito presto !

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications

Réaction du ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, qui a invité le député de Jean-Lesage à s’inscrire en théâtre : « Ici, on mène des dossiers sérieux, qui méritent plus que du mauvais théâtre… »

Réaction du chef libéral intérimaire Marc Tanguay : Gabriel Nadeau-Dubois doit s’excuser au nom de sa formation politique pour ce geste « inacceptable ».

Réaction du leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, appelant à sanctionner Sol Zanetti : « Nous ne pouvons tolérer que des députés en cette Chambre méprisent nos règles et se retrouvent dans une situation à utiliser des objets pour dénaturer la nature et la hauteur des débats… »

Puis-je y aller d’une réaction, M’sieur le Président ?

Ce que Sol Zanetti a fait en gonflant cette balloune relève bien sûr de la singerie. Ça n’a rien d’édifiant pour la fonction parlementaire.

Mais…

Mais il se trouve qu’avant son petit coup de théâtre, M. Zanetti posait des questions légitimes au ministre de la Culture, M. Lacombe.

C’est tout consigné dans le Journal des débats de l’Assemblée nationale2. Le député de Jean-Lesage s’est levé pour poser des questions au gouvernement (c’est sa job) sur le processus de nomination du conseiller régional du Québec au CRTC…

Sujet plate, direz-vous. Ce l’est.

Mais le CRTC est une institution importante dans ce pays, qui régule notamment la télévision et la radio, d’importants vecteurs de culture. Ottawa nomme ledit conseiller régional du Québec. Le gouvernement québécois est consulté, mais c’est Ottawa qui décide.

Or, historiquement, la CAQ a promis de rapatrier tous les pouvoirs fédéraux en matière de culture dans le giron du Québec.

En 2015, la Coalition avenir Québec a publié son « Nouveau projet pour les nationalistes du Québec » 3. Permettez que je le cite : Rapatriement des budgets fédéraux en culture.

Et dès 2012, la CAQ prônait une autonomie accrue4 en obtenant des transferts de pouvoirs fédéraux dans des domaines comme les télécommunications, l’environnement et… la culture.

Que s’est-il passé de ce côté-là, depuis que la CAQ a pris le pouvoir ?

C’est une question légitime.

C’est cette question légitime que posait le député Zanetti sous le prisme de ce « conseiller régional du Québec » au CRTC, nommé par Ottawa : « Est-ce que le ministre est prêt à aller chercher le pouvoir de nommer cette personne-là, ici, dans cette Chambre, oui ou non ? »

Le ministre de la Culture a fourni une réponse…

Qui ne répondait pas du tout à la question du député Zanetti.

Le député Zanetti est donc revenu à la charge : « Elle est où, la promesse de rapatrier les pouvoirs en culture ? Est-ce que la CAQ va, pour une fois, se lever debout pour le Québec, rapatrier les pouvoirs pour vrai ? »

Qu’importe ce qu’on pense du rapatriement à Québec des pouvoirs – et budgets – fédéraux en culture, il y a ce fait documenté : la CAQ avait promis de rapatrier de tels pouvoirs… Et ce n’est jamais arrivé.

Jean-François Roberge, ministre des Relations canadiennes, s’est levé pour répondre à la deuxième question de Sol Zanetti.

M. Roberge a rappelé que Québec solidaire avait acheté de la pub sur Facebook lors de la campagne pour l’élection partielle de Jean-Talon, quel manque de solidarité avec les médias, oui, « une métagaffe », M’sieur le Président, etc., etc.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-François Roberge, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne

Autant de flèches partisanes intéressantes…

Mais qui répondaient à côté de la question du député sur le rapatriement des pouvoirs fédéraux promis jadis-naguère par la CAQ.

Vous me voyez venir, M’sieur le Président ?

Je veux bien que Sol Zanetti ait commis une singerie, jeudi en Chambre. Oui, c’était du mauvais théâtre. J’en conviens. Pfffffff, lol, pfffff…

Mais peut-on parler du mauvais théâtre de promettre depuis plus d’une décennie de rapatrier des pouvoirs d’Ottawa, alors que François Legault sait très bien que très généralement, le fédéral dit « non » à de telles demandes ?

Promettre de rapatrier des pouvoirs fédéraux sur la seule base de ses talents naturels de négociateur5, comme M. Legault l’a fait en 2015, c’est pas du mauvais théâtre ?

Répondre à côté de la question, quand on est au gouvernement – un grand classique libéral, péquiste et désormais caquiste de la commedia dell’arte parlementaire –, c’est pas du mauvais théâtre, ça ?

Je veux bien que la balloune de Sol Zanetti soit du mauvais théâtre. Mais le député de Jean-Lesage avait des questions légitimes à poser et deux ministres du gouvernement se sont tour à tour levés pour prononcer tout plein de mots qui répondaient totalement à côté de ses questions…

Ces non-réponses offertes par des ministres de tous les partis, tous les jours, depuis toujours, c’est quoi ?

Du bon théâtre ?

1. Lisez « Les esprits s’échauffent au Parlement » 2. Consultez le Journal des débats de l’Assemblée nationale 3. Consultez la déclaration de la CAQ de 2015 4. Lisez un article de Radio-Canada 5. Lisez un article du Devoir