New York ne dort jamais. Encore moins en septembre alors que s’ajoute, aux nombreux évènements, l’Assemblée générale des Nations unies. C’est comme si les élèves les plus populaires et les plus controversés de toutes les écoles du monde se donnaient rendez-vous dans un club privé. Mais quelques jours avant cette Assemblée générale, en amuse-bouche, il y a la conférence de la Clinton Global Initiative.

Inspiré d’une conversation qu’il a eue avec Nelson Mandela, Bill Clinton a fondé, en 2005, la Clinton Global Initiative – un complément à sa fondation. Sa mission est ambitieuse et trop grandiose pour certains, mais elle est simple et basée sur ses résultats, nécessaires. La CGI – comme elle est appelée – rassemble divers dirigeants de multiples secteurs et régions du monde. Leurs engagements respectifs permettent de traduire de grandes idées en grandes réalisations. Mais surtout, du moins pour moi, la conférence illustre parfaitement combien l’influence est plus importante que l’enthousiasme.

L’héritage de la présidence de Bill Clinton est complexe et, à certains égards, peu reluisant. Notamment en Haïti où ses politiques commerciales ont favorisé les agriculteurs américains à coup de subventions, et ce, au détriment de leurs homologues haïtiens. Elles ont anéanti au passage l’industrie nationale du riz. Clinton dira, des années plus tard, qu’il doit « vivre chaque jour avec les conséquences de la perte de capacité à produire du riz en Haïti pour nourrir la population », à cause de ce qu’il avait fait. Depuis ce mea-culpa, Bill Clinton semble déterminé à réparer ses torts. Je trouve cela honorable, même si je ne suis pas ici pour le défendre.

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L’avocate américaine Reshma Saujani s’exprime lors de la Clinton Global Initiative.

La programmation de la conférence était impressionnante. Je suis arrivée à la CGI juste à temps pour entendre le pape François en donner le coup d’envoi. Au pontife, se sont ajoutés le dissident Ai Weiwei, la première dame d’Ukraine Olena Zelenska, l’ancien joueur de la NBA Dwyane Wade, la militante Reshma Saujani, le chef José Andrés, la première ministre de la Barbade Mia Amor Mottley et bien d’autres, en plus de Bill, Hillary et de leur fille Chelsea.

Il y a eu de grands moments à la CGI, mais deux m’ont marquée plus que les autres.

Cindy McCain, veuve de l’ancien sénateur John McCain, est aujourd’hui directrice générale du Programme alimentaire mondial. « Je n’ai jamais de bonnes nouvelles. J’ai peur de ce qui nous attend », a-t-elle dit, en faisant référence à l’insécurité alimentaire qu’elle observe dans le monde.

Ajay Banga, lui, a récemment entamé son premier mandat à la présidence de la Banque mondiale. Avec assurance, devant un public pendu à ses lèvres, M. Banga a affirmé : « Nous avons assez d’argent pour résoudre tous les problèmes. Nous faisons simplement les mauvais choix. »

Ces deux déclarations rappellent que tout est interconnecté. L’urgence climatique, le manque de logements, les inégalités sociales, la pauvreté, l’isolement, la santé mentale, les menaces à la démocratie, la polarisation et les mauvaises décisions.

Mais avant d’être des enjeux à l’international, ils le sont à l’échelle locale, provinciale et nationale.

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Le pape François s’entretient par vidéoconférence avec l’ancien président Bill Clinton à l’ouverture de la Clinton Global Initiative, le 18 septembre.

Dans son allocution, le pape François mettait en garde contre la mondialisation de l’indifférence. Il a raison, mais je suis d’abord préoccupée par nos indifférences sur les scènes locale, provinciale et nationale. Il n’est pas surprenant, par exemple, d’être collectivement si peu émus devant des images de migrants morts en traversant la Méditerranée alors que celles de la destruction des dernières installations au chemin Roxham ont à peine dérangé.

Les résultats les plus impressionnants à la CGI sont ceux qui ont commencé à l’échelle locale par des individus qui n’ont rien à voir avec la politique.

Comme cette jeune cheffe à Manille – et ancienne participante d’une émission culinaire – qui a commencé un programme de partage de profits avec des agriculteurs locaux. Le succès du programme a changé plusieurs communautés et les leçons tirées sont maintenant appliquées ailleurs aux Philippines et en Asie.

Comment utilisons-nous notre propre influence pour répondre aux manquements de nos gouvernements ? En faisons-nous assez et existe-t-il assez de collaboration entre les autorités gouvernementales, les ONG, le secteur privé et les citoyens pour résoudre les enjeux les plus pressants ?

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Hillary Clinton s’entretient avec l’acteur Michael J. Fox lors d’une table ronde à la Clinton Global Initiative, le 19 septembre dernier, à New York.

Depuis qu’il a lancé sa fondation pour la recherche sur la maladie de Parkinson, l’acteur Michael J. Fox – panéliste à la CGI cette année – a récolté 2 milliards de dollars. Le don moyen est de 15 $. Le Canadien a utilisé son influence pour faire la différence. Mais il a commencé localement, à Hollywood. Puis, il est parti en croisade ailleurs sans attendre les autorités de santé gouvernementales. C’est elles qui n’ont pu faire autrement que de le suivre.

La plus grande réussite de la Clinton Global Initiative est de faire taire le cynisme ambiant et de donner raison aux optimistes, à ceux qui croient au possible et qui agissent.

Il y a plus de 100 ans, le sociologue écossais Patrick Geddes proposait de « penser globalement mais d’agir localement ». Je suis d’accord avec lui. Le succès local peut et doit être contagieux. Voilà notre chance de faire partie de la solution, à notre manière. D’abord ici, puis ailleurs au pays et dans le monde.

Une suggestion de lecture : The Nation City : Why Mayors Are Now Running the World, publié en 2020 et écrit par Rahm Emanuel. Aujourd’hui ambassadeur des États-Unis au Japon, Rahm Emanuel a été chef de cabinet du président Barack Obama et maire de Chicago.

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