Depuis plusieurs années, la Coalition des psychologues du réseau public québécois met en lumière les conséquences sur la population du manque d’accès aux psychologues dans le réseau de la santé et de l’éducation. Ces conséquences peuvent aller de l’aggravation d’un problème de santé au décrochage scolaire, à l’invalidité, jusqu’à la mort à la suite d’un suicide ou d’un trouble alimentaire.

Tristement, le nombre de jeunes en attente pour voir un psychologue a augmenté de 325 % au CHU Sainte-Justine en deux ans. Cette augmentation des besoins est combinée à une diminution marquée du nombre de psychologues travaillant dans le réseau public au détriment du secteur privé. Depuis 10 ans, leur nombre a diminué de 25 %, alors qu’il a augmenté de 30 % au privé.

Une des raisons derrière cette migration vers le privé est le manque de reconnaissance salariale flagrant. Par exemple, les psychologues accumulent 300 000 $ d’actifs en moins au moment de leur retraite comparativement aux personnes qui détiennent un baccalauréat et qui travaillent également dans le réseau. De plus, en raison de leurs études doctorales obligatoires, les psychologues prennent leur retraite cinq à six ans plus tard. Par ailleurs, l’écart avec le salaire des psychologues du réseau public en Ontario dépasse maintenant 60 %.

Sachant cela, le gouvernement a proposé des offres différenciées en faveur des psychologues dans le cadre des négociations actuelles. Un pas dans la bonne direction. Le 8 septembre dernier, le premier ministre François Legault a de nouveau parlé de l’importance d’offrir une meilleure reconnaissance salariale aux psychologues.1

Mais voilà que le 12 septembre, en entrevue à LCN et à RDI, Robert Comeau, président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), s’est une fois de plus opposé à des hausses de salaire différenciées en faveur des psychologues. C’est donc le syndicat qui représente la majorité des psychologues qui bloque l’augmentation proposée.

Ainsi, à l’injustice salariale s’ajoute un manque de représentation syndicale. Sans vouloir négocier sur la place publique, quelle autre option nous reste-t-il pour dénoncer cette situation qui ne peut plus durer ?

Le problème n’est pas l’APTS, qui se doit de représenter l’ensemble de ses membres, lesquels appartiennent à plus de 120 titres d’emploi différents. Dans ce grand bassin de travailleurs essentiels regroupés sous un même syndicat, les psychologues, seuls détenteurs d’un doctorat, ne représentent qu’un maigre 3 %. Impossible donc de vendre à l’ensemble des syndiqués une hausse salariale spécifique aux psychologues, aussi justifiée soit-elle.

La solution est simple : modifier une loi pour que les psychologues n’appartiennent plus à ce groupe de négociation. Par leur formation doctorale obligatoire, leurs conditions spécifiques d’exercice et la forte demande du secteur privé, les psychologues constituent un groupe distinct qui devrait pouvoir négocier directement avec le gouvernement, comme peuvent le faire les pharmaciens. Selon un sondage mené en 2022 par la Coalition des psychologues du réseau public québécois auprès de 1004 psychologues, au moins 95 % d’entre eux sont d’accord avec cette solution qui leur permettrait de se joindre au réseau public ou d’y rester.

Si nous voulons conserver nos psychologues et neuropsychologues dans notre réseau, nous devons mettre fin à ce manque de représentation et à ces injustices salariales.

Les grands perdants dans cette histoire ne sont pas les psychologues, mais bien la population. Alors que les psychologues peuvent développer une pratique privée et remplir leur horaire en quelques jours, ce sont les gens qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un psychologue au privé, ainsi que leur entourage, qui paient le prix de cette inaction. Les parents s’absentent du travail et font leur possible pour soutenir leur enfant aux prises avec des idées suicidaires, les policiers répondent à des appels qui auraient pu être évités, et les enseignantes débordées doivent gérer des attaques de panique et des crises en classe.

Espérons que notre gouvernement aura le courage politique de modifier la loi pour sortir les psychologues et la population de cette impasse avant qu’il y ait davantage de dommages.

Cosignataires : Christiane Flessas M. Ps., neuropsychologue et administratrice de la Coalition des psychologues du réseau public québécois, la Dre Jenilee-Sarah Napoléon, M. Sc., Ph. D, psychologue et vice-présidente secrétaire de la Coalition des psychologues du réseau public québécois, la Dre Loredana Marchica, Ph. D, psychologue et responsable des communications de la Coalition des psychologues du réseau public québécois, le DYoussef Allami, Ph. D, psychologue et administrateur de la Coalition des psychologues du réseau public québécois, la Dre Stéphanie Tremblay, Ph. D, neuropsychologue et trésorière de la Coalition des psychologues du réseau public québécois, le DKevin Brassard, D. Ps., psychologue/neuropsychologue et vice-président liaison par intérim de la Coalition des psychologues du réseau public québécois. Ainsi que plus de 1247 signataires, psychologues, professionnels de plusieurs horizons et citoyens.

Consultez la liste des signataires 1. Lisez l’article « François Legault craint des grèves » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue