Faut-il vraiment combattre la vieillesse, ou plutôt l’accepter tranquillement, en laissant couler les jours ? demande celle qui nous a fait parvenir ce témoignage.

On nous a dit d’apprendre le laisser-aller, de savoir reconnaître nos limites, de n’assumer que nos responsabilités et d’identifier celles qui ne nous appartiennent pas. On nous a reproché de trop endosser, de nous dépenser à l’excès, de nous épuiser à la tâche, de vouloir tout contrôler.

Aujourd’hui, on m’explique qu’il faut combattre, rester jeune, bien manger, faire de l’exercice, stimuler mon cerveau, fournir des efforts de mémoire, prendre soin de ma santé et surtout, surtout ne pas me laisser aller…

On me garroche au visage les exploits de tous ces vieux encore tellement jeunes ! Celui qui à 92 ans saute en parachute, cette autre qui à 88 ans marche ses 12 km tous les jours et celui-là encore qui a terminé le triathlon en un temps record à 101 ans. Ciel, grand bien leur fasse !

Moi, je suis vieille. J’aime être vieille ; j’ai appris à laisser aller. Je suis beaucoup plus indulgente avec moi-même maintenant. Je ne me soucie plus de si bien manger. Je ne fais plus d’exercice, ma vie est douillette et je n’assume que mes responsabilités ; si, si, je suis devenue très habile à réfuter la culpabilisation, les blâmes, les reproches.

Je fais ma petite affaire sans rien demander, en essayant de ne pas déranger. Mon corps et mes forces se détériorent doucement, j’ai des douleurs que j’encaisse en me plaignant un peu, mais bon, je fais avec…

Vous notez que toutes ces consignes, tous ces conseils, tous ces modes d’emploi du bien vieillir nous viennent de personnes pas vieilles du tout ? Bizarre ! Remarquez aussi que les vieux sont parqués dans des résidences dix fois plus vieilles qu’eux, ignorés par la publicité, méprisés ou oubliés par ceux-là mêmes qui nous disent comment vivre notre vieillesse… J’appelle ça de la maltraitance silencieuse.

La jeunesse, ça se guérit avec le temps ; vous n’y échapperez pas ! Cessez de penser que je vous coûte une fortune en soins médicaux, c’est faux, et de plus je consomme nettement moins que vous, alors… Laissez-moi vivre à ma manière en vieille heureuse, laissez-moi profiter de la lumière, des couleurs, des formes et des odeurs qui m’entourent, laissez-moi savourer les musiques que j’aime. Voilà ce que je fais au quotidien. Laissez-moi me laisser aller en paix… Laissez-moi partir doucement, je n’ai pas peur quand viendra mon heure. C’est tout simplement dans l’ordre des choses, vous savez ces choses qu’on ne comprend pas tout à fait, mais qui sont.

Signé, la vieille.

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