Produire un budget de l’an 1 d’un Québec souverain est une figure imposée pour un chef péquiste. C’est un document, surtout pour usage interne, qui prouve que le Parti québécois (PQ) et son chef croient encore que la raison d’être du parti est de réaliser la souveraineté du Québec.

Mais l’exercice de cette année a aussi pour but d’enquiquiner François Legault, auteur de la dernière mouture du document, en 2005, devenu chef d’un parti qu’on peut décrire, faute de mieux, comme « un parti qui n’est pas souverainiste ».

Sauf que l’exercice actuel manque de rigueur et tourne souvent les coins ronds. Ainsi, l’étude du PQ évalue la part du Québec de la dette fédérale à 19,8 %, sans expliquer son calcul. Mais ce pourrait être sa part de la population canadienne (22 %) ou sa part du produit intérieur brut du Canada (21 %) ou 18 %, soit les actifs fédéraux au Québec. Des différences de milliards de dollars.

Un calcul un peu inutile, d’ailleurs, puisque le résultat final serait déterminé par des négociations avec le Canada dont on ne peut prédire l’issue.

Passons vite sur ses comparaisons douteuses pour prouver que les séparations peuvent être bénéfiques économiquement, et que cela pourrait même « propulser » l’économie du Québec.

Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a donné l’exemple de la Slovaquie, dont la rupture avec la République tchèque a « propulsé » l’économie. Sauf que l’essor de la Slovaquie a essentiellement été causé non par sa séparation, mais par la chute du régime communiste et la privatisation massive de ses industries mal gérées par l’État.

Mais l’exercice de cette année contient aussi une série de raccourcis sur les politiques du gouvernement fédéral et leur effet sur les coûteux chevauchements de compétences estimés à près de 9 milliards de dollars.

Il est vrai que, sous Justin Trudeau, l’État fédéral a beaucoup dépensé, quitte à s’endetter. Mais la dénonciation est si forte – même à propos des aides d’urgence pendant la pandémie – qu’on peut se demander si M. St-Pierre Plamondon ne s’ennuie pas de l’austérité de Stephen Harper.

Ce qui fait que le budget de l’an 1 annonce, pour le Québec souverain, un virage à droite qui se traduirait nécessairement par des pertes d’emplois et des compressions budgétaires.

Notons que pour la première fois, le PQ ne s’engage pas à garantir un emploi équivalent aux fonctionnaires fédéraux dont les postes seraient devenus redondants.

C’est un vieux dossier. Déjà, au référendum de 1995, beaucoup disaient qu’il était difficile de dénoncer les dédoublements quand on garantissait les emplois de tous les fonctionnaires fédéraux. Mais, pour Jacques Parizeau, c’était une question d’honneur : le premier geste d’un Québec souverain ne pouvait pas être de congédier des gens qui avaient loyalement servi l’État.

Aux dernières élections, M. St-Pierre Plamondon leur promettait « des emplois tout aussi intéressants, mais dans leur propre pays ». Maintenant, il parle de fermer cinq ministères fédéraux, où les emplois ne seraient plus garantis.

En fait, le document du PQ est révélateur d’un Québec souverain soumis à un régime minceur. Cinq ministères fédéraux seraient touchés, soit l’Immigration, le Revenu, la Santé, le Patrimoine canadien et Emploi et développement social. Avec des mises à pied inévitables.

Dans les deux premiers cas, cela s’explique facilement. Le gouvernement du Québec contrôle déjà l’essentiel de son immigration, et s’il y a un ministère qui serait redondant après la souveraineté, c’est bien celui du Revenu.

Mais quand on parle du Patrimoine canadien, on parle des fonds dévolus à la culture et qui sont distribués par des organismes comme Téléfilm, l’ONF, Radio-Canada, le Conseil des arts, le Programme d’aide aux musées, etc.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La devanture de la nouvelle maison de Radio-Canada

M. St-Pierre Plamondon a pris ce ministère en grippe parce qu’il finance aussi les programmes de langues officielles, de promotion de la diversité ou les institutions liées à la monarchie.

De même, pour le ministère de la Santé, il est exact que celui-ci ne s’occupe pas des soins de première ligne. Mais, dans un Québec souverain comme dans le Canada fédéral, il faudra nécessairement créer et financer un organisme pour autoriser les nouveaux médicaments ou vaccins, par exemple.

Ce qui nous amène aux coûts de transition, qui sont aussi largement escamotés. Un seul exemple : les Affaires étrangères. M. St-Pierre Plamondon a prédit que la capitale nationale du Québec y gagnerait « 200 ambassades ». Ce serait un peu moins, puisqu’il n’y a que 197 pays membres de l’ONU…

Mais surtout, le grand principe de la diplomatie est la réciprocité. On dit que les pays « s’échangent » des ambassadeurs. Si on veut ces ambassades à Québec, il faudra en ouvrir autant, partout dans le monde. On ne se surprendra pas que le PQ n’ait pas voulu chiffrer cet engagement.

Dans une version précédente de cette chronique, nous indiquions que cinq ministères fédéraux identifiés dans le budget de l’an 1 du Parti québécois allaient être abandonnés. Or, selon ce document, ce ne sont pas toutes les missions et les programmes de ces ministères qui seraient abandonnés. De même, nous affirmions que le Parti québécois n’indiquait pas quelles fonctions du ministère du Patrimoine canadien seraient maintenues ou abandonnées par un Québec souverain. Le document ne donne pas de précisions, mais il indique certains des programmes qui seraient éliminés et ajoute quelles sommes dépensées au Québec pour les différents musées et les arts en général seraient conservées. Nos excuses.

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