Malgré les bouleversements climatiques, la crise du logement, l’inflation, l’état du système de santé, le Québec reste l’un des endroits dans le monde où les gens sont les plus heureux.

Si le Québec était un pays, les Québécois formeraient même le peuple situé au sixième rang des plus heureux au monde, selon un rapport annuel publié par un groupe de chercheurs universitaires mercredi, pour la Journée internationale du bonheur.

Pour classer les différents pays selon leur niveau de bonheur, les chercheurs utilisent les réponses au sondage mondial de la firme Gallup sur leur qualité de vie. Les citoyens qui y participent auto-évaluent leur qualité de vie, et par extension leur niveau de bonheur, sur une échelle de 0 à 10. Les chercheurs calculent l’indice du bonheur par pays en se basant sur la moyenne des trois dernières années.

Ce sont les Finlandais qui se disent les plus heureux au monde avec un indice de bonheur de 7,74 sur 10. Les Danois, les Islandais, les Suédois et les Israéliens complètent le top 5 des peuples les plus heureux⁠1, selon ce classement publié par le Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies, qui regroupe entre autres des chercheurs de l’Université Oxford, de la London School of Economics et de l’Université de la Colombie-Britannique.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le Canada est le pays du G7 le plus heureux et se situe au 15e rang des États les plus heureux dans le classement général, avec un indice de bonheur de 6,90 sur 10.

Le Québec ne fait pas partie du rapport officiel, mais les chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique ont décortiqué les données canadiennes en isolant le Québec, et nous ont transmis les résultats. Le Québec prendrait ainsi le sixième rang, avec un indice du bonheur de 7,33 sur 10, devant les Pays-Bas (6rang officiel) et la Norvège (7rang).

Le Canada est le pays du G7 le plus heureux et se situe au 15e rang des États les plus heureux dans le classement général, avec un indice de bonheur de 6,90 sur 10. Sans le Québec, le reste du Canada (ROC) arriverait au 20e rang (6,77), premier du G7 tout juste devant le Royaume-Uni.

Au cours de la dernière année, le niveau de bonheur des Québécois a légèrement augmenté (de 7,31 à 7,33 ; du 8e au 6e rang du classement), tandis que celui des Canadiens a légèrement diminué (de 6,91 à 6,90 ; du 13e au 15e rang).

Résultat très inquiétant pour nos voisins du Sud : pour la première fois depuis la publication de ce classement annuel (soit depuis 2013), les Américains sont exclus du top 20 des pays les plus heureux. Ils reculent du 15rang au 23rang en une seule année, en raison d’une baisse importante du bonheur des jeunes Américains, qui ont le moral dans les talons.

En général, qu’ont en commun les pays qui sont les plus heureux ? Ils ne sont pas en guerre. Ils sont riches (le PIB par habitant est généralement un excellent indicateur du niveau de bonheur d’un pays, comme l’a démontré l’économiste Pierre Fortin⁠2). Et la plupart du temps, ils ont aussi un filet social important (ils paient donc plus d’impôts pour le financer).

À l’inverse, les pays les moins heureux sont généralement en guerre ou sont très pauvres. Le Liban (indice du bonheur de 2,70 sur 10) et l’Afghanistan (1,72) sont les deux pays les moins heureux dans ce classement de 143 pays.

Déficit intergénérationnel de bonheur

Il y a toutefois une ombre à ce tableau très encourageant pour le Québec : notre déficit intergénérationnel de bonheur.

Les Québécois âgés de moins de 30 ans sont moins heureux que les Québécois âgés de plus de 60 ans.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Chez les moins de 30 ans, les Québécois sont au 14e rang des plus heureux au monde, un résultat honorable.

N’est-ce pas normal ? À 25 ans, on a la vie devant soi, mais aussi beaucoup de questions et de craintes. Vais-je trouver un emploi satisfaisant ? Fonder une famille et avoir des enfants ? Pouvoir acheter une maison en pleine crise du logement ?

Ce sont des questionnements normaux dans la vingtaine. Mais c’était aussi vrai il y a 10 ans. Et en 2013, les jeunes Québécois étaient plus heureux que les Québécois âgés de 60 ans et plus, selon les données de l’indice du bonheur.

En 10 ans, le niveau de bonheur des jeunes Québécois a diminué (de 7,81 à 7,13), tandis que le niveau de bonheur des Québécois de plus de 60 ans a légèrement augmenté (de 7,60 à 7,64). Aujourd’hui, l’écart de bonheur entre ces deux générations de Québécois est d’un demi-point (0,51).

Ce déficit intergénérationnel de bonheur n’est pas unique au Québec. C’est le cas de la majorité des économies avancées de l’OCDE (les pays riches). Il est d’ailleurs beaucoup plus élevé au Canada anglais (écart de 0,98) et aux États-Unis (0,87).

Chez les moins de 30 ans, les Québécois sont au 14e rang des plus heureux au monde, un résultat honorable. Les Américains arrivent seulement au 62e rang, derrière les Grecs, les Brésiliens et les Équatoriens, qui vivent pourtant dans des sociétés beaucoup moins riches. Les Canadiens anglais font encore pire en prenant le 72e rang. Les jeunes Vietnamiens, Russes, Philippins et Kazakhs se disent plus heureux que les jeunes du ROC.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Un constat positif : à l’échelle mondiale, les gens sont plus généreux qu’avant la pandémie de COVID-19.

Comment expliquer ce déficit intergénérationnel de bonheur au Canada anglais et aux États-Unis ? L’économiste John Helliwell, l’un des auteurs du rapport sur le bonheur, a sa petite idée.

« Cette baisse du bonheur chez les jeunes semble se concentrer dans les pays occidentaux anglophones (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande), m’écrit M. Helliwell, professeur émérite à l’Université de la Colombie-Britannique. L’une des théories, c’est que les nouvelles négatives des médias anglophones [médias traditionnels ou réseaux sociaux] en sont la source. » Ce serait l’une des raisons pour laquelle les jeunes Québécois seraient plus heureux : ils seraient moins exposés à ce type d’informations négatives en raison de la langue, selon M. Helliwell.

Par contre, les Canadiens et les Américains plus âgés sont parmi les plus heureux de leur groupe d’âge (plus de 60 ans). Le Canada prend le 8e rang mondial de ce groupe d’âge, les États-Unis le 10e rang. Le Québec arriverait au 4e rang mondial.

Un constat positif en terminant : à l’échelle mondiale, les gens sont plus généreux qu’avant la pandémie de COVID-19. Peu importe l’âge, ils sont plus nombreux à aider les autres et à faire des dons et du bénévolat, selon les données de Gallup. Et donner, ça rend heureux !

Consultez le Rapport annuel sur le bonheur

1. Pour le classement de 2023 dévoilé mercredi, il s’agit de la moyenne des années 2021 à 2023. Ces résultats ont donc été compilés très largement avant le début de la guerre entre Israël et le Hamas déclenchée à la suite des attentats terroristes du Hamas le 7 octobre 2023.

2. Lisez la chronique de Pierre Fortin « L’argent du bonheur » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue