Six organismes voués à la promotion des transports en commun ont fait conjointement, lundi, un bilan de près de six années de pouvoir du gouvernement de la CAQ. Résultat : c’est zéro. « Une absence de progrès significatifs en transport collectif sous le gouvernement Legault », disent-ils.

En 2018, lors de la campagne électorale qui l’a portée au pouvoir, la CAQ avait promis de lancer six grands chantiers de transports en commun. Ils sont tous au point mort.

Le projet de REM dans l’est de Montréal a été abandonné et on recommence les études. Le projet structurant sur la Rive-Sud est au point mort après le retrait de CDPQ Infra, la filiale de la Caisse de dépôt qui est responsable du REM.

Le prolongement du REM vers Chambly et Saint-Jean-sur-Richelieu a été abandonné. Tout comme les projets de prolongement du métro et du REM à Laval. Quant au tramway de Québec, il est en pause décrétée par le gouvernement, en attendant une étude de CDPQ Infra.

On pourrait ajouter à la liste le projet de tramway entre Gatineau et Ottawa et le projet de la ligne rose, qui demeure à l’étude.

Les projets actuellement actifs en transports en commun se limitent à achever ce qui a été entamé par des gouvernements précédents comme la ligne bleue du métro de Montréal ou le prolongement du service rapide par bus sur le boulevard Pie-IX à Montréal.

Que s’est-il passé pour en arriver à un tel bilan ? D’abord, admettons-le d’emblée, les transports en commun n’ont jamais été dans l’ADN de la CAQ. Son électorat de base se trouve dans les couronnes et les banlieues, là où la voiture solo est la règle.

Mais surtout, le gouvernement a trouvé un nouvel acteur dans le monde des transports en commun qui a eu pour effet de le déresponsabiliser presque totalement de ce dossier : la Caisse de dépôt et placement et sa filiale CDPQ Infra.

Pour un gouvernement – surtout si les projets de transports en commun ne sont pas une priorité –, CDPQ Infra est une aubaine. Elle produit des projets clés en main. Non seulement elle arrive avec le financement, aussi mais elle détermine les choix de tracé avec une technologie déjà choisie.

À première vue, c’est une offre qu’on ne peut pas refuser.

Mais il y a un prix à payer pour abandonner ainsi ses responsabilités. La Caisse n’est prête à investir que moyennant un rendement sur son investissement. C’est donc du transport collectif qui doit rapporter et, sur son trajet, le REM doit donc avoir un monopole et un bassin garanti de passagers, grâce à des obligations de rabattement des passagers des autobus vers le REM.

Surtout, la logique est celle du rendement – ou du profit, si on veut utiliser le vocabulaire du secteur privé –, ce qui implique de ne pas avoir l’obligation de desservir des quartiers enclavés ou un peu moins rentables. On notera d’ailleurs que le tracé actuel du REM dessert surtout les beaux quartiers de l’Ouest-de-l’Île, de la Rive-Sud et L’Île-des-Sœurs, ce qui n’est pas un hasard.

La Caisse a aussi été en position d’exiger du gouvernement des concessions importantes avant d’entreprendre le projet. Celles du gouvernement Couillard furent carrément extravagantes, y compris la propriété de l’emprise des voies de trains de banlieue et du tunnel sous le mont Royal – ce qui, entre autres, a condamné le train de banlieue de l’Est, qui ne cesse de voir son achalandage diminuer depuis.

De même, si les villes doivent être responsables des déficits d’exploitation des sociétés de transport, c’est Québec qui, en vertu du contrat initial du REM, en paiera 85 %. La différence de traitement est flagrante.

Ce qui n’a pas empêché le gouvernement de confier à CDPQ Infra d’autres mandats de transports en commun. Sauf qu’elle a agi comme un vendeur qui n’a qu’un seul produit dans son catalogue, soit un REM sur le modèle de ce qui est déjà bâti, avec peu de variantes.

Ce qui fait que la Caisse a dû se retirer du projet de la Rive-Sud parce que le projet proposé n’était pas ce que recherchaient les villes de Longueuil et de Brossard. Ce qui fait qu’à Québec, on craint beaucoup ce qu’elle pourrait finir par proposer, dans une ville où l’aspect patrimonial ne peut être ignoré.

On peut aussi craindre qu’après l’abandon du projet de REM de l’Est, CDPQ Infra soit rappelée aux affaires pour la nouvelle mouture attendue d’un projet de transport structurant pour l’est de l’île de Montréal.

Cela illustre le grand problème dans ce dossier : le leadership en matière de transport collectif devrait venir du gouvernement du Québec. Mais il viendra plutôt d’une filiale du « bas de laine » des Québécois pour qui la priorité n’est pas le service aux citoyens, mais son rendement.

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