En ces temps difficiles pour notre système de santé, il existe tout de même des initiatives remarquables qui redonnent de l’espoir. Parmi celles qui se démarquent, il y en a une dont j’ai envie de vous parler : Espace Transition, un programme lancé en 2009 par la psychiatre Patricia Garel, de l’hôpital Sainte-Justine. Là-bas, toute une équipe vient en aide à des jeunes qui vivent une grande souffrance psychique.

L’équipe d’Espace Transition permet un retour à une vie sociale, disons, plus gratifiante après une période de soins aigus pour un enjeu de santé mentale. La Dre Patricia Garel m’explique que cette transition se fait à partir d’ateliers de création artistique. Elle précise que l’art l’a personnellement soutenue et accompagnée pendant son adolescence, notamment par la pratique du violoncelle. Elle souhaite aujourd’hui redonner aux jeunes tout le bien que l’art lui a apporté. Elle a voulu leur offrir des lieux de création où ils pourraient retrouver un mieux-être, une plus grande adaptation sociale et une déstigmatisation face à leur condition psychologique. Prendre le temps d’écouter, voilà ce qui a toujours guidé ses interventions, une disposition si précieuse et souhaitable dans les pratiques actuelles.

Cette initiative de création artistique qu’elle a mise sur pied en marge de ses activités cliniques se veut avant tout un endroit où les jeunes ne se sentent ni jugés ni évalués. « C’est un espace sécuritaire et protecteur où l’on peut découvrir qui on est vraiment. »

Plusieurs activités sont offertes aux adolescents, qu’ils aient un diagnostic psychiatrique ou pas. Ces ateliers qui s’échelonnent sur 12 semaines sont supervisés par des intervenants et animés par des artistes, des musiciennes et musiciens, des chefs en cuisine ou des danseuses et danseurs professionnels. C’est toute une communauté qui se tisse autour de ces jeunes : depuis 15 ans, des organisations comme le Cirque du Soleil, l’Opéra de Montréal, la Tablée des chefs, le Musée des beaux-arts de Montréal, la Société des arts technologiques et le Conservatoire de musique et d’art dramatique s’impliquent auprès d’eux. Chaque atelier se termine par une œuvre collective présentée au public. Les jeunes peuvent suivre plusieurs ateliers selon leurs souhaits. Le tout gratuitement, dans un local lumineux de l’hôpital Sainte-Justine ou souvent sur les lieux mêmes du partenaire artistique.

PHOTO FOURNIE PAR SYLVAIN ÉMARD DANSE

Atelier de danse d’Espace Transition en collaboration avec Sylvain Émard Danse

Et le succès est au rendez-vous. Les recherches universitaires menées en lien avec les activités offertes démontrent que malgré leur fragilité, les jeunes s’y épanouissent en toute sécurité. Par exemple, depuis le début, plus de 1000 jeunes ont bénéficié de ces ateliers, à Montréal ou ailleurs au Québec comme à Vaudreuil, Saint-Jérôme et Rivière-du-Loup.

La Dre Garel et sa petite équipe ont consacré tout ce temps à leurs protégés par conviction. La conviction que l’art, en groupe, sans stigmatisation et avec le bon accompagnement, peut considérablement aider et soulager les jeunes aux prises avec différents troubles de santé mentale. Ce contexte stimulant met en lumière le potentiel et les forces de chacun plutôt que ses difficultés. La Dre Garel insiste sur le fait que l’art peut faire un bien immense à l’adolescence, et les artistes sont d’excellents aidants naturels, guidés par leur propre sensibilité et créativité.

Dans un documentaire produit en 2014, un père témoigne en expliquant qu’Espace Transition a changé la vie de son fils et que le soutien qu’il a reçu a donné des résultats exceptionnels. Et à la fin d’un spectacle, un animateur d’atelier résume l’expérience en disant : « Ces jeunes sont des héros, applaudis souvent pour la première fois. Ils sont tous grimpés sur une montagne où ils n’étaient jamais allés. »

La détresse que vivent présentement nos jeunes interpelle l’ensemble de la société. Comment voulons-nous les soutenir et les aider alors qu’ils sont aux prises avec plusieurs difficultés, d’ordre psychologique, motivationnelle, scolaire ou même physique ? Comment reconnaître à leur juste valeur ceux et celles qui croient en ces jeunes et qui s’investissent bien au-delà de leurs responsabilités professionnelles ? Redonner l’espoir et la confiance en soi par l’art, par le sport, par des projets de toutes sortes est impératif ! Nous nous devons, comme société, de soutenir toutes les initiatives qui aident les jeunes qui souffrent à envisager leur vie autrement qu’à travers le prisme du désespoir et de l’anxiété.

Espace Transition en est un exemple remarquable, à travers un projet humaniste et artistique qui non seulement apporte des bienfaits à la santé physique et psychologique des jeunes, mais leur permet aussi d’expérimenter une bienveillance inconditionnelle à leur endroit.

Patricia Garel et son équipe distribuent cette bienveillance permettant à des centaines de jeunes de passer de l’ombre à la lumière.

Tout juste avant Noël, j’ai assisté à un spectacle de danse organisé par Espace Transition, et une participante a résumé tout l’impact que des initiatives comme celle-là peuvent avoir sur notre jeunesse : « Je ne suis jamais fière de moi, alors c’est une grande chose que je sois fière de moi ce soir ! » Ou encore cette autre jeune femme, devenue maintenant une professionnelle de la santé : « Je vous remercie d’avoir cru en moi alors que je n’en étais plus capable. »

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